Avatar : James Cameron nous explique la réalité scientifique qui a inspiré le monde aquatique de Pandora
Dans son nouveau film "Avatar : La voie de l'eau", le réalisateur nous emmène dans les profondeurs de Pandora dans l'espoir de nous rappeler toute la beauté du monde que nous sommes en train de perdre, et qu'il nous faut absolument protéger.
Le réalisateur James Cameron sur le tournage du film « Avatar : La voie de l’eau ». Ce nouveau film, sorti ce mercredi 14 décembre dans les salles françaises, poursuit l'histoire du premier opus, sorti en 2009.
James Cameron plonge à nouveau dans les profondeurs de l’océan, mais cette fois, il le fait dans les eaux d’un monde lointain et étranger. Avatar : La voie de l’eau, la dernière épopée de science-fiction du célèbre cinéaste et explorateur des océans, promet de transporter les spectateurs dans les écosystèmes aquatiques dynamiques de Pandora, un monde situé à 44 billions de kilomètres de la Terre, avec un niveau de détail digne des meilleurs documentaires.
Le nouveau film donne une suite au blockbuster Avatar qui, en 2009, racontait l’histoire d’une lune habitable appelée Pandora, des êtres humanoïdes à la peau bleue qui y vivent (les Na’vis), et du conflit qui a surgi lorsque des humains venus de l’espace ont tenté de coloniser et d’exploiter ce monde, sans se soucier des ravages environnementaux qu’ils provoquaient. Dans le premier opus, les Na’vis vivant dans les forêts tropicales de Pandora ont lutté pour protéger leur demeure ancestrale, avec l’aide de soldats et de scientifiques humains sensibles à leur cause.
Cette fois-ci, le réalisateur oscarisé s’attèle à l’exploration du monde aquatique de cette exolune et, pour cela, il s’est servi de ses nombreuses expériences dans les océans de notre propre planète. Esprit créatif à l’origine des documentaires Les Fantômes du Titanic et Les Secrets des Baleines, James Cameron est également explorateur National Geographic. En 2012, dans le cadre de l’expédition Deepsea Challenger, il a effectué la première plongée en solo au fond de la fosse des Mariannes, le point le plus profond de notre planète.
Pour illustrer la vie sous-marine de Pandora, Cameron et son équipe ont imaginé une biodiversité aussi étrangère que familière : des créatures issues du mélange de poissons-globes et de rascasses qui nagent le long de récifs similaires aux nôtres ; des formes de vie glissantes et ondulantes qui rappellent les animaux qui peuplaient autrefois les océans de la Terre ; les ilus, des êtres similaires aux plésiosaures, des reptiles marins disparus depuis des millions d’années ; les skimwings, ou tsuraks, de gigantesques créatures issues du croisement entre le brochet crocodile et le poisson volant, et qui servent de montures de guerre aux Na’vis ; et enfin, les tulkuns, des équivalents titanesques et très intelligents à nos baleines bien-aimées.Qu’est-ce qui a inspiré la conception de ces créatures, et comment Cameron et son équipe leur ont-ils donné vie ? National Geographic s’est récemment entretenu avec James Cameron depuis la Nouvelle-Zélande pour discuter de la science et de la technologie qui ont permis la création de La voie de l’eau.
Notre voyage sur Pandora a commencé sur la terre ferme, et comme le suggère le titre de ce nouveau film, nous nous dirigeons désormais vers son littoral et ses profondeurs. Pourquoi avoir décidé de nous emmener dans l’eau ?
Je suis un explorateur des océans ; j’étais passionné par la plongée sous-marine bien des années avant de le devenir, et j’étais déjà amateur d’exploration des océans quand j’étais enfant. Il n’est donc surprenant pour personne d’entendre que je me suis senti proche de l’océan toute ma vie. J’ai passé des milliers d’heures sous l’eau dans des environnements peu profonds, des centaines d’heures dans des environnements profonds (et notamment dans l’endroit le plus profond de la planète), et j’ai effectué de nombreuses descentes sur le Titanic. On dit qu’il faut écrire ce que l’on connaît ; et je connais bien l’océan. J’aime l’océan. Je me suis donc demandé : pourquoi ne pas réunir deux de mes passions ? Je voulais que ce film traite de la voie de l’eau, et ainsi explorer comment cet environnement qui a connu la naissance de la vie sur Terre a évolué au fil du temps, et les merveilles que nous pouvons encore y trouver aujourd’hui – et ce même dans son état actuel, endommagé par nous, les humains.
