Un os miraculé confirme la présence de ptérosaures en Antarctique

Un os noirci figure parmi les premiers fossiles en provenance du musée national du Brésil, tragiquement dévasté par un incendie l'année dernière, à être scientifiquement étudié.

De John Pickrell
Publication 21 oct. 2019, 14:58 CEST
Cette illustration représente un ptérosaure de la famille des Azhdarchidae prenant son envol en Roumanie. Les ...
Cette illustration représente un ptérosaure de la famille des Azhdarchidae prenant son envol en Roumanie. Les fossiles récupérés dans les décombres du musée national du Brésil montrent que des reptiles volants de cette même famille parcouraient également le ciel de l'Antarctique pendant la période du Crétacé supérieur.
PHOTOGRAPHIE DE Illustration de Mark Witton

Le 2 septembre 2018, les flammes embrasaient le palais de Saint-Christophe au Brésil infligeant de sérieux dégâts aux millions d'artefacts inestimables entreposés au musée national ainsi qu'à de nombreux fossiles présentant un intérêt majeur pour la communauté scientifique internationale jusqu'à ce que l'un d'entre eux finisse par redonner aux scientifiques une lueur d'espoir, un os vieux de 70 millions d'années retrouvé dans les décombres.

Avec un second fossile conservé dans un bâtiment non affecté par le feu, ces deux os constituent la première preuve de la présence de ptérosaures dans le ciel de l'Antarctique alors que l'ère des dinosaures touchait à sa fin.

« C'est génial de voir qu'au moins une partie de la collection relative aux ptérosaures est sauvegardée, qui plus est dans un état satisfaisant et avec suffisamment d'éléments pour continuer à faire avancer la science, » déclare Mark Witton, spécialiste des ptérosaures à l'université de Portsmouth au Royaume-Uni, non impliqué dans l'étude.

Recueilli sur l'île Vega au large de la péninsule Antarctique, ce fossile rescapé appartenait soit à un Azhdarchidae, soit à un ptéranodon, deux variétés de ptérosaures plutôt communes pendant le Crétacé. Cependant, alors qu'à cette époque le climat de l'Antarctique était bien plus chaud et que ses terres aujourd'hui glacées étaient recouvertes de forêts luxuriantes de conifères offrant un habitat idéal pour les ptérosaures, les preuves de la présence de ces reptiles sur le continent austral se sont toujours avérées difficiles à dénicher. Les os de ptérosaures sont facilement reconnaissables à leur fine paroi osseuse et à leur pneumatisation, c'est à dire que les os sont percés d'alvéoles qui laissent entrer l'air à l'intérieur, mais ces deux facteurs contribuent également à leur fragilité ; une fragilité qui les empêche bien souvent de traverser les âges.

Une fois ces os récupérés, les paléontologues ont pu apporter des preuves solides de la présence effective de ces grands ptérosaures dans la région : l'os qui a survécu à l'incendie du musée proviendrait d'une créature de cinq mètres d'envergure. (À lire : Paléontologie : découverte d'un dragon piégé dans la glace.)

« Beaucoup de fossiles et d'autres artefacts importants ont été récupérés dans le palais mais cet os noirci est le tout premier à avoir été étudié après le feu, » rapporte le paléontologue et directeur du musée national Alexander Kellner,  également à l'origine de l'annonce de la découverte lors d'une réunion de la Société de paléontologie des vertébrés qui s'est tenue la semaine dernière à Brisbane, en Australie.

« Toute histoire à propos de fossiles ou de spécimens ayant survécu à l'incendie est plaisante à entendre, » commente Liz Martin-Silverstone qui travaille sur les ptérosaures à l'université de Bristol au Royaume-Uni. « Cela ne compense pas l'immense tristesse et la désolation que l'on ressent face à tout ce qui a été perdu, mais au moins nous savons que certains éléments ont survécu. »

 

DE GLACE ET DE FEU

Jusqu'à présent, l'unique trace laissée par les ptérosaures de l'Antarctique était un petit os d'avant-bras découvert dans les années 1990 et attribué à une créature de la taille d'un corbeau. Cet os démontrait que les ptérosaures avaient bien arpenté les montagnes de la chaîne Transantarctique il y a environ 190 millions d'années, pendant le Jurassique inférieur.

