Baclofène : la fin de la ''solution miracle''

Souvent présentée comme le remède miracle à l’alcolodépendance, la molécule, utilisée à haute dose, engendrerait un risque accru d’hospitalisation et de décès.

De Julie Lacaze
Publication 9 nov. 2017, 02:09 CET
Sylvie Imbert et Yves Brasey ( dans l'hôtel du Luxembourg à Paris) sont de fervents partisans ...
Sylvie Imbert et Yves Brasey ( dans l'hôtel du Luxembourg à Paris) sont de fervents partisans du baclofène. Ils ont considérablement réduit leur consommation d'alcool grâce à la molécule.

Alors que les patients avaient tendance à utiliser le baclofène à forte dose (180 mg/jour), sa consommation a été limitée à 80 mg/jour. Cette décision, prise en urgence par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), le 25 juillet dernier, fait suite au premier résultat de la grande étude Cnamts-INSERM 2004-2015. La molécule, qui, à forte dose, agit contre l’envie irrépressible de boire, a été comparée à d’autres traitements de la dépendance (acamprosate, naltrexone, nalméfène, disulfiram). Les conclusions sont alarmantes : au-delà de 180 mg/jour, le baclofène augmente de 46 % le risque d’hospitalisation et multiplie par 2,27 le risque de décès par rapport aux autres traitements. Or, l’ANSM avait autorisé jusqu’alors une posologie maximale de 300 mg/jour…

 

LE TRAITEMENT MIRACLE ?

À l’origine du succès de la molécule, le témoignage du cardiologue français Olivier Ameisen. En 2004, le médecin a découvert que ce relaxant musculaire permettait aussi de soigner son alcoolisme. Grâce au baclofène, les patients peuvent diminuer leur consommation d’alcool sans être obligés d’atteindre l’abstinence stricte ni retomber dans l’alcoolisme : nous en parlons dans notre reportage sur les addictions, paru dans le numéro de septembre 2017.

PHOTOGRAPHIE DE CC0 Creative Commons

Problème : la molécule n’est efficace qu’à très forte dose. Olivier Ameisen racontait dans son livre, Le Dernier Verre, qu’il en consommait 27 comprimés par jour ! À l’époque de la trouvaille du cardiologue, décédé depuis, le baclofène ne bénéficiait pas d’autorisation de mise sur le marché pour traiter l’alcolodépendance. En mars 2014, sous la pression des associations de patients, l’ANSM avait délivré une recommandation temporaire d’utilisation, renouvelée pour une durée d’un an, en mars dernier.

 

 

 

POURQUOI LIMITER LA DOSE ?

Seul bémol, les études pointaient depuis longtemps des effets secondaires de la molécule. Dans l’enquête Alpadir, visant à tester l’efficacité du traitement sur 316 personnes alcolodépendantes, 90 % des patients sous baclofène (180 mg/j) souffraient de somnolence, d’asthénie, de pertes d’équilibre ou d’insomnie. Une étude de l’Inserm a aussi démontré qu’il provoque des apnées du sommeil. Selon l’ANSM, le baclofène serait un facteur aggravant de certaines maladies psychiatriques et doit être instauré très progressivement chez les personnes épileptiques. 

De nombreuses associations de patients et des médecins s’insurgent contre cette mesure de restriction. Douze praticiens ont exprimés leur désaccord dans une tribune adressée à Agnès Buzyn, la ministre de la Santé : « La décision de l'ANSM, faite sans concertation avec les spécialistes de terrain, ne nous paraît pas adaptée : elle est source d'une perte de chance pour de nombreux patients. » D’autres préfèrent rappeler, comme le professeur d’addictologie Michel Reynaud dans le Quotidien du médecin, que cette décision fait suite à plusieurs alertes et que les données de l’étude Cnamts-INSERM, incluant 230 000 patients, sont suffisamment fiables. La vigilance reste donc de mise, en particulier après les affaires du Médiator ou de la Dékapine qui ont secoué la santé publique française. L’ANSM demande aux médecins d’initier une diminution du traitement par paliers de 10 ou 15 mg tous les 2 jours, afin de limiter les symptômes liés au sevrage chez leurs patients.

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