La douceur du printemps viendra-t-elle à bout du Coronavirus ?

Généralement, la saison de la grippe ne dépasse pas les mois de mars et avril, mais le coronavirus en fera-t-il autant ? Voici quelques indices tirés des précédentes épidémies de coronavirus.

De Sarah Gibbens
Publication 13 mars 2020, 17:12 CET
Travaillant malgré la crainte suscitée par le coronavirus, un villageois s'occupe d'un champ de la province ...
Travaillant malgré la crainte suscitée par le coronavirus, un villageois s'occupe d'un champ de la province chinoise du Jiangxi le 18 février 2020. Certains virus, comme ceux à l'origine de la grippe, sont saisonniers, ce qui signifie qu'ils se propagent plus facilement dans un air froid et sec. Reste à savoir si ce coronavirus se comportera de la même façon.
PHOTOGRAPHIE DE Liu Haojun Xinhua, Eyevine, Redux

Le coronavirus qui se propage rapidement à travers le monde va-t-il suivre la tendance de la grippe saisonnière et connaître une accalmie avec l'arrivée du printemps ? Rien n'est moins sûr et d'après les scientifiques, il est encore trop tôt pour prévoir la réaction de ce dangereux virus à un réchauffement des températures.

La famille des coronavirus compte plusieurs dizaines de virus, dont sept seulement affectent l'Homme : quatre provoquent de simples rhumes alors que les trois autres sont plus virulents, parfois mortels, et proviendraient d'animaux comme les chauves-souris ou les chameaux. Le virus de l'épidémie actuelle a été baptisé SARS-CoV-2 et la maladie qu'il provoque, COVID-19.

L'idée que l'été pourrait suspendre la pandémie est séduisante. Le mois dernier, le président des États-Unis, Donald Trump, louait sur Twitter les efforts de la Chine pour contenir le virus, affirmant qu'ils seraient fructueux, « surtout avec l'arrivée de températures plus clémentes. »

Il est vrai que les virus de la grippe ou les coronavirus provoquant des rhumes ont tendance à s'apaiser pendant les mois plus chauds car ces types de virus connaissent ce que les chercheurs appellent une « saisonnalité », le tweet du président Trump n'est donc pas sans fondement scientifique. Cependant, il est difficile de dire à l'heure actuelle si le SARS-CoV-2 adoptera le même comportement. Comme l'affirment ceux qui étudient la maladie, les recherches sont à ce jour à un stade trop précoce pour anticiper la réaction du coronavirus à l'évolution des conditions météorologiques.

« J'espère que le virus présentera une saisonnalité, mais c'est difficile à déterminer, » déclare Stuart Weston, chercheur postdoctorant à l'école de médecine de l'université du Maryland, où le virus est actuellement étudié en profondeur.

En date du 13 mars, plus de 134 000 cas de coronavirus ont été recensés dans 123 pays au total et selon les experts, il est fort probable que la propagation de la maladie se poursuive.

 

QUE SAVONS-NOUS SUR LES VIRUS ?

Pour simplifier, vous pouvez vous représenter les virus de la grippe et les coronavirus comme un ensemble de lipides et de protéines. Ils passent d'un individu à l'autre par contact physique, mais ils peuvent également subsister sur des surfaces solides ou dans les gouttelettes expulsées lorsqu'une personne infectée tousse ou éternue.

Une fois à l'extérieur du corps humain, des facteurs externes provoquent la détérioration du virus. Par exemple, l'alcool contenu dans les solutions hydroalcooliques décompose les protéines et les lipides, ce qui rend le virus moins stable et diminue le risque d'infection. (À lire : Coronavirus : que se passe-t-il dans votre corps si vous en êtes atteint ?)

Les études menées sur la saisonnalité des virus se sont essentiellement intéressées à ceux qui causent la grippe, une maladie associée depuis longtemps à la saison hivernale. La « saison de la grippe » dure généralement d'octobre à mars ou avril. Les scientifiques ont établi plusieurs théories pour expliquer ce phénomène.

Pour certains, il est dû à la promiscuité : pour échapper au froid, nous avons tendance à rester dans des lieux clos où le risque de transmission d'un individu à l'autre est plus important. Afin de comprendre pourquoi les latitudes nord enregistrent une augmentation des cas de grippe pendant l'hiver, les chercheurs ont analysé la propagation du virus sous différentes températures et divers niveaux d'humidité.

Une étude relativement récente suggère par ailleurs qu'un air froid et sec contribuerait à maintenir intact le virus dans l'air ou à lui faire parcourir une plus longue distance lorsqu'il quitte l'organisme pour l'air.

L'une des premières études à s'être intéressée à la façon dont les conditions environnementales affectent la transmission virale a été publiée en 2007 et elle concernait la transmission de la grippe entre cochons d'Inde infectés en laboratoire.

Les températures élevées et plus particulièrement les taux d'humidité importants ralentissaient la propagation de la grippe, allant même jusqu'à l'arrêter complètement aux taux d'humidité les plus élevés. L'air chaud est plus humide, ce qui empêche les virus transmis par l'air de parcourir des distances aussi longues qu'ils le feraient dans un air sec. Lorsque l'air est humide, les gouttelettes expulsées en toussant ou en éternuant amassent plus d'humidité à mesure qu'elles se déplacent dans l'air. Elles finissent par devenir trop lourdes pour rester en suspension et tombent au sol.

Les études menées en dehors des laboratoires présentent des résultats similaires, même si l'on constate dans les régions tropicales un plus grand nombre de cas pendant la saison des pluies, lorsque la population préfère également rester en intérieur.

D'après l'hypothèse émise par les scientifiques, les faibles niveaux d'humidité que l'on retrouve généralement en hiver pourraient altérer le fonctionnement du mucus nasal utilisé par notre organisme pour expulser les corps étrangers comme les virus ou les bactéries. Habituellement visqueux, le mucus peut être asséché par un air froid et sec, ce qui l'empêche de retenir efficacement les virus.

Directeur du Center for Infection and Immunity de l'université Columbia, Ian Lipkin a pu étudier le SARS-CoV-2 et indique que la lumière du Soleil, moins abondante en hiver, peut également détruire les virus persistant sur des surfaces.

« Les UV dégradent les acides nucléiques. Ils peuvent presque stériliser les surfaces. Si vous êtes dehors, l'environnement est généralement plus propre qu'à l'intérieur tout simplement parce qu'il y a des UV, » explique-t-il.

La lumière ultraviolette est si efficace dans la destruction des bactéries et des virus qu'elle est souvent utilisée dans les hôpitaux pour stériliser le matériel.

 

QU'EN EST-IL DU CORONAVIRUS ?

Même si le coronavirus et la grippe ont en commun l'infection des voies respiratoires, les connaissances actuelles sur le SARS-CoV-2 sont trop minces pour prédire s'il suivra la même tendance saisonnière.

Afin de mieux comprendre cette épidémie, les scientifiques analysent des flambées comparables comme le SRAS ou le MERS. Le SRAS, dont l'épidémie a démarré fin 2002, partage près de 90 % d'ADN avec le virus actuel. L'épidémie de SRAS a commencé en novembre 2002 pour se terminer en juillet 2003. Selon Weston, on peut y voir une certaine saisonnalité, mais l'endiguement de l'épidémie est peut-être le fruit d'une intervention précoce. En d'autres termes, le virus a-t-il disparu à cause de la chaleur ou à grâce aux efforts de traitement et de prévention ?

L'épidémie de MERS-CoV a éclaté en septembre 2012 en Arabie saoudite, où les températures sont généralement élevées. Contrairement au SRAS, l'endiguement n'a jamais été total pour le MERS et de nouveaux cas continuent d'être signalés de temps à autre. Le SARS-CoV-2 a également commencé à se propager au Moyen-Orient, notamment en Iran et dans les Émirats arabes unis.

« Nous n'avons pas vraiment décelé de signes d'une saisonnalité pour le MERS, » indique Weston.

Il est donc impossible d'affirmer ou d'infirmer la saisonnalité du SRAS ou du MERS et personne n'est en mesure de prédire si le virus actuel imitera le SRAS. Weston nous informe que son laboratoire se concentre actuellement sur la mise au point de traitements et de vaccins pour le virus, en précisant qu'ils ne seront pas disponibles avant au moins un an, si ce n'est plusieurs années.

 

ET DEMAIN ?

Épidémiologiste à Harvard, Marc Lipsitch pense que, quelle que soit l'évolution de la météo, elle n'aura pas de grand impact sur la propagation du virus. La maladie COVID-19 a déjà été signalée dans différents pays du monde entier. Si le SARS-CoV-2 se rapproche d'un virus typique de la grippe, il pourrait s'aggraver dans les régions de l'hémisphère Sud à mesure que les saisons changent.

Selon David Heymann de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, nous en savons trop peu à l'heure actuelle sur ce nouveau virus pour prédire les changements qu'il connaîtra en fonction des différentes conditions météorologiques.

« Les prévisions formulées sans preuve risquent, si elles se révèlent fausses, d'être perçues comme la vérité et d'instaurer un faux sentiment de sécurité, » indique Heymann par e-mail.

« Le point sur lequel il faut continuer d'insister à l'heure actuelle est le confinement jusqu'à l'élimination lorsque c'est possible, » prévient-il.

D'après les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis, les personnes infectées sont plus contagieuses lorsqu'elles présentent des symptômes. Cela dit, certains experts soupçonnent les bilans officiels de sous-estimer le nombre réel de personnes infectées, étant donné que toutes les personnes infectées ne développent pas une maladie grave.

« Nous ne voyons que les cas les plus sévères, » affirme Weston. « Il y a peut-être une partie de l'infection que nous ne détectons pas. »

Pour de nombreux experts, le SARS-CoV-2 deviendra probablement endémique, comme les quatre autres coronavirus à l'origine de rhumes légers, ou évoluera vers un risque sanitaire saisonnier comme la grippe.

Pour éviter de contracter un quelconque virus, l'Organisation mondiale de la santé recommande de se laver fréquemment les mains, d'éviter le contact étroit avec les personnes présentant des symptômes comme la toux ou des éternuements et de solliciter une aide médicale en cas de symptômes.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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