Quelles sont les qualités d'un bon footballeur ?
Quels sont les points forts des stars du ballon rond ? Petite mise au point scientifique avec un chercheur qui étudie de près les performances des sportifs.
Faut-il être grand ou petit ? Être un coureur de fond ou un sprinter ? Quelle est la température idéale pour jouer au football ? Andy Marc est épidémiologiste de la performance à l'Irmes, un centre de recherche en épidémiologie de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep). Il étudie les critères qui influent sur la réussite des sportifs. Pour National Geographic, il dévoile quelques petits secrets des bons joueurs et des meilleures équipes de football. L’une des révélations du chercheur : la victoire de l’équipe de France lors de ce mondial semble peu probable. Explications.
1. Quel est l’âge idéal pour jouer au football ?
Andy Marc : Il se situe autour de 25 ans, ce qui paraît logique : c’est le moment de la vie où l'ensemble des qualités physiologiques (croissance, force musculaire, capacité d’endurance, taux de testostérone, facultés intellectuelles) culminent. L’âge moyen de l’équipe de France est d’ailleurs 26 ans. Mais certains joueurs atteignent le top niveau bien plus jeunes. Lionel Messi, par exemple, le capitaine de l’équipe d’Argentine, a été ballon d'or à 22 ans. À l'inverse, le joueur français Zinédine Zidane a fait une très belle coupe du monde en 2006 — la France accédant à la finale — alors qu'il venait d’avoir 34 ans.
2. Quelle est la meilleure morphologie ?
A. M. : Ça n’a pas d’importance. La moyenne se situe autour de 1,80 m pour 70 kg. En statistique, on observe que les gardiens sont plus grands que les défenseurs ou les attaquants. Ce qui semble logique, car une grande envergure permet de mieux protéger le but. Mais la taille a globalement peu d'impact sur la performance. Du haut de son 1,70 m, Lionel Messi mesure 25 cm de moins que le joueur suédois Zlatan Ibrahimović, et pèse 20 kg de moins. Pourtant, ils comptent tous deux parmi les meilleurs attaquants du monde.
3. Les footballeurs sont-ils plutôt des sprinters ou des coureurs de fond ?
A. M. : Ni l’un ni l’autre, ou les deux à la fois. La morphologie des footballeurs est plus proche de celle des sprinters, mais ils sont capables de répéter plusieurs sprints durant les 90 minutes de jeu. Les membres d’une équipe courent peu durant un match. Ils ne parcourent que 11 à 12 km, soit 7 à 8 km par heure. Par contre, ils effectuent des pointes entre 34 et 35 km/h. Les joueurs les plus rapides peuvent atteindre des chronos moyens sur 100 m avoisinant les 11 secondes ! Ce qui est un bon temps, même s'ils sont encore loin des 9 secondes et 58 centièmes d’Usain Bolt.
4. Quelle est la température optimale pour jouer au foot ?
A. M. : Cela n’a pas été clairement étudiés pour le football. On sait par contre que les marathoniens atteignent les meilleures performances entre 10 et 12° C. La fourchette correspond aux températures idéales d'évacuation de la chaleur. Pour les coureurs de 100 m, la température parfaite se situe plutôt autour des 23 °C. Car les muscles doivent être maintenus au chaud pour être plus performants. On peut donc imaginer que la température idéale pour jouer au football durant 90 minutes se situe entre celles de ces deux disciplines. Une chose est sûre : à partir de 30 ° C, les joueurs sont moins performants. Sous ces conditions, la Fédération internationale de football prévoit une pause de plus par période de jeu. On sait également que les joueurs s’habituent au climat du pays où ils s'entraînent. En ligue des champions, par exemple, les clubs espagnols, accoutumés à la chaleur, peuvent rencontrer des difficultés à jouer en Russie ou au Kazakhstan durant l’hiver.
5. Y a-t-il un profil génétique du bon footballeur ?
A. M. : Non, il n’existe pas comparé à d'autres sports où la domination de certaines origines ethniques est flagrante. Par exemple, 100 % des meilleurs marathoniens du monde proviennent d'Afrique de l'Est, surtout du Kenya et d'Éthiopie. Les plus grands sprinters du monde sont pour la plupart originaires d'Afrique de l'Ouest. Même répartition géographique chez les basketteurs professionnels de la NBA. Sur les cinq grands championnats européens (en France, en Espagne, en Italie, en Angleterre et en Allemagne), en prenant en compte les influences socio-culturelles et les styles de jeu demandés, on estime que 30 à 50 % des joueurs sont originaires d’Afrique. Le sport fait appel à des compétences (la rapidité, l’agilité, l’intelligence tactique ou le sens du collectif) et à des morphologies plus hétéroclites que dans d’autres disciplines. Les profils sont ainsi plus variés.
6. Quel serait le critère numéro un pour être un bon joueur de foot ?
A. M. : Le football est un sport collectif, qu’il faut donc étudier en utilisant des indicateurs de performance du groupe. Pour le mesurer, on calcule l’indice SCP, c’est-à-dire les sélections cumulées partagées. Cette mesure permet de déterminer combien de matchs une équipe, constituée exactement des mêmes joueurs, a joué ensemble. Dans cette coupe du monde, les joueurs français comptent parmi les meilleurs mondiaux. Les Bleus possèdent d’ailleurs la valeur marchande, chiffrée en cumulant la valeur des potentiels transferts des joueurs, la plus élevée des 32 équipes qualifiées. En revanche, c’est une équipe jeune avec un faible SCP. En 2018, cet indice atteint tout juste les 600 matchs cumulés partagés, soit l'un des plus bas de la compétition. Contre le Pérou, l’Australie et le Danemark, les joueurs français n’ont aligné que trois buts. Sur le papier, ces équipes sont pourtant largement à la portée des Bleus, mais sont supérieures en termes de SCP, notamment autour des 1 200 matchs pour le Pérou. En se basant sur cet indicateur, c’est l’équipe belge qui s’affiche comme la favorite de ce mondial, avec un score record de 2 000 matchs joués ensemble.
Dans le numéro de juillet 2018 du magazine National Geographic, une grande enquête sur les performances sportives et leurs limites.