Le monde dans lequel nous vivons subit de nombreuses transformations ; les océan tels que nous les connaissons aujourd’hui ne sont plus ce qu’ils étaient autrefois. Ce film est également une occasion de nous donner un aperçu de ce à quoi ils ressemblaient probablement il y a 300, 400, ou 500 ans, avant que nous ne nous engagions pleinement dans la voie de la civilisation industrielle. Si le public voit ce film et si, au-delà du drame de la famille Sully [les protagonistes du film], des relations entre les personnages et de tous ces grands conflits dramatiques, s’ils aiment simplement l’expérience sous-marine – et s’ils aiment ce sentiment de profusion de vie, de magie et de mystère – alors peut-être que [l’histoire] leur permettra de réaliser ce que nous sommes en train de perdre, ici, sur cette planète.
Quelles ont été vos inspirations pour la création de cet écosystème aquatique et de la culture extraterrestre qui l’habite ?
[Dans le film], nous découvrons le peuple Metkayina, un clan qui s’étend sur un grand nombre de villages. Les Metkayina forment une sorte de culture native régionale : il y a probablement des dizaines de milliers d’années, ils ont divergé des Na’vis, qui vivent dans les forêts terrestres, et se sont adaptés physiquement pour vivre dans l’océan. Ils se servent de leur queue comme moyen de propulsion pour nager, tout comme les phoques et les loutres. Ils respirent de l’air et ont donc évolué pour pouvoir retenir leur souffle pendant de longues périodes. Ils ont des membranes nictitantes, un peu comme les crocodiles et les hiboux, pour protéger leurs yeux lorsqu’ils entrent dans l’eau à grande vitesse à dos [d’ilus], ces créatures qu’ils ont apprivoisées et avec lesquelles ils entretiennent une relation symbiotique.
Ils partagent également une culture symbiotique avec une espèce intelligente qui respire de l’air, mais qui vit dans les océans : des animaux imposants qui, au premier regard, feront probablement penser à des baleines. Mais, bien sûr, ils n’en sont pas : il s’agit des tulkuns, la version « Pandora » des baleines. Les tulkuns forment une société très avancée, même si toutes leurs avancées sont purement mentales. Ils n’ont pas de technologies, car contrairement à nous, ils ne possèdent pas de mains capables de manipuler des objets. Ils comptent donc sur les Na’vis pour tout ce qui nécessite ce type de manipulation physique. Mentalement, cependant, ils sont très avancés : ils ont un langage complexe, ils ont les mathématiques, la musique, et bien plus encore.
La mini-série Les Secrets des Baleines pour National Geographic a été pour moi une expérience très intéressante. Elle m’a montré que les cétacés qui vivent sur la planète Terre (les animaux bien réels) ont une culture bien plus avancée que nous le pensions ; ils transmettent des informations très structurées de génération en génération. Ils utilisent une musique complexe qui est adoptée par d’autres membres de la population de leur espèce, et qui peut faire le tour du monde, un peu comme un album regroupant les meilleurs titres d’un artiste.
Partout sur Terre, des peuples natifs entretiennent des liens incroyablement riches et divers avec l’eau. Comment ces cultures vous ont-elles inspiré dans la création du peuple Metkayina ?
Nous avons fait énormément de recherches sur les cultures natives qui sont étroitement liées à l’océan. Nous avons étudié la culture polynésienne, qui accorde une place importante au commerce de canoës. Nous avons décidé de ne pas en utiliser, à l’exception de quelques canoës qui sont utilisés dans la région. Les voyages marins dans ce film (je ne peux pas parler pour les films suivants) ne correspondent pas à ceux de la culture [polynésienne], qui utilise les grands canoës, ou waka comme on les appelle ici, en Nouvelle-Zélande.
