La découverte du fossile de ce petit lézard fait reculer l'apparition du lézard moderne de 30 millions d'années

Déterré en 1953, le fossile d'un petit lézard fait parler de lui après qu'il a bénéficié des techniques d'analyse modernes. Un passage au scan a permis aux experts d'en apprendre plus sur Cryptovaranoides microlanius.

De Lou Chabani
Publication 26 déc. 2022, 09:15 CET
Vue d'artiste de Cryptovaranoides microlanuis tel qu'il aurait été de son vivant.

Vue d'artiste de Cryptovaranoides microlanuis tel qu'il aurait été de son vivant.

Artiste : Lavinia Gandolfi

Les chercheurs le savent mieux que personne : les avancées de la technologie permettent parfois de tirer des informations inédites d’artefacts déjà connus. Les scanners, IRM et autres techniques d’imagerie médicale sont ainsi couramment utilisés dans les milieux de l’archéologie et de la paléontologie afin d’aborder dépouilles et vestiges sous un angle différent.

C’est avec cet objectif en tête que Mike Benton, David Whiteside et leur équipe se sont mis à étudier les spécimens de la collection de Pamela Lamplugh Robinson. Paléontologue à l’University College de Londres spécialisée dans la faune du Trias, cette dernière avait déterré un fossile de lézard sur le site de Cromhall, dans le Gloucestershire, au sud de l’Angleterre.

« Pamela Robinson avait étudié la majorité de ses échantillons de son vivant, mais elle n’a pas eu le temps d’examiner celui-ci », raconte Mike Benton, professeur et chercheur de l’Université de Bristol, et co-auteur de l’étude.

C’est au cours de ces analyses que les chercheurs britanniques sont parvenus à décrire Cryptovaranoides microlanius, un petit lézard vieux de 200 millions d’années. Long d’une vingtaine de centimètres, il aurait vécu au cours du Trias, aux côtés des premiers mammifères et dinosaures.

Grâce aux nouvelles techniques d’analyse et à l’utilisation de scanners modernes, les chercheurs ont pu étudier les restes du petit lézard en détail, et ont ainsi identifié de nombreuses caractéristiques permettant de le rattacher à l’ordre des Squamates.

Ce groupe, qui rassemble la majorité des reptiles actuels, serait apparu il y a 240 millions d’années et aurait peu à peu évolué pour devenir les lézards que nous connaissons aujourd’hui en acquérant différentes caractéristiques spécifiques.

La découverte de Cryptovaranoides microlanius vient cependant remettre l’histoire évolutive de ce groupe en question. Présentant de nombreuses caractéristiques modernes, le petit fossile pourrait être le spécimen marquant la transition des squamates primitifs aux squamates modernes.

Cette découverte change tout pour les paléontologues, qui pensaient jusqu’alors que cette transition avait eu lieu 30 millions d’années plus tard.

 

Le crâne de Cryptovaranoides microlanuis, particulièrement petit, aurait été détruit par les techniques traditionnelles d'étude des ...

Le crâne de Cryptovaranoides microlanuis, particulièrement petit, aurait été détruit par les techniques traditionnelles d'étude des fossiles.

PHOTOGRAPHIE DE David Whiteside, Sophie Chambi-Trowell, Mike Benton and Natural History Museum UK

UN LÉZARD DANS LE PLACARD

Loin d’être perdu ou oublié dans un coin, le fossile de Cryptovaranoides microlanius était en réalité soigneusement stocké et enregistré dans les réserves du musée d’Histoire naturelle de Londres.

Légué à l’établissement à la mort de Pamela Robinson, il fait partie d’une impressionnante collection d’échantillons récoltés par cette dernière à travers le monde.

« Il aurait été très difficile de l’étudier en 1960 ou 1970 », selon Mike Benton. « Le fossile est trop petit, le crâne fait 2 centimètres et chaque dent mesure moins de 1 millimètre. Les techniques de nettoyage traditionnel à l’aiguille l’auraient tout simplement détruit. »

Heureusement pour les paléontologues, l’utilisation de scanner moderne, ou tomodensimètre, permet à présent d’éviter ce genre de problème. Une fois placé dans la machine, le fossile peut être examiné sans avoir à être extrait de sa gangue rocheuse, évitant ainsi tout dommage lors du processus de nettoyage.

Des reconstitutions 3D peuvent également être réalisées afin d’étudier les mouvements que permettait la structure osseuse. Dans certains cas, il est même possible de théoriser le placement de certains muscles à partir de la structure osseuse.

Dans le cas de Cryptovaranoides microlanius, les images révèlent le crâne et le corps d’un lézard de petite taille aux caractéristiques très proches des lézards actuels. Il possède également de nombreuses dents pointues et tranchantes, qui lui ont valu son nom de « petit boucher » (microlanius).

 « Au vu de sa mâchoire, il s’agissait certainement d’un insectivore, et l’os carré, à de l’arrière du crâne, est capable de bouger, ce qui lui permettait d’ouvrir sa mâchoire en grand », précise le paléontologue. « Nous avons identifié une vingtaine de caractéristiques du crâne et du palais qui sont typiques des squamates modernes, mais pas de leurs ancêtres. »

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    Reconstitution du crâne de Cryptovaranoides microlanius.
    Scanner aux rayons X de Cryptovaranoides microlanius montrant l'ensemble de son squelette.
    Gauche: Supérieur:

    Reconstitution du crâne de Cryptovaranoides microlanius.

    Droite: Fond:

    Scanner aux rayons X de Cryptovaranoides microlanius montrant l'ensemble de son squelette.

    Photographies de David Whiteside, Sophie Chambi-Trowell, Mike Benton and Natural History Museum UK

     

    DE CREVASSE EN TIROIR

    Âgé de 200 millions d’années, le fossile de Cryptovaranoides microlanius arrive 30 millions d’années trop tôt dans l’arbre généalogique des lézards modernes, une découverte qui bouscule l’histoire évolutive du groupe des squamates.

    « Comme ils sont très petits, leurs fossiles sont particulièrement rares », explique le professeur Benton. « Nous connaissons surtout les dinosaures [du Trias], parce qu’ils sont en général très grands, et que leurs os se conservent beaucoup mieux. »

    Ces petits reptiles sont donc d’autant plus précieux pour les paléontologues. Et si des caractéristiques aussi modernes étaient déjà présentes 200 millions d’années auparavant, cela implique qu’elles sont apparues plus tôt encore.

    « Nous devons prendre en compte le fait que l’évolution du lézard moderne a eu lieu bien plus tôt que nous le pensions, et déterminer leur rôle dans l’écosystème de l’époque », ajoute le chercheur.

    Au cours du Trias, les recherches suggèrent que le Gloucestershire était bien plus proche de l’archipel que de la campagne anglaise : un écosystème totalement différent, dont le fonctionnement reste encore peu connu par les paléontologues, et dont l’identification de la faune pourrait lever une partie du mystère.

    L’étude approfondie des restes du petit lézard pourrait donner de précieux indices sur le type de climat, d’environnement et de faune de l’époque. Il pourrait également renseigner les chercheurs sur le type d’évènement qui a pu conduire à l’évolution des squamates qui leur a permis de progressivement devenir les lézards actuels.

    Les premiers résultats de l’étude de Cryptovaranoides microlanius viennent en effet étayer la théorie de l’impact d’un évènement météorologique important sur la diversification des formes de vie du Trias.

    Cet évènement, connu sous le nom d’épisode pluvial du Carnien, aurait eu lieu entre 234 et 232 millions d’années avant notre ère, alors que les continents formaient encore la Pangée. Il aurait notamment été causé par une éruption volcanique massive dans l’actuelle Alaska, engendrant une très longue période d’averses et une importante montée des eaux.

    L’important épisode d’extinction qui aurait suivi aurait conduit à une importante diversification des espèces : isolées les unes des autres, les populations d’êtres vivants restantes auraient évolué de manière indépendante, menant à la création de diverses espèces, chacune adaptée à son propre milieu.

    Dans le cas de Cryptovaranoides microlanius, les premiers résultats semblent indiquer qu’il vivait très certainement dans les crevasses calcaires pour fuir les prédateurs. Ce mode de vie discret n’est pas sans rappeler les circonstances de sa redécouverte, à laquelle son nom scientifique Cryptovaranoides (varanidés cachés) fait référence.

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