Météorologie : le mystère des orages de neige

Il n'y a pas si longtemps, l'existence même du phénomène était remise en question. De nos jours, les scientifiques en apprennent chaque jour un peu plus sur cet étrange mélange de neige, de foudre et de tonnerre.

De Amy McKeever
Publication 9 janv. 2023, 18:48 CET
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Un voile blanc recouvre les jardins publics de Boston, dans le Massachusetts, alors qu'une tempête de neige fait rage à travers l'État. D'après les spécialistes, l'enneigement est généralement plus important lors d'un orage de neige, un phénomène météorologique qui allie la foudre et le tonnerre des orages à la neige des tempêtes de neige.

PHOTOGRAPHIE DE David Degner, The Washington Post, Getty Images

Il y a plus de vingt ans, lorsque Patrick Market a commencé à s'intéresser aux orages de neige, il a rencontré deux types d'interlocuteurs très différents.

« Les premiers disaient : "Merci pour ce que vous faites, je savais bien que j'en avais déjà vu, mais personne ne me croyait" » se souvient l'actuel directeur de la School of Natural Resources de l'université du Missouri. « Puis il y avait l'autre type : "Les orages de neige, ça n'existe pas. Il n'y a pas d'orage dans les tempêtes hivernales et vous gaspillez notre argent" ».

Seulement voilà, comme lui et d'autres scientifiques l'ont démontré, les orages de neige, l'apparition de foudre et de tonnerre durant une tempête de neige, constituent un phénomène météorologique bien réel avec de sérieuses conséquences.

Si vous êtes témoin de ce phénomène, « alors les chutes de neige s'apprêtent à dépasser les quinze centimètres dans les environs, » assure Market. D'après l'une de ses études publiées en 2006, 86 % des orages de neige sont associés à des tempêtes déversant plus de 15 cm de neige en 24 heures, bien plus qu'il n'en faut pour mettre à mal nos axes routiers et nos foyers.

Bien que l'orage et la foudre soient un bon indicateur de chutes de neige majeures, les chercheurs ont récemment constaté que la réciproque était fausse et ils s'efforcent encore de comprendre pourquoi.

Avant ces vingt dernières années, les chercheurs n'étaient même pas en mesure d'identifier de façon fiable les orages de neige, et encore moins d'étudier leurs mécanismes. Grâce aux nouvelles technologies de suivi météorologique depuis l'espace, nous en apprenons chaque jour un peu plus sur les orages de neige. Leur étude aura un impact considérable sur la sécurité publique, que ce soit pour la mise en place de systèmes d'alerte, la modification des consignes de vol ou la planification des lancements de fusées.

 

D'OÙ VIENNENT LES ORAGES DE NEIGE ?

D'après les scientifiques, les orages de neige apparaîtraient dans les mêmes conditions que les orages estivaux : une turbulence atmosphérique génère de l'humidité et la remontée de l'air relativement chaud à la surface de la Terre, celui-ci se condense pour former des nuages chargés en eau liquide surfondue, en cristaux de glace et en neige roulée. Lorsque ce mélange entre en collision au sein du nuage, il peut créer une charge électrique qui produit de la foudre et du tonnerre.

Cela dit, nous ne savons toujours pas précisément comment se déroule ce processus en hiver, précise Sebastian Harkema, candidat au doctorat de l'université de l'Alabama à Huntsville.

Pendant une tempête hivernale, l'air « chaud » près du sol reste assez froid, voire glacial. Lorsque cet air s'élève dans l'atmosphère encore plus froide, il produit moins d'eau surfondue, un ingrédient considéré comme important pour la formation des orages estivaux.

« J'essaie de comprendre à quel point cette eau surfondue est importante dans un scénario hivernal, » explique-t-il. Les premiers résultats de l'étude menée par Harkema et financée par le programme Future Investigators in NASA Earth and Space and Technology de la NASA suggèrent que l'eau surfondue et la neige roulée ne joueraient pas un rôle aussi important qu'en été dans la formation de foudre hivernale, reste à savoir pourquoi.