Le défi a été le suivant : comment prendre une culture native qui existe sur notre planète, et la transposer dans la réalité du monde de Pandora ? Il y a [les Sama-Bajau], des peuples d’Indonésie qui vivent sur des maisons sur pilotis et sur des radeaux. Nous avons étudié ce type d'éléments.
Comment votre expérience de la technologie et de l’exploration des océans a-t-elle influencé votre approche du cinéma en général, et plus particulièrement de La voie de l’eau ?
Pour moi, l’exploration sous-marine et la réalisation de films se rejoignent à bien des égards : elles impliquent toutes deux de petites équipes de personnes qui essaient d’accomplir des choses très difficiles de manière coordonnée, ce qui nécessite énormément de planification. Je trouve que cet aspect est très similaire, surtout lorsqu’il s’agit de créer une nouvelle technologie : par exemple, faire pénétrer un véhicule robotisé à l’intérieur du Titanic pour en faire une étude archéologique, ou encore construire un nouveau véhicule habité pour se rendre dans l’endroit le plus profond de la planète. Ce sont de petites équipes qui parviennent à accomplir des choses qui paraissent impossibles.
Dans la réalisation des films Avatar, nous sommes à la pointe de ce qui est possible en termes de VFX [effets spéciaux] et de performance capture ; le défi est passionnant. Je ne demande pas au public de voir ce film comme une forme de démonstration technique. Ce que je veux, c’est que les spectateurs croient que nous sommes réellement allés sur Pandora, et que nous avons tout filmé comme un grand documentaire. Je ne veux pas qu’ils pensent à la manière dont tout cela a été réalisé. Il nous incombe donc, d’un point de vue créatif, d’essayer de rendre le tout homogène, de faire en sorte que tout ce que les personnages font (chaque action, chaque déplacement d’une créature, etc.) se base sur les règles physiques du monde réel. Sur une autre planète, les propriétés physiques de l’eau seraient les mêmes que sur la nôtre. De l’eau, c’est de l’eau.
Nous nous sommes consacrés à l’idée de mettre nos acteurs dans l’eau. Nous leur avons appris à plonger en apnée dans le cadre de la préparation de leurs personnages. Mais sur un plan pratique, pour qu’ils puissent interpréter leurs scènes, nous leur avons également appris à faire de la plongée en bouteille.
Nous avons construit des maquettes de créatures capables de faire ce que font les créatures [dans La Voie de l’eau] : courir sous l’eau à grande vitesse, sortir de l’eau, voler au-dessus de la surface de l’eau, retourner dans l’eau et crier sous l’eau. Tout cela paraît presque impossible. Ce serait comme mélanger un avion Harrier avec un sous-marin ; et pourtant, c’est ce que nous avons fait. Je ne sais pas si vous en avez déjà vus, mais ces engins font monter 8 mètres dans les airs [à la verticale]. Nous avons utilisé cette technologie de propulseurs à réaction pour fabriquer, grosso modo, un avion Harrier dans lequel nous pouvions installer un pilote, et sur lequel quelqu’un pouvait monter et ainsi voler au-dessus de la surface de l’eau, plonger dans l’eau, crier, puis sortir de l’eau et recommencer. C’était très dangereux ; et nous avons tous profité de cette expérience pendant environ une semaine, dans les Bahamas.
Nous avons aussi dû déterminer comment, dans la vraie vie, quelqu’un chevaucherait un tel animal, et comment cette personne pourrait manier une lance ou une autre arme en même temps. Nous sommes allés chercher toutes ces informations, avons réuni toutes les photos de référence, puis nous les avons ramenées dans notre environnement de tournage, nous avons appris aux acteurs à le faire, et nous avons tout mis en place. Et en même temps, nous devions mettre au point toutes sortes de simulations numériques de dynamique des fluides [aérodynamique et hydrodynamique] afin que le résultat ait l’air plausible pour ces personnages extraterrestres – car physiquement, ils ne sont pas comme nous.
