Silicon Valley : au cœur de l’innovation et des inégalités
Cœur mondial de la high-tech, la région reste celle de tous les possibles. Mais elle doit gérer le coût social de son succès et les inégalités qu’il génère.
La Silicon Valley est le siège des grands succès du numérique. La région a vu naître Google, Netscape, Facebook, YouTube ou encore Twitter, et compte aujourd’hui 33 des 500 plus importantes entreprises américaines. Mais la prospérité n’a pas profité à tout le monde. Tandis que cette région industrielle continue de s’étendre et à muer, elle est profondément divisée par des inégalités en termes d’accession à la propriété, de revenus, de sexe et de marché de l’emploi.
UN MONDE D’HOMMES BLANCS
En moyenne, Afro- et Latino-Américains réunis ne représentent que 12 % de la main-d’œuvre des grandes entreprises technologiques. Les femmes sont aussi largement sous-représentées dans ce que l’on a appelé la « bro culture » (culture de l’entre-soi des jeunes hommes blancs) de la Silicon Valley : à peine plus de 30 % de la main-d’œuvre de Google, Apple et Facebook est féminine. Par ailleurs, une enquête récente a révélé que seulement 13 % des fondateurs de start-up étaient des femmes et que celles-ci ne détiennent que 6 % du capital investi. La donne est néanmoins en train de changer, lentement mais sûrement. En 2018, les femmes représentaient 24 % des emplois techniques et 18,5 % des chefs d’entreprise, selon une enquête menée auprès de 80 sociétés américaines par AnitaB.org, une ONG qui promeut la féminisation dans les domaines technologiques. Dans 60 % des cas, à emploi égal, les femmes sont moins payées (en moyenne de 4 %) que les hommes, selon un rapport de l’agence de recrutement Hired. Les grandes compagnies de la tech affirment vouloir favoriser la mixité de leurs équipes, mais cela prend du temps.
LES VICTIMES DU BOOM IMMOBILIER
Dans la Silicon Valley, l’afflux incessant d’une main-d’œuvre venue de l’extérieur de la Californie fait grimper les prix de l’immobilier. Nombre de ceux qui ne travaillent pas dans l’informatique – voire certains de ceux qui y sont employés – font face à des fins de mois de plus en plus difficiles, principalement à cause du coût du logement.
East Palo Alto est sans doute l’endroit le plus emblématique des nouvelles contraintes économiques. Cette ville de 30 000 habitants est cernée par deux redoutables voisins, Facebook au nord et Google au sud. Ces cinquante dernières années, elle a abrité une population en grande partie métissée, composée de familles afro-américaines et latinos. Aujourd’hui, les nouveaux arrivants à East Palo Alto sont surtout blancs ou asiatiques. Le prix moyen d’une maison a déjà dépassé le million de dollars alors qu’il était de 260 000 dollars en 2011, selon Zillow, un site spécialisé dans l’immobilier. Un million de dollars, c’est également un prix considéré comme abordable dans la péninsule qui s’étend de San Francisco à San José.
Pour beaucoup de résidents de longue date, qui n’ont pas profité du boom technologique actuel, les loyers ont grimpé et il leur est devenu impossible d’acheter. Ils sont obligés de s’installer à la périphérie de la région, à plusieurs heures de voiture de leur travail. À moins qu’ils ne soient hébergés par leur famille ou chez des amis, quand ils ne quittent pas tout bonnement la région.
Cet extrait est un résumé du reportage “ Silicon Valley : l’âge de raison”, publié dans le numéro 233 du magazine National Geographic, daté de février 2019.