L'Etna s'enfonce peu à peu dans la mer
Les premières mesures sous-marine des mouvements du mont Etna montrent que la gravité entraîne doucement le volcan dans la mer.
Perché sur les hauteurs du nord-est de la Sicile, le mont Etna, en Italie, est un volcan hyperactif capable de produire des coulées de lave incandescente. Une nouvelle étude tend à montrer qu'il s'enfonce progressivement dans la mer, et se propose de nous expliquer pourquoi.
On sait depuis longtemps que le toit de la Méditerranée est en mouvement constant. L'Etna ne glisse pas rapidement : sa migration moyenne est plus lente que la croissance de vos ongles. Mais les géologues ont étudié la cause exacte du mouvement du volcan, qui pourrait être liée à un risque d'effondrement catastrophique.
Environ un million de personnes vivent sur les flancs de l'Etna et des millions d'autres vivent sur les côtes de la mer Ionienne. Si une partie du volcan près du rivage devient instable et s'enfonce dans l'eau, cela pourrait créer des méga-tsunamis qui dévasteraient les rives de l'est de la Méditerranée.
« Un effondrement massif serait un désastre pour une région aussi vaste et densément peuplée », explique Boris Behncke, volcanologue à l'Observatoire Etna de l'Institut national de géophysique et de volcanologie (Italie), qui n'a pas pris part aux travaux les plus récents.
SUR LES FLANCS DE L'ETNA
Pour leur nouvelle étude, publiée cette semaine dans Science Advances, une équipe dirigée par Morelia Urlaub du Centre Helmholtz pour la recherche océanographique de Kiel, en Allemagne, a déployé plusieurs transpondeurs sous-marins autour du flanc sud-est de l'Etna, qu'ils soupçonnent être la section la plus mobile de la montagne.
Ces transpondeurs contenaient des capteurs de pression qui détectaient les moindres mouvements du flanc. Les appareils ont également enregistré leurs positions les unes par rapport aux autres, ce qui a permis à l’équipe de détecter le mouvement du flanc par rapport aux parties les plus stables du terrain.
Leurs résultats montrent que la gravité est la principale force qui provoque le déplacement de ce flanc du volcan. La montée du magma à l'intérieur du volcan joue certes également un rôle, mais un rôle moindre dans ce glissement vers le large de l'Etna.
Les nouveaux résultats « nous emmènent dans le domaine passionnant de la surveillance sous-marine de l'Etna pour la première fois », indique le volcanologue John Murray de l'Open University au Royaume-Uni, qui n'a pas pris part à ces nouvelles recherches. John Murray dirigeait une étude précédente qui examinait également le glissement de l'Etna dans la mer. Selon lui, les nouvelles données concordent avec les observations de son équipe, selon lesquelles « les forces magmatiques sont moins importantes que la propagation gravitationnelle vers l'extérieur de l'Etna ».
Jusqu'à récemment, de nombreux experts pensaient que les injections de magma peu profondes dans le volcan étaient les principaux moteurs de son déplacement. En effet, lors de certaines éruptions de l'Etna, des dispositifs de surveillance ont enregistré des mouvements de plusieurs dizaines de mètres. Cela fait sens : le magma en hausse peut gonfler des pans du volcan, rendant plus massives certaines parties et provoquant l'apparition de faiblesses structurelles.
Mais ce mouvement n'est pas uniquement lié à une agitation interne.
Gardant un œil attentif sur la situation entre avril 2016 et juillet 2017, les dernières études ont permis de détecter un mouvement majeur vers la mi-mai 2017, lorsque le flanc du volcan a fait un bond dans la mer d'un centimètre ou deux.
L’équipe convient que la montée du magma joue un rôle dans l'enfoncement du volcan, car d’autres accélérations correspondent bien à des intrusions non ambiguës de nouveaux matériaux en fusion. Mais le fait que de telles déformations se produisent loin du sommet dominé par le magma suggère que la gravité tient ici le rôle principal - une hypothèse partagée par d'autres groupes de recherche.
En avril, l'équipe de Murray a rendu compte de son travail en utilisant des centaines de kits GPS terrestres pour évaluer le mouvement de l'Etna. Leurs données indiquent qu'entre 2001 et 2012, l'Etna s'est chaque année déplacé d'environ 14 millimètres vers la mer Ionienne en direction du sud-est. Les chercheurs soupçonnent également la gravité d’être l’élément moteur qui pousse l’Etna sur une couche de sédiments légèrement compactés.
LA GRAVITE CONDAMNE-T-ELLE L'ETNA ?
Les études précédentes suggéraient que l'ensemble du volcan bougeait, mais ces nouveaux résultats ne portaient que sur son flanc sud-est. Néanmoins, compte tenu des deux études, « il semble que le consensus s'oriente de plus en plus vers un glissement gravitationnel », selon Urlaub.
Les interprétations de la nouvelle étude sont tout à fait raisonnables, estime Behncke, bien qu'il ajoute que la situation est complexe et qu'il est probable que les contributions des forces d'attraction gravitationnelles et des mouvements magmatiques varient avec le temps. Les deux facteurs sont également liés, des mouvements de flanc entraînés par gravitation permettant des intrusions magmatiques.
« Il est très difficile de faire des déclarations définitives à moins que les méthodes utilisées par les auteurs ne soient appliquées sur une période beaucoup plus longue, couvrant un domaine plus large », dit-il.
Il y a aussi la question de savoir si le mouvement du flanc sud-est pourrait un jour se transformer en un effondrement catastrophique. Les données d'Urlaub indiquent que c'est possible, bien qu'il n'y ait pas encore assez d'informations pour en être certain. Les géologues ont besoin de données de surveillance sur plusieurs décennies avant de pouvoir faire la différence entre un glissement normal et un glissement rapide.
Il n'y a actuellement aucun signe d'effondrement imminent sur les pentes de l'Etna, mais le manque de données sur un incident similaire signifie qu'il est impossible de savoir quand un effondrement majeur du flanc peut survenir. Il n’est donc pas étonnant que l’Etna soit l’un des volcans les plus surveillés de la planète.