Enregistrement inédit de l’écholocation des chauves-souris avec un drone

Des chercheuses américaines ont inventé un nouveau dispositif pour enregistrer les sons produits par les mammifères volants : un drone équipé d’un microphone ultrasonique.

De Julie Lacaze, Kenza Sib
Publication 5 juil. 2018, 14:46 CEST
Un molosse du Brésil ou Tadarida brasiliensis.
Un molosse du Brésil ou Tadarida brasiliensis.
PHOTOGRAPHIE DE Usfws, Ann Froschauer, WikimédiaCC0

Observer des animaux au milieu de l’océan, recenser les espèces d'une zone reculée ou encore suivre un groupe d’oiseaux dans le ciel… les drones participent de plus en plus à la surveillance de la vie animale. Deux biologistes américaines, Laura Kloepper et Morgan Kinniry, viennent d’enregistrer les ultrasons émis par des chauves-souris près d’un réseau de grottes de la Sierra County, au Nouveau-Mexique. Ces sons particuliers, émis dans les très hautes fréquences, permettent aux chauves-souris et à certains mammifères marins de se repérer dans l’espace. C’est ce qu’on appelle l’écholocation. Leur expérience, inédite dans le monde de la bioacoustique, a été publiée dans Scientific Reports en mai 2018.

Pour y parvenir, les chercheuses ont couplé un drone et une vidéo thermique à un microphone ultrasonique. L'engin volant a été spécialement conçu pour être peu bruyant, permettant une prise de son optimale. Les chercheuses ont de surcroît caractérisé les bruits parasites émis par le frottement des hélices et le grondement du moteur, pour pouvoir les filtrer. La caméra leur a permis de surveiller que la présence du dispositif ne perturbait pas les animaux.

Elles ont choisi d’étudier Tadarida brasiliensis, une espèce de chauve-souris vivant en colonie par centaines de milliers au Nouveau-Mexique. Ces mammifères nocturnes effectuent au petit matin un retour groupé vers la grotte, où elles se perchent pour dormir. La colonie vole à plus de 50 m du sol, puis pique vers la caverne à des vitesses atteignant 128 km/h. Pour réussir ce périlleux plongeon sans se percuter, les chauves-souris utilisent l'écholocation, leur sonar naturel.

La Tadarida brasiliensis près de Bracken Cave, au Texas, une grotte célèbre pour abriter des millions ...
La Tadarida brasiliensis près de Bracken Cave, au Texas, une grotte célèbre pour abriter des millions de chauves-souris.
PHOTOGRAPHIE DE Usfws, Ann Froschauer, CC0 Wikimédia

Pendant treize jours, le drone des chercheuses a capturé les sons émis par les animaux lors de ce déplacement particulier, à cinq niveaux d’altitude, allant de 5 à 40 m. Résultat : une bande sonore de 58 min et 3 847 ultrasons enregistrés, dont 35 ont fait l’objet d’une analyse approfondie. Cette dernière a révélé que la durée et la fréquence des ultrasons émis par les chauves-souris changent en fonction de l’altitude. Une stratégie développée probablement pour minimiser l’effet Doppler, l'écho engendré par la vitesse de déplacement, qui perturbent la reconnaissance des sons. Mais ce n'est pas tout : la forme, la fréquence et la durée de l’écholocation sont spécifiques à chaque individu, ce qui permet aux chauves-souris de se repérer parmi les milliers d’ultrasons émis par l'ensemble de la colonie.

C’est la première fois que des chercheurs parviennent à recueillir, à l’aide d’un drone, les sons émis pour l’écholocation des chauves-souris en milieu naturel. En 2017, un ornithologue américain, Andrew M. Wilson, avait déjà attaché un microphone à un drone par un fil de pêche long de 8 mètres afin d'enregistrer des chants d’oiseaux. Mais son dispositif était peu maniable.

Les chercheuses alertent tout de même sur les perturbations que peuvent engendrer la présence d'un drone sur les animaux. Certains oiseaux risquent notamment d’abandonner leurs petits si l'engin volant se trouve à proximité de leur nid. Les chercheuses ont ainsi décidé de maintenir une distance de 20 mètres avec les chauves-souris. En 2016, deux écologues australiens, Jarrod C. Hodgson et Lian Pin Koh, ont proposé un code de bonne conduite pour l’utilisation des drones en milieu naturel. Reste encore à établir une législation internationale.

 

Dans le numéro de juillet 2018 du magazine National Geographic, un reportage sur les chauves-souris carnivores, vivant dans des temples maya, au Mexique.

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