Ce fossile de baleine bleue est le plus grand jamais découvert
Ce géant des mers aurait vécu il y a 1,5 million d'années, ce qui indique que la taille des baleines bleues aurait commencé à croître bien plus tôt qu'on ne le pensait.
La baleine bleue est non seulement le plus grand mammifère connu à ce jour, mais elle est également le plus grand mammifère qui ait jamais vécu. L'analyse d'un fossile découvert sur les rives d'un lac italien apporte des indices sur la période à laquelle la baleine bleue est devenue le colosse que l'on connaît et de quelle façon.
L'énorme crâne du mastodonte décrit cette semaine dans la revue Biology Letters confirme que cette ancienne baleine bleue est à ce jour la plus grande du registre fossile, atteignant 25 m de long. C'est presque la taille de la baleine bleue moderne, dont la longueur peut atteindre 30 m. Toutefois, ce qui a réellement surpris les scientifiques, c'est le fait qu'une baleine de cette taille ait évolué dans les mers il y a environ 1,5 million d'années, à l'époque du Pléistocène, bien plus tôt qu'ils ne le pensaient jusque-là.
« Le fait qu'une baleine aussi grande ait existé il y a si longtemps nous amène à penser que l'apparition de telles baleines est encore plus ancienne, » déclare le coauteur de l'étude Felix Marx, paléontologue à l'Institut royal des sciences naturelles de Belgique à Bruxelles. « Je ne pense pas qu'une espèce puisse évoluer jusqu'à atteindre une telle taille du jour au lendemain. »
UNE PRÉCIEUSE DÉCOUVERTE
Étudier l'évolution des baleines pour comprendre comment elles ont pu atteindre une taille aussi importante n'a pas été facile, étant donné que les fossiles de baleines datant des dernières 2,5 millions d'années sont très rares. Cela est sans doute dû aux nombreuses périodes glaciaires que la Terre a connues pendant cette période, lorsque d'énormes volumes d'eau ont gelé puis fait baisser considérablement le niveau des mers. Les restes des baleines décédées pendant ce laps de temps, même lorsqu'elles se sont échouées, pourrait bien se trouver aujourd'hui à plusieurs mètres sous le niveau de la mer.
En 2006, un agriculteur italien habitant près de Matera avait aperçu de grandes vertèbres qui dépassaient de l'argile sur la rive d'un lac qu'il utilisait pour irriguer ses champs. Le paléontologue italien Giovanni Bianucci a donc entrepris de baisser le niveau du lac en trois saisons d'automne afin de ne pas ruiner la récolte de l'agriculteur tout en permettant à son équipe de déterrer les ossements.
Déjà à l'époque, l'équipe pensait que les fossiles étaient ceux d'une baleine bleue, ce que la nouvelle étude anatomique vient de confirmer.
Le nouveau fossile pourrait également révéler que l'évolution de la taille des baleines s'est déroulée de façon plus graduelle qu'on ne le pensait, indique Marx. En 2017, une étude portant sur la taille corporelle de toutes les espèces de cétacés à fanons (l'ordre auquel appartient la baleine bleue), dont la plupart étaient des fossiles, suggérait que l'augmentation de la taille des cétacés aurait pu se faire de façon relativement soudaine, probablement il y a 300 000 ans voire même il y a 4,5 millions d'années.
Cependant, lorsque Marx a intégré le nouveau fossile à cette analyse, il a découvert que la « période la plus probable était encore plus ancienne, de 3,6 millions d'années à 6 millions d'années. »
UN SURPLUS DE PETITS FOSSILES
Graham Slater de l'université de Chicago, à l'initiative de la première analyse, fait remarquer que la période de 3,6 millions d'années est toujours comprise dans la fourchette assez large qu'il avait annoncé. Il ajoute que même si la date la plus probable pour le saut de taille était repoussée aussi loin, la nouvelle date évaluée à 3,6 millions d'années est tout à fait sensée.
À cette période, une baisse de la température des océans à échelle mondiale a probablement affecté la disponibilité en nourriture pour les baleines, les potentielles proies se réfugiaient dans les zones où remontait l'eau froide des fonds marins, créant ainsi des espaces à la forte densité de proies, un phénomène important selon Marx pour le « développement des très grandes baleines. » Slater n'est pas d'accord avec Marx lorsqu'il suggère que la nouvelle analyse renforce l'idée d'une origine encore plus ancienne de l'imposante taille des baleines bleues. (À lire : Ce ''monstre des mers'' préhistorique pourrait être le plus grand animal de l'Histoire)
Marx admet que l'analyse en elle-même ne permet pas de confirmer directement ce scénario. Il fonde son point de vue sur les découvertes à venir. En raison de la difficulté à extraire, étudier et décrire les grands fossiles de baleine, notre vision de l'évolution de la taille des baleines est peut-être biaisée. Marx participe actuellement à un projet au Pérou qui a détecté de nombreux fossiles de baleines qui n'ont pas encore été récupérés. Selon le scientifique, bien que les données soient préliminaires, les inclure à l'analyse décrédibilise encore plus la théorie d'une évolution soudaine de la taille des baleines.
« Je sais qu'il y a de nombreuses grandes baleines datant de la même période au moins qui n'ont pas encore été décrites » dans la littérature scientifique. Selon lui, chaque nouveau fossile de baleine découvert viendra renforcer l'idée d'une évolution graduelle de la taille de ces animaux.
Le paléontologue Cheng-Hsiu Tsai de l'université nationale de Taïwan a décrit les restes épars de ce qui était a priori le second plus grand fossile de baleine découvert à ce jour, un rorqual commun de Californie. Il supposait déjà depuis un certain temps que les cétacés à fanons avaient grandi bien plus tôt que ne le pensait la communauté scientifique, il rejoint d'ailleurs Marx sur une grande partie de ses conclusions.
« En toute honnêteté, ce fossile ne me surprend pas du tout, » commente Tsai. « Je suis convaincu que nous allons bientôt en trouver des plus grands et même des plus anciens. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.