Vous dites que vous essayez d’atteindre un certain niveau de fidélité dans ces films, en faisant de Pandora un monde plausible auquel le public peut s’identifier. Je pense aux chaînes Hallelujah, les montagnes flottantes du premier film qui ont été partiellement inspirées par les monts Huangshan en Chine. Quels lieux du monde réel ont inspiré ce que nous verrons dans La voie de l’eau ?
Le lien le plus évident entre les nouveaux habitats de La voie de l’eau et ce que nous avons ici sur Terre, ce sont les récifs coralliens et formations d’atolls tropicaux, en particulier dans le Pacifique central et occidental. On y trouve des séries d’anciens volcans érodés qui forment des chaînes d’atolls. J’ai passé beaucoup de temps à plonger dans le Pacifique autour de ces atolls, et dans des récifs coralliens du monde entier.
Nous avons créé des équivalents pour toutes nos espèces de coraux et de grands animaux invertébrés mous, et les avons intégrés dans notre écosystème corallien [pour ce nouveau film]. C’est une véritable façon de célébrer nos récifs et nos atolls, mais aussi la culture polynésienne qui s’est répandue dans cette vaste diaspora à travers toutes ces îles du Pacifique. [Le film] célèbre notre capacité, en tant que créatures hautement adaptatives, à évoluer dans des environnements différents.
En fin de compte, ce que vous voyez chez les Na’vis, c’est le meilleur de nous-mêmes transposé sur de grands êtres bleus au sein d’un récit de science-fiction. D’une certaine manière, on aspire à devenir ces personnages. Je vis moi-même dans un environnement urbain, je travaille du matin au soir, j’ai toutes ces choses qui me stressent, je dois payer mon loyer, mes impôts, etc. Je voudrais bien vivre comme eux. Mais comment pourrions-nous le faire ?
Il nous faudrait avoir un profond respect spirituel pour l’harmonie et l’équilibre de la nature. De nos jours, nous ne l’avons plus, donc de là où nous sommes actuellement, [nous ne pourrions pas vivre à leur manière]. Nous devons tout réapprendre. Nous devons apprendre ce que l’humanité savait autrefois, mais qu’elle a soit oublié, soit volontairement effacé.
Pour revenir sur un point que vous avez soulevé plus tôt : La voie de l’eau sort en ce mois de décembre 2022, dans une période où les océans de la Terre sont en mauvais état (que ce soit à cause du changement climatique ou de la surpêche), et où l’on prend conscience des défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés. En sachant tout cela, quelles réactions espérez-vous provoquer chez le public ?
J’ai fait le choix de réaliser toute une série de films dans le même univers, car j’ai senti que le message que je voulais transmettre avec mon art – ce que je voulais communiquer au public – je pouvais le transmettre grâce à ce projet. Bien sûr, en passant de la forêt tropicale (qui était le point central du premier film) à l’océan, entre les lignes, on comprend qu’il y a un plaidoyer pour la protection, la conservation et la célébration de nos océans. J’espère que nous pourrons nous détourner de la voie sur laquelle nous sommes et qui met les océans sous pression. Je n’aime pas utiliser le terme « pression » ; il est beaucoup utilisé dans le domaine de la conservation. [Mais] est-ce que l’on dirait qu’un cancer de stade 4 est une simple « pression » ? Si oui, alors effectivement, il s’agit bien là aussi d’une « pression ».
Dans cinquante à soixante-quinze ans, dans la plupart des régions de la planète, nous ne pourrons plus voir les récifs coralliens que dans les films. C’est inacceptable. Quand j’étais enfant, j’aspirais à devenir plongeur pour aller observer toute cette merveille par moi-même, puis j’ai passé des décennies à explorer et à apprécier la beauté de ce monde. Mes enfants et mes petits-enfants, eux, ne pourront pas le faire. Si on veut, ce film est donc une forme d’appel : un appel à se remémorer, à célébrer et à retomber amoureux de [cette nature], et donc à se souvenir qu’il nous faut protéger ce que nous sommes en train de perdre.
La Walt Disney Company est le propriétaire majoritaire de National Geographic Partners. Elle est également propriétaire de la société de production 20th Century Studios, qui distribue Avatar : La voie de l’eau.
Dans un souci de clarté, cet entretien a été adapté et condensé.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.