Ces nouvelles découvertes s'appuient sur les centaines de fossiles divers et variés collectés par une équipe de scientifique brésiliens au cours de quatre expéditions à destination de la péninsule Antarctique survenues entre 2006 et 2019. Cette région du continent située à quelques encablures de l'Amérique du Sud est la seule partie de l'Antarctique accessible en toute sécurité par la marine brésilienne, explique Kellner. Cela dit, chaque expédition exige tout de même plusieurs semaines de chasse aux fossiles dans des conditions extrêmes et parfois sans résultat.

« L'Antarctique est l'un de ces lieux où le climat peut brutalement basculer, » témoigne Kellner. « La journée peut être très belle puis tout à coup, en moins d'une heure, se transformer en un réel cauchemar où vous êtes cloîtrés dans votre tente pendant une semaine. »

L'équipe a découvert les premiers restes de ptérosaures sur l'île James Ross en 2016, où elle a mis au jour deux fragments d'un os de l'aile d'un ptérosaure dont l'envergure aurait atteint les 3 à 4 m. Ils ont ensuite découvert le fossile de l'île Vega provenant d'un ptérosaure plus grand, en 2017. Les deux ensembles de fossiles remontent à 70 à 80 millions d'années, ce qui correspond au Crétacé supérieur.

Une fois ramenés de ces expéditions, les fossiles ont été ajoutés aux collections du musée national du Brésil. Fort heureusement, en 2018 plus de la moitié des spécimens récupérés sur l'île James Ross étaient dans un laboratoire séparé qui n'a pas été touché par le feu, la localisation de l'autre moitié restant encore à déterminer.

« Ces découvertes présentent un intérêt considérable, étant donné que très peu d'éléments en provenance de l'Antarctique ont pu être décrits à ce jour, principalement en raison de l'épaisse couche de neige et de glace qui recouvre le continent, » rapporte Adele Pentland, une paléontologue de l'université de Swinburne à Melbourne qui a récemment étudié un ptérosaure du Crétacé supérieur en provenance d'Australie.

 

UNE LUEUR D'ESPOIR

À cette époque, l'Antarctique et l'Australie étaient encore connectés et formaient les derniers vestiges du supercontinent austral Gondwana dont la fracturation aurait débuté il y a 160 millions d'années. Ces fossiles viennent s'ajouter à la chronique très éparse concernant les ptérosaures de ces deux régions et pourraient nous aider à mieux cerner l'époque et les circonstances de leur disparition, explique Witton.

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    Nous ne savons pas encore si les ptérosaures étaient déjà en déclin au Crétacé supérieur, dans quel cas l'impact de l'astéroïde de Chicxulub aurait simplement achevé de les rayer de la planète il y a 66 millions d'années, ou s'ils « étaient un groupe en bonne santé, relativement pérenne jusqu'à la toute fin, » ajoute-t-il. Ces nouveaux éléments en provenance de l'Antarctique indiquent que les ptérosaures étaient présents ici et là sur la planète dans les derniers instants du Crétacé, ce qui irait plutôt dans le sens de la deuxième hypothèse.

    « Beaucoup d'indices nous montrent qu'à l'approche de l'extinction Crétacé-Paléogène, les ptérosaures étaient en meilleur état que nous ne le pensions, » indique Witton.

    Avec la description de ces dernières découvertes, les chercheurs espèrent s'assurer le financement de leurs futures expéditions en Antarctique afin d'y trouver de nouveaux fossiles de ptérosaures qui apporteront de plus amples détails sur le chapitre final de leur histoire.

    « Maintenant que nous savons qu'ils y étaient, » conclut Kellner, « c'est juste une question de temps avant que d'autres spécimens ne voient le jour. »

     

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