Comment cette pyramide est née des cendres d’une éruption volcanique

L’archéologie nous enseigne comment une cité maya a été reconstruite après sa destruction par une des plus graves éruptions volcaniques de l’histoire.

De Erin Blakemore
Publication 21 sept. 2021, 16:25 CEST
À Salvador, les fouilles effectuées sur une pyramide maya (au premier plan) ont mis en évidence ...

À Salvador, les fouilles effectuées sur une pyramide maya (au premier plan) ont mis en évidence un lien surprenant avec le volcan voisin d’Ilopango.

PHOTOGRAPHIE DE PHOTOGRAPHIE AUTORISÉE PAR AKIRA ICHIKAWA

Il y quinze cents ans, la caldeira d’Ilopango, située dans l’actuel Salvador, a été le théâtre d’une des plus grandes éruptions volcaniques de l’histoire. L’éruption de Tierra Blanca Joven, c’est son nom, a propulsé en l’air 43,8 kilomètres cubes de téphra (de la ponce et de la cendre), soit plus de cent fois la quantité produite lors de l’éruption du mont Saint Helens en 1980. La matière solide qui est retombée a recouvert la vallée ; celle qui n’est pas retombée aurait contribué à un refroidissement du climat dans l’hémisphère nord.

Il était admis depuis longtemps que cette éruption avait précipité la fin de la civilisation maya, qui s’étendait du Mexique à l’Amérique Centrale. Mais d’après une étude qui vient de paraître dans la revue Antiquity, cette éruption n’a pas semé la ruine (du moins pas à un endroit situé à environ 40 kilomètres de la caldeira). Elle a au contraire permis la construction éclair d’une gigantesque pyramide maya, une structure monumentale symbolisant la résilience de ceux qui l’ont érigée.

« On considère généralement les éruptions et les sécheresses comme des facteurs déterminants dans l’effondrement, la déréliction ou le déclin de civilisations anciennes », explique Akira Ichikawa, auteur de l’étude et chercheur postdoctoral à l’Université du Colorado à Boulder. « À en croire mes recherches, les peuples anciens étaient plus résilients, plus flexibles et plus innovants. »

Akira Ichikawa a mené des fouilles à San Andrés, cité maya de la vallée de Zapotitán, près de de San Salvador, capitale actuelle du pays. On y trouve les ruines de la Campana (la cloche), pyramide imposante à côté de laquelle le reste de la vallée devait sembler minuscule.

Les tranchées pratiquées pour les fouilles ont permis à l’équipe de mettre au jour huit strates de matériaux de construction. Puis ils ont fini par atteindre une couche de quelque cinq mètres d’épaisseur de téphra blanc pur qui ne contenait que quelques éclats de céramiques et d’autres matériaux, ce qui tend à montrer que les bâtisseurs avaient pris soin de tamiser la cendre et la ponce avant de les utiliser.

La construction de la pyramide a démarré très peu de temps après que l’explosion a décimé la vallée. D’après les datations au carbone 14, il est possible que l’édification ait commencé à peine cinq années après l’éruption. (Bien que les estimations à ce sujet varient, les générations suivantes n’ont pas utilisé pas de téphra, ce qui, selon Akira Ichikawa, indique que la construction a démarré alors que la catastrophe était encore bien présente dans les esprits).

D’après Kathryn Reese-Taylor, archéologue et professeure à l’Université de Calgary et spécialiste de la formation des communautés dans la culture maya, les bâtisseurs ont vraisemblablement choisi le téphra pour sa couleur blanche. « [Cette couleur] symbolisait probablement quelque chose », commente celle qui n’a par ailleurs pas pris part à ces recherches.

 

VÉNÉRATION DES VOLCANS

Akira Ichikawa affirme que les volcans étaient sacrés pour les Mésoaméricains. « Peut-être croyaient-ils que dédier un monument au volcan était une façon logique et rationnelle de prévenir les éruptions futures. »

Pour Mark Elson, maître de conférence en anthropologie à l’Université d’Arizona et spécialiste des réactions humaines aux éruptions volcaniques, les Mayas n’étaient pas les seuls à vénérer les volcans. Il pense aux empreintes d’épis de maïs découvertes dans le basalte noir des environs du cratère Sunset, dans l’Arizona, qui est entré en éruption vers l’an 1085.

« Nous pensons que ce maïs a été déposé en offrande dans la lave par les Hopis dans le but de contrôler le volcan du mieux qu’ils pouvaient », explique Mark Elson, qui n’a pas pris part aux recherches.

The main architectural complex at San Andrés

Une carte topographique du site de fouilles indique les tranchées (Tr) et les fosses (P) creusées par les archéologues.

PHOTOGRAPHIE DE PHOTOGRAPHIE AUTORISÉE PAR AKIRA ICHIKAWA

L’utilisation de téphra par les Mayas « n’était pas uniquement religieuse ou symbolique, mais pratique et fonctionnelle », précise Akira Ichikawa. Comme le lui a appris une de ses collègues, le téphra produit lors de l’éruption continue d’être utilisé comme matériau de construction grâce à son compactage excellent.

Religieux ou non, ces monuments auraient permis aux habitants (qu’il s’agisse des rescapés de la vallée, des personnes s’étant installées dans la vallée après l’éruption, ou bien des deux) de se rassembler derrière un but commun. Cela fait écho à la vie d’Akira Ichikawa, dont le Japon natal est accablé par les catastrophes depuis qu’il est né.

« L’édification de monuments était une œuvre collective. C’est un moyen efficace de retrouver une vie normale », explique-t-il. En mettant l’accent sur les liens sociaux, sur l’intégration et sur l’unité, on peut se sortir des pires désastres.

On ne sait pas encore exactement combien de personnes ont participé à la construction. Selon les estimations d’Akira Ichikawa, il aurait fallu au minimum treize ans à cent ouvriers travaillant quatre mois par an, et seulement onze mois à 1 500 ouvriers. Il rappelle que davantage de recherches doivent être menées afin de découvrir comment les ouvriers se procuraient de la nourriture et de savoir s’ils ont édifié la pyramide pour le compte de chefs locaux ou bien comme tribut religieux.

Pourquoi s’intéresser à une éruption qui a eu lieu il y a si longtemps ? « L’étude des catastrophes nous aide à faire face aux désastres qui viennent, affirme Mark Elson. Les choses ne vont pas s’améliorer. »

Pour Kathryn Reese-Taylor, cette étude sur les Mayas est un ajout de taille au maigre corpus des recherches effectuées dans la région. « Les éruptions volcaniques se produisent régulièrement dans cette région, souligne-t-elle. La résilience nécessaire pour revenir et reconstruire en plus grand et en mieux me stupéfie. »

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