Additifs alimentaires en "E" : ce qui se cache derrière une liste d'ingrédients

Les additifs sont présents par centaines dans notre alimentation. Comment savoir lesquels représentent un danger pour la santé ?

De Amandine Venot
Publication 22 nov. 2024, 16:02 CET
Les produits laitiers sont parmi les aliments contenant le plus d'additifs alimentaires. Plus le produit est ...

Les produits laitiers sont parmi les aliments contenant le plus d'additifs alimentaires. Plus le produit est transformé, plus il en contient. 

PHOTOGRAPHIE DE Jozef Polc / Alamy Stock Photo

Aujourd’hui, les additifs alimentaires sont largement utilisés dans la production industrielle. Les entreprises y ont recours pour maintenir ou améliorer la qualité des aliments, leur fraîcheur, leur goût, leur texture ou encore leur apparence. Produits à partir d’ingrédients naturels ou chimiques, les additifs, ingérés quotidiennement par des milliards de consommateurs, peuvent être la cause de nombreuses maladies. Alors comment savoir lesquelles de ces substances sont dangereuses ? 

Au sein de l’Union Européenne, il existe un système de protection indépendant, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Elle a été mandatée depuis 2009 par la Commission européenne et les pays membres pour organiser un contrôle de ces substances. Une fois identifiées comme étant sans danger, elles sont introduites dans la liste approuvée par la Commission.

Aux yeux des consommateurs, l’autorisation de la Commission se traduit par une désignation commençant par la lettre E, suivie de trois chiffres. Cette autorisation leur permet de savoir que malgré la présence d’additifs dans le produit, « il ne causera pas de dommages sur le long terme », affirme Camilla Smeraldi, chef d’équipe des chercheurs à l’EFSA. 

 

LE PROCESSUS DE VALIDATION DE L’EFSA

Ne pas porter atteinte à la santé des consommateurs sur le long terme est le premier critère pour les scientifiques. « Cela nécessite beaucoup de données qui doivent être fournies par l’entreprise qui souhaite utiliser l’additif en question », explique Camilla Smeraldi. « Le but est de savoir à partir de quels matériaux sont faits ces additifs, le processus chimique ou biologique utilisé, ainsi que la présence de possibles impuretés contenues dans l’additif une fois celui-ci préparé ». 

Lorsque ces données sont rassemblées, les chercheurs essaient de comprendre comment la substance réagit une fois ingérée. Est-elle digérée, décomposée ou encore absorbée ?

Si l’additif examiné n’a pas encore soulevé d’incertitudes, d’autres tests de toxicité sont conduits. « Lorsque la substance ne voyage pas dans le corps, nous observons les effets localement. Dans le cas contraire, lorsqu’elle a un potentiel d’absorption dans le sang, nous devons faire d’autres tests pour nous assurer que rien n’arrive après une exposition longue et prolongée », commente Camilla Smeraldi. 

Pour conduire ces examens, les chercheurs imaginent le scénario du pire. « Envisager les pires cas possibles nous permet de déceler les additifs qui n’ont d’effets que s'ils sont ingérés à très forte dose », éclaircit la scientifique. On peut imaginer par exemple un consommateur qui n’aurait pas d’alimentation variée, et qui ingèrerait tous les jours le même additif. Un autre scénario serait celui d’une personne âgée ou encore d’un très jeune enfant, plus vulnérables à ces substances.

En principe, l’EFSA adopte une méthode prudente. Ce n’est que si tous les résultats des tests sont négatifs qu’elle donne le feu vert à la Commission pour lancer l’utilisation commerciale de la substance. 

 

LES ADDITIFS CONTROVERSÉS

Avant 2009, certains additifs alimentaires étaient déjà utilisés. Pourtant, « au moment de la création de la liste de l’Union européenne, toutes ces substances