Comment les probiotiques pourraient remplacer les médicaments classiques
Ces micro-organismes facilitent la digestion, renforcent le système immunitaire et pourraient réduire des symptômes de la maladie de Parkinson. Le point sur des bactéries aux multiples vertus, étudiées par les scientifiques depuis plus de cent ans.
Le secret de longévité des Bulgares ? Les yaourts, assure le chercheur d’origine russe Ilia Ilitch Metchnikov en 1907. Dans son livre La Prolongation de la vie, le sous-directeur de l’Institut Pasteur (Paris) affirme que c’est la consommation de cette spécialité lactée qui permet aux personnes âgées de vivre en meilleure santé et plus longtemps en Bulgarie. Il observe que la bactérie Lactobacillus bulgaricus, découverte par le médecin bulgare Stamen Grigorov et présente dans les produits laitiers fermentés, facilite la digestion et renforce le système immunitaire. Certains microbes sont donc bénéfiques pour leur hôte : c’est le début du concept de probiotiques – même si le terme ne sera utilisé pour la première fois qu’en 1953, par le bactériologiste allemand Werner Georg Kollath.
Depuis, la définition a légèrement évolué. Selon l’OMS, les probiotiques sont des « micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont consommés en quantités adéquates, produisent un bénéfice pour la santé de l’hôte ».
Où sont les bactéries ?
Le microbiote (l’écosystème formé par les bactéries) prolifère dans toutes les parties du corps en contact avec l’extérieur ou comportant une voie vers l’extérieur : tractus digestif (estomac et intestins), peau, sphère ORL, voies respiratoires (bouche, pharynx et poumons), appareil urogénital. Le microbiote comporte au moins autant de bactéries – et de 1000 espèces différentes – que notre corps contient de cellules, soit des dizaines de milliers de milliards ! Loin de nous nuire, celles-ci nous protègent contre les bactéries pathogènes, avec qui elles entrent en compétition pour les nutriments et l’espace disponible, les empêchant ainsi de proliférer. De plus, certaines produisent des bactériocines, des composés mortels pour les espèces bactériennes envahissantes.
Quant aux micro-organismes bénéfiques pouvant servir de probiotiques, on en trouve dans un grand nombre d’aliments : yaourts fermentés, choucroute (avec les bactéries Lactobacillus plantarum et L. cucumeris), olives (L. pentosus), produits à base de soja (L. acidophilus)…
Les probiotiques, pour agir sur…
• Les intestins
Le déséquilibre du microbiote de l’intestin (ou « flore intestinale ») peut jouer un rôle dans plusieurs maladies et syndromes. Les probiotiques offrent donc une nouvelle stratégie de soins aux chercheurs pour rétablir l’équilibre de la flore intestinale.
De nombreuses études, parmi celles publiées en 2019, s’intéressent d’ailleurs aux inflammations des intestins. Des scientifiques ont observé chez des souris que des bactéries L. paracasei, même mortes, pouvaient aider à « colmater » la paroi intestinale rendue perméable par l’inflammation – un cas fréquent chez les personnes âgées.
• L’acné
L’utilisation des probiotiques ne se limite pas au système digestif. On a découvert que les personnes souffrant d’acné présentent des souches de Propionibacterium acnes différentes de celles des individus sains, et que seules ces souches provoquent une inflammation de la peau.
• L’infertilité masculine
Certaines espèces de bactéries se trouvent également en plus grand nombre dans le sperme des hommes infertiles. Les chercheurs se penchent donc sur des traitements à base de probiotiques pour traiter ce type de pathologies.
• La maladie de Parkinson
Les probiotiques se révèlent utiles pour traiter les symptômes de maladies pour lesquelles aucun remède n’existe, comme la maladie de Parkinson. Bacillus subtilis aide à prévenir la formation d’amas toxiques de protéines qui privent le cerveau de dopamine, une hormone impliquée dans la coordination des mouvements.
• La résistance aux antibiotiques
Les « bonnes bactéries » pourraient jouer un rôle dans la lutte contre l’antibiorésistance. Les cellules bactériennes comportent de petites molécules d’ADN, appelées plasmides. Or celles-ci présentent fréquemment des gènes conférant une résistance aux antibiotiques. En injectant des bactéries aux plasmides modifiés dans le microbiote, il serait possible de rendre leur efficacité aux antibiotiques.
• L’obésité
La composition du microbiote s’avère moins riche chez les personnes obèses. De plus, on trouve chez elles une plus grande quantité de bactéries de la famille des Firmicutes et moins de Bacteroidetes que chez les personnes non obèses. Cette composition spécifique faciliterait l’extraction de l’énergie des aliments ingérés (glucose, lipides, protéines…) et augmenterait son stockage dans le tissu adipeux. Cependant, seules 3 études sur 817 publiées ces dix dernières années montrent qu’une prise de probiotiques peut réellement aider – et de façon limitée – à réduire la quantité de graisse stockée. Bref, le doute persiste quant à l’effet des probiotiques sur une perte de poids.
• La dépression
La composition de notre microbiote a une influence sur notre état psychologique. La prise de probiotiques, notamment Lactobacillus helveticus et Bifidobacterium longum, peut ainsi améliorer légèrement l’état d’esprit des patients souffrant d’un épisode dépressif ou d’anxiété, avec des effets plus importants que ceux d’un placebo.
Une étude de l’université de l’Alberta a aussi observé que des rats ayant subi des lésions de la moelle épinière pouvaient développer des symptômes dépressifs, s’accompagnant d’un changement de leur microbiote. La solution ? Les chercheurs leur ont transplanté de la matière fécale provenant de rats en bonne santé… et les rongeurs ont retrouvé leur bonne humeur.
• La longévité
C’est peut-être l’un des résultats les plus enthousiasmants concernant les probiotiques. Certaines souches sont capables de prolonger la longévité du ver Caenorhabditis elegans, en agissant sur des molécules impliquées dans l’immunité et sur des récepteurs de l’insuline. Or, selon les chercheurs, les mécanismes immunitaires et la régulation de l’insuline sont suffisamment similaires chez ce vers et chez les mammifères pour que ces probiotiques puissent aussi augmenter la longévité chez l’homme. Affaire à suivre…