Coronavirus : dans quelles conditions la pandémie se terminera-t-elle ?
La réponse dépend de nombreux facteurs mais les précédentes pandémies nous aident à comprendre comment nous pourrions mettre un terme à la pandémie de COVID-19.
Une professionnelle de santé distribue des autotests de diagnostic de la COVID-19 dans un centre de dépistage au volant à Houston au Texas.
Après des mois de courbes très favorables, en juillet la reprise spectaculaire du nombre d’infections à l’échelle mondiale a écrasé les espoirs de voir la pandémie se terminer incessamment sous peu.
En mai, les cas de coronavirus étaient en baisse en France et les taux de vaccination augmentaient. De fait, petit à petit en juin, les restrictions sanitaires ont pu être assouplies, les restaurants et les bars ont pu rouvrir et le tourisme a quelque peu repris. Toutefois, ces réjouissances ont été de courte durée. La courbe de la vaccination a commencé à stagner et les variants, présentant un risque de transmission plus élevé, ont balayé le pays. Pour contrer cette nouvelle flambée, certaines régions ont réimposé le port du masque à l’extérieur et la mise en place d’un pass sanitaire a été décrétée à la mi-juillet.
Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la Santé a déclaré que l’épidémie de coronavirus était devenue une pandémie. Après dix-sept mois épuisants et chaotiques, la population mondiale est fatiguée. Tout le monde se demande quand cette pandémie prendra réellement fin.
« Même au sein de la communauté scientifique, les réponses seraient très différentes », indique Rachael Piltch-Loeb, chercheuse et membre du Emergency Preparedness Research, Evaluation & Practice Program à la Harvard T.H. Chan School of Public Health. « Il n’existe pas de définition unique de ce que signifie la fin d’une pandémie. »
Par définition, une pandémie est une crise sanitaire de portée mondiale. La levée de certaines mesures et interventions sanitaires « a donné l’impression aux gens que la panique était en train de s’estomper », précise-t-elle. Cette euphorie a aveuglé de nombreuses personnes, leur faisant oublier la sombre réalité qui règne encore dans le monde entier.
« Tant que nous n’arriverons pas à contrôler ou limiter [la transmission de ce virus], il ne partira pas », assure Mme Piltch-Loeb. Par conséquent, déclarer la « fin » de la pandémie peut s’avérer un objectif lointain, exigeant des conditions qui diffèrent selon la personne interrogée.
MAIS OÙ VONT LES MALADIES ?
Selon les indications de l’OMS, lorsque la propagation mondiale d’une maladie réussit à être contrôlée dans une même région, il n’est plus question de pandémie mais d’épidémie. Si la COVID-19 persiste à l’échelle mondiale mais à des « taux escomptés ou normaux » selon le jugement de l’OMS, alors l’organisation désignera la situation de nouveau comme endémique.
À ce moment-là, le SARS-CoV-2 deviendra un virus en circulation dont « les conséquences sont moindres puisque nous construisons notre immunité », déclare Saad Omer, épidémiologiste et directeur du Yale Institute for Global Health. (À lire : La COVID-19 fera sans doute partie de nos vies pour toujours. Comment apprendre à vivre avec ?)
Seules deux maladies affectant les Hommes ou les animaux ont été éradiquées dans l’Histoire : la variole, une affection mortelle qui recouvrait les malades de pustules douloureuses, et la peste bovine, une maladie virale qui touchait et tuait le bétail. Dans les deux cas, les campagnes de vaccination intensives à l’échelle mondiale ont permis de mettre un terme aux nouvelles infections. Le dernier cas confirmé de peste bovine a été déclaré au Kenya en 2001. Le dernier cas connu de variole a été enregistré au Royaume-Uni en 1978.
Joshua Epstein, professeur d’épidémiologie à la School of Global Public Health de l’université de New York, estime que l’éradication des maladies est si rare que ce terme ne devrait plus être utilisé dans le jargon médical. Les maladies « se concentrent dans des réservoirs animaux ou mutent à un rythme lent », explique-t-il. « Mais elles ne disparaissent pas littéralement du biome mondial. »
La plupart des causes des pandémies survenues dans le passé sont encore présentes aujourd’hui. Selon l’OMS, de 2010 à 2015, plus de trois-mille personnes ont contracté la bactérie responsable de la peste bubonique et de la peste pneumonique. Le virus responsable de la grippe espagnole, qui a ravagé la planète, emportant près de cinquante millions de vies sur son passage, a finalement muté en variants moins létaux. Certains de ses descendants sont aujourd’hui la souche des grippes saisonnières.
Il est donc possible que le SARS-CoV-2 continue de muter et que le système immunitaire humain s’adapte un jour pour le combattre sans vaccin. En attendant de parvenir à une telle situation, de nombreuses personnes risquent de tomber malades, et malheureusement, de mourir. « Le développement d’une immunité collective au prix de tels efforts n’est pas une solution que nous devrions envisager », estime M. Omer.
