Californie : quand aura lieu le Big One ?

Des séismes colossaux frappent la Californie tous les 150 ans environ. En cause : deux fractures majeures dans la faille de San Andreas, qui longe la côte californienne. La région de Los Angeles pourrait être la première touchée.

De Julie Lacaze
Publication 7 août 2021, 09:30 CEST
Vue aérienne de la faille de San Andreas dans la plaine de Carrizo, Californie centrale.
Vue aérienne de la faille de San Andreas dans la plaine de Carrizo, Californie centrale.
PHOTOGRAPHIE DE Wikimédia Commons

La Californie se prépare à affronter non pas un, mais deux forts séismes dans les années à venir. La côte ouest se situe sur la faille décrochante de San Andreas, une zone de fracture de plus de 1 000 km de long allant jusqu’au Mexique. Cette frontière géologique, entre les plaques océaniques pacifique et continentale nord-américaine, est propice aux phénomènes sismiques de grande ampleur.

« Sous l’action de la tectonique des plaques, la croûte océanique du Pacifique se déplace de plusieurs centimètres par an en direction de la plaque continentale, explique Jean-Paul Montagner, sismologue à l’Institut de physique du globe de Paris. Au niveau de la Californie, son mouvement vers le nord-ouest provoque une accumulation de forces tectoniques entre les plaques. Cela engendre, au fil du temps, un relâchement de ces forces se traduisant par un mouvement rapide et violent de la croûte terrestre de 5 à 10 m, associé à un séisme d’au moins 8 sur l’échelle de Richter, surnommé The Big One par les États-Uniens ».

La vitesse de déplacement de la plaque océanique étant constante, le phénomène est périodique. Il survient tous les 150 à 200 ans. Il existe deux zones principales de rupture : un segment nord, situé au niveau de San Francisco, et un segment sud, près de Los Angeles.  « Mais le cycle sismique n’est pas parfaitement régulier, précise Jean Paul Montagner, on ne peut donc pas prédire si le phénomène se produira demain ou dans 50 ans sur chacun de ces segments. »

Reste que les deux derniers séismes importants remontent à 1857 (un événement de magnitude 8,3, à Fort Tejon, au nord de Los Angeles, dans une zone inhabitée) et à 1906 (près de San Francisco, de magnitude 7,8, faisant au moins 3 000 victimes). Dans un premier temps, il faudrait plutôt craindre une rupture de la faille au niveau de Los Angeles. Les habitants de San Francisco auraient, théoriquement, un sursis d’une quarantaine d’années.

L'activité humaine serait la cause de nombreux séismes

Mais dans le domaine de la prévision sismique, rien n’est jamais certain. « Prenons un tas de sable : si on y ajoute du sable grain par grain, comment savoir lequel provoquera un effondrement de ses flancs ? C’est la même chose pour la croûte terrestre, estime Jean Paul Montagner, elle est toujours au bord de la rupture, car perpétuellement en mouvement et sous tension. Les forces s’y accumulent, mais on ne peut pas prévoir le moment exact de sa rupture, et encore moins la magnitude du séisme que celle-ci provoquera. »

En attendant, les populations doivent se tenir prêtes. Depuis la catastrophe sismique de Sumatra, en 2004, et les 250 000 morts du tsunami consécutif, les systèmes d’alerte ont été améliorés. Cependant, ils ne peuvent toujours rien anticiper. Ce n’est qu’une fois les premières secousses détectées, que les alarmes s’activent. Les sismographes identifient deux types d’ondes : les moins destructrices, les ondes P (primaires), sont repérées avant les ondes S (secondaires), les plus dévastatrices. Un SMS est alors envoyé pour prévenir les habitants des zones concernées. 

Une nouvelle méthode, utilisant le champ de gravité, vient également d’être mise au point par des chercheurs américains et français, dont Jean-Paul Montagner. La technique, révélée dans les revues Nature Communication, le 22 novembre 2016, et Science, le 1er décembre 2017, permettrait de rendre les systèmes d’alerte sismique quasi instantanés : lors d’une secousse, le champ de gravité de la Terre est très légèrement modifié, cette variation peut être repérée par un gravimètre supraconducteur ou un sismomètre parmi les plus performants.

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    L’angle d’inclinaison des rochers du parc naturel de Vasquez Rocks, près d’Agua Dulce, en Californie, marque les forces exercées par la plaque pacifique sur la croûte terrestre, au niveau de la faille de San Andreas.
    PHOTOGRAPHIE DE Wikimédia Commons

    En cas de séisme, les mesures de protection les plus efficaces restent la prévention et l’éducation des populations. Dans le domaine, la Californie semble bien préparée : dès le plus jeune âge, les écoliers font des exercices d’alerte sismique et les bâtiments sont construits depuis longtemps aux normes parasismiques. Car ce sont les conséquences d’un séisme, et non le phénomène en lui-même, qui font le plus de victimes : incendies, fuite de gaz, effondrement de bâtiments, chute d’objets, inondations, tsunamis, etc. Ce dernier risque est écarté pour la Californie, la faille sismique étant située sur la croûte terrestre continentale. 

    Même si certains séismes présentent des signes avant-coureurs, mieux vaut éviter de multiplier les alertes, selon le sismologue français, « sinon, les populations penseront qu’il s’agit encore d’une fausse alerte lorsque le Big One se produira ».  Les pires scénarios sont souvent imprévisibles : « Lors du séisme de Fukushima, le système d’alerte a bien fonctionné. Mais comment imaginer qu’une vague gigantesque dépasserait les digues aménagées à 6 m ? »  

    Dans le cas de la Californie, certains sismologues américains tentent de faire des pronostics : il y aurait 62 % de chance qu’un Big One survienne avant 2032 à San Francisco. Mais, selon le spécialiste français, « c’est une façon pour les scientifiques de se protéger en cas de procès, cela revient à dire qu’il y a presque autant de chance que le Big One survienne avant qu’après cette date... ».

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