 

UN PHÉNOMÈNE RARE ?

Si les orages de neige représentent un tel défi pour les chercheurs, c'est en partie à cause de leur rareté. Dans les décennies qui ont précédé les travaux de Market, nos connaissances sur les orages de neige provenaient quasi exclusivement des témoignages occasionnels de personnes ayant vu de la foudre ou entendu du tonnerre pendant une tempête de neige.

Cependant, ces marqueurs ont tendance à être masqués pendant une tempête de neige. Alors qu'en été le tonnerre se fait entendre à bonne distance, la neige excelle dans l'art d'absorber les ondes sonores et le tonnerre devient donc inaudible au-delà de quelques kilomètres. Qui plus est, comme le souligne Market, le bruit étouffé peut facilement être confondu avec un chasse-neige. Il est également plus difficile de distinguer un éclair sur le fond blanc éclatant d'un ciel de tempête de neige.

Malgré tout, les signalements d'orage de neige ont augmenté depuis le début des travaux de Market. « En hiver, on recense environ une vidéo toutes les deux semaines sur Instagram, » dit-il. « La question est de savoir si c'est le phénomène qui est devenu plus fréquent ou simplement les observations. »

Les deux réponses pourraient être vraies. L'étude menée par Harkema montre que les grandes tours de radio qui conduisent l'électricité pourraient générer un plus grand nombre d'orages de neige en milieu urbain. Par ailleurs, avec l'omniprésence des technologies, notamment l'apparition de caméras sur les portes d'entrée, il est aujourd'hui plus facile de capturer les images d'une tempête sans quitter le confort de sa maison.

Plus efficace encore, les scientifiques sont aujourd'hui en mesure de déceler des orages de neige sans entendre le moindre son. Non seulement nos capteurs de détection de la foudre se sont améliorés au fil des années, mais l'imagerie satellite nous permet désormais de voir où frappe la foudre depuis l'espace.

 

OÙ SE PRODUISENT-ILS ?

Ces nouvelles technologies aident les scientifiques à localiser les orages de neige avec précision à tout moment. Le Geostationary Lightning Mapper (GLM) est un dispositif de cartographie embarqué sur le satellite géostationnaire GOES-16 qui permet de détecter les impacts de foudre à travers un hémisphère tout entier. Lorsque ces impacts coïncident avec des chutes de neige, nous sommes face à un orage de neige, résume Harkema.

Il ajoute que les orages de neige sont particulièrement fréquents le long de la chaîne du Front Range dans le Colorado, sur la partie nord des Grandes plaines et dans la région des Grands Lacs où les éoliennes génèrent beaucoup d'électricité. Cela dit, les orages de neige peuvent se produire partout, même à Huntsville en Alabama où le climat est plutôt doux. « S'il neige, la probabilité d'un orage de neige est importante. »

Outre la localisation des orages de neige, le GLM offre aux chercheurs un aperçu de ce à quoi ressemblent ces impacts de foudre depuis 35 000 km d'altitude. Même si ces impacts semblent moins nombreux pendant un orage de neige que lors des orages traditionnels, un nombre croissant de preuves pousse Harkema à croire que la foudre des orages de neige serait plus étendue que celle de leurs homologues estivaux, ce qui accentuerait le danger pour les personnes au sol.

Les travaux tels que ceux menés par Harkema sont essentiels si l'on souhaite un jour anticiper la localisation des orages de neige, ce qui permettra d'améliorer les systèmes d'alerte en matière de chutes de neige dangereuses et incitera la population à chercher un abri en mesure de la protéger contre les impacts plus étendus. Les répercussions de ces études vont encore plus loin : leurs résultats pourraient être appliqués aux orages tout au long de l'année, en renforçant à l'avenir la sécurité dans l'aviation et le lancement des fusées.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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