Selon les experts, la voie la plus sûre est de trouver des moyens de ralentir la propagation de la maladie et de contrer ses effets secondaires. Par exemple, de nos jours, la lutte antiparasitaire et les normes d’hygiène poussées sont deux mesures qui ont permis de contrôler la peste. En outre, les nouveaux cas peuvent être traités par antibiotiques.
Pour d’autres maladies, comme la grippe, les vaccins peuvent également faire la différence. Les vaccins disponibles contre la COVID-19 sont très sûrs et efficaces. Cela signifie qu’un taux de vaccination élevé peut aider à mettre un terme à cette pandémie plus rapidement en plus de faire chuter le taux de mortalité, une solution bien plus efficace que l’immunité acquise après les infections naturelles.
LES VACCINS SONT NÉCESSAIRES POUR TOUS
La semaine dernière, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS, a fixé un nouvel objectif de vaccination. Il faut qu’au moins 10 % de la population de chaque nation du monde soit vaccinée d’ici septembre. Il espère atteindre 40 % de couverture vaccinale au niveau mondial d’ici la fin de l’année et 70 % d’ici mi-2022.
Actuellement, seuls 30 % de la population mondiale ont reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19. Aussi, la distribution des vaccins reste très inégale. La population adulte de l’Union européenne est à 60 % complètement vaccinée. Les États-Unis ont vacciné 68 % de leurs citoyens âgés de 12 ans et plus.
Pourtant, d’autres nations ont dû faire face à de nombreux décès, notamment l’Indonésie, l’Inde et de nombreux pays d’Afrique. Leur taux de vaccination, lui, progresse à un rythme bien plus lent. C’est en partie dû au fait que Covax, le programme de vaccination soutenu par les Nations Unies, a peiné à acquérir et à distribuer les doses de vaccin pour les pays les plus pauvres de la planète. La semaine dernière, l’OMS a lancé un appel aux pays les plus fortunés à donner leurs doses de vaccin aux nations les plus pauvres avant de proposer les rappels à leur population.
Même dans les pays où la distribution est suffisante, le rythme des vaccinations s’est vu influencé par la méfiance et la désinformation.
Avec davantage d’occasions pour se propager et muter, le virus a donné naissance à de nouveaux variants. Non seulement ils sont plus contagieux, mais également plus discrets. Le variant Delta est le plus contagieux jusqu’à présent. Il a été identifié pour la première fois en Inde, où il a été la cause de l’une des flambées les plus catastrophiques du monde en avril. Plus récemment, il a engendré une vague de contaminations spectaculaire en Indonésie. Les données recueillies sur les anticorps suggèrent que plus de la moitié de la population de Jakarta aurait été infectée. Selon les premiers résultats de certaines études, le variant Lambda pourrait être plus résistant à certains vaccins.
La complexité du combat mené contre un virus qui mute rapidement « représente parfois deux pas en avant et un pas en arrière », déclare Michael Osterholm, directeur du centre de recherche et de politiques sur les maladies infectieuses de l’université du Minnesota.
QUI PEUT ANNONCER LA FIN D’UNE PANDÉMIE ?
Selon scientifiques et historiens, il existe une autre option. Les citoyens décideront eux-mêmes de la fin de la pandémie, bien avant que les gouvernements ne la déclarent.
C’est une situation qui a déjà eu lieu par le passé. La grippe espagnole a fait son apparition alors que le monde se remettait tout juste de la Première Guerre mondiale. Les batailles touchaient à leur fin et un « sentiment de mettre un terme à toute cette décennie et d’embrasser un nouvel avenir » a surgi, indique Naomi Rogers, professeur d’histoire et d’histoire de la médecine à l’université Yale. La population a entamé les « Roaring Twenties », une période de croissance économique et d’insouciance, alors que le virus circulait toujours activement aux États-Unis.
Si la société décide de déclarer la fin d’une pandémie avant que la science ne le fasse, alors elle doit accepter ses terribles conséquences, y compris la mort. Il en a souvent été ainsi avec les pandémies passées. Aujourd’hui, la grippe n’est plus considérée comme une pandémie mais une maladie endémique. Lors de la saison 2019-2020, 3 700 décès ont été attribués à cette maladie en France.
« Si nous pouvons réduire le nombre de décès et reprendre le cours de nos vies, alors nous pourrions déclarer que la pandémie est “terminée” », souligne Jagpreet Chhatwal, expert décisionnel au Massachusetts General Hospital Institute for Technology Assessment à Boston. Encore une fois, ce sont les vaccins qui feront la différence. Proportionnellement au nombre de cas, le nombre de décès a fortement diminué depuis la mise en place de la vaccination en France.
« Nous voulons revenir à la vie telle qu’elle était avant l’arrivée de la COVID », certifie Andrew Azman, épidémiologiste à l’école de santé publique Bloomberg de l’université Johns-Hopkins. « Les gens n’attendront pas que l’OMS déclare que la pandémie est terminée pour agir de la sorte. »