L’archéoptéryx : histoire d’une espèce clé reliant les oiseaux aux dinosaures
Un drôle de volatile, découvert en Allemagne il y a 130 ans, doté de plumes et de dents acérées, a mis les scientifiques sur la piste de la descendance dinosaurienne des oiseaux.
La plus vieille souche connue de la famille des oiseaux est un animal de la taille d’un corbeau : Archaeopteryx, qui signifie en latin « aile ancienne ». Vieux de 150 millions d’années, il possédait des caractéristiques hybrides des oiseaux et des dinosaures théropodes — groupe de tétrapodes bipèdes comportant la quasi totalité des dinosaures carnassiers, notamment les célèbres tyrannosaure ou vélociraptor.
L’archéoptéryx ressemblait d’ailleurs un peu à ce dernier, immortalisé dans le film de Steven Spielberg, Jurassic Park. Alors que tous les oiseaux modernes sont dépourvus de denture, l’étrange animal était doté de mâchoires hérissées de dents aiguisées. Il disposait également de griffes sur ses membres antérieurs et d’une longue queue osseuse. Ces caractéristiques lui permettaient de capturer et de découper des insectes et d’autres petits animaux pour se nourrir.
Il partageait également quelques traits avec les oiseaux modernes. Le fossile révèle l’existence d’ailes d’une envergure appréciable, couvertes de plumes aérodynamiques, et d’un bréchet (crête du sternum) similaire à celui d’un poulet. Des chercheurs ont montré récemment qu’il était capable de voler.
Ainsi, après la découverte du premier archéoptéryx, en 1861, dans la carrière calcaire de Solnhofen, en Bavière, le spécimen fut considéré comme un chaînon manquant entre oiseaux et dinosaures. Par la suite, onze autres oiseaux préhistoriques ont été exhumés au même endroit. Mais le nombre de fossiles était insuffisant pour que les zones grises de l’évolution soient levées. Pendant des décennies, on n’a donc pratiquement rien su des ancêtres ou des descendants d’archéoptéryx.
Dans les années 1970, les avancées de la génétique ont permis aux scientifiques de démontrer que les oiseaux s’étaient diversifiés avant la fin du Crétacé, c’est-à-dire avant que les dinosaures ne disparaissent. Puis, à partir de 1996, des paléontologues ont découvert une multitude de dinosaures non aviaires à plumes et d’oiseaux primitifs dans la province de Liaoning, en Chine, datant de la fin du Crétacé (autour de 130 millions d’années). La mise au jour de ces spécimens dans un état de conservation exceptionnel, possédant tantôt des plumes, tantôt des écailles ou de la peau, a provoqué le gros boom que la recherche ornitho-paléontologique attendait : le lien entre oiseaux et dinosaures était clairement établi.
Aujourd’hui, 90 % des paléontologues l’ont admis : les oiseaux descendent directement de dinosaures théropodes. Malgré tout, il reste des chercheurs sceptiques, réunis sous le nom de BANdit (« Birds are not dinosaurs »), c’est-à-dire « les oiseaux ne sont pas des dinosaures ». Car une zone d’ombre subsiste : comment les oiseaux ont-ils pu survivre à la chute de météorite de la fin du Crétacé qui mit fin au règne des autres dinosaures ? Pour y répondre, une équipe chinoise s’est lancée dans le séquençage du génome des 10 194 espèces d’oiseaux actuels. Les résultats sont attendus d’ici à 2020.