Ces empreintes fossilisées racontent l'origine de la bipédie des lézards
La capacité qu'a le lézard à courir très rapidement lui aurait permis d'échapper à ses prédateurs, notamment au ptérosaure, un reptile volant.
Cette semaine, tous les yeux sont rivés sur Pyeongchang, en Corée du Sud, où certains des meilleurs athlètes du monde sont réunis pour entrer dans l'histoire des Jeux Olympiques d'hiver. Il y a 110 millions d'années, une lagune marécageuse située à environ 275 kilomètres au sud était le théâtre d'un record athlétique singulier : le sprint d'un lézard sur ses pattes arrière y laissait de minuscules empreintes de pas.
Ces traces fossilisées, révélées jeudi dernier dans la revue Scientific Reports, constituent la plus ancienne preuve directe de bipédie chez les lézards, l'aptitude à marcher sur les deux membres postérieurs. Si plus de 50 espèces de lézards courent aujourd'hui sur leurs deux pattes arrière, cette découverte révèle que cette capacité est apparue très tôt dans l'évolution du lézard.
« Les empreintes fossilisées constituent des preuves directes du comportement d'un animal, contrairement aux fossiles de squelettes », explique Yuong-Nam Lee, co-auteur de l'étude et paléontologue à l'université nationale de Séoul, en Corée du Sud.
Le bloc d'argilite présente 29 empreintes de lézard. Bien que l'espèce de lézard qui en est à l'origine n'ait pas été déterminée, les chercheurs ont attribué à cet échantillon d'empreintes fossilisées le nom de Sauripes hadongensis — littéralement « la patte du lézard de Hadong » — en référence au comté de Hadong, en Corée du Sud, où le bloc a été découvert.
Parmi les empreintes fossilisées découvertes, 25 sont des traces de pattes arrière du lézard. Les larges espaces séparant les pas longs de plusieurs centimètres et l'étroitesse de sa cadence indiquent qu'il aurait d'abord marché à quatre pattes, avant d'accélérer et de courir sur ses pattes arrière, un comportement semblable à celui de certains lézards contemporains.
« Il s'agit de la première preuve directe de locomotion bipède chez les lézards sur l'ensemble du Mésozoïque », une époque également appelée l'ère des dinosaures, affirme Tiago Simões, paléontologue à l'université de l'Alberta qui a relu l'étude. « Cette découverte prouve que certains des traits les plus intéressants dans le comportement du lézard existaient d'ores et déjà au début du Crétacé. »
DE GRANDES ENJAMBÉES
Les lézards que nous connaissons aujourd'hui présentent quatre démarches différentes : une marche lente sur quatre pattes, une marche rapide sur quatre pattes, une course en diagonale et une course sur leurs deux pattes arrière. Certains lézards, à l'image du lézard basilic (Basilicus basilicus), aussi appelé lézard Jésus-Christ pour sa démarche, ont même la capacité de traverser de brèves étendues d'eau sur leurs deux pattes arrière.
Cependant, l'évolution de la bipédie du lézard reste difficile à appréhender. Certaines études ont découvert des signes de bipédie à partir de la longueur des membres des lézards fossilisés, leurs membres postérieurs plus longs indiquant un penchant pour les sprints sur deux pattes. Les empreintes fossilisées sont toutefois le meilleur moyen d'en savoir davantage sur la locomotion des anciens animaux.
En août 2004, Yuong-Nam Lee et le co-auteur Hang-Jae Lee ont découvert au sein d'une carrière abandonnée du comté de Hadong des blocs d'argilite recouverts d'empreintes anciennes. Ayant également mis la main sur des empreintes laissées par des ptérosaures, des reptiles volants qui coexistaient avec les dinosaures, les chercheurs ont d'abord prêté peu attention aux empreintes de lézards.
« J'ai pensé que les empreintes de lézard n'étaient rien de plus que des traces de petits animaux sans grand intérêt », se souvient Lee. Les empreintes ont été conservées jusqu'en 2016, lorsqu'il a finalement pris conscience de leur signification.
« Avec un regard neuf, j'ai examiné à nouveau ces empreintes et me suis rendu compte que la forme des pieds était typique des lézards actuels », a ajouté le paléontologue. « J'ai été très emballé par cette découverte : il s'agissait des plus anciennes empreintes de lézards au monde. »
Pourquoi le lézard courait-il donc ? Selon les auteurs de l'étude, S. hadongensis cherchait probablement à échapper aux griffes d'un prédateur potentiel. Ils ont même l'identité du suspect : Pteraichnus koreanensis, des empreintes de ptérosaure découvertes dans la même couche de roche que celles du lézard.
P. koreanensis est attribué à un groupe de ptérosaures comprenant de petits prédateurs agiles aux dents acérées et aux grands yeux, explique Lee. « À l'image de certains oiseaux, il est probable qu'ils aient attaqué leurs proies, dont les lézards, depuis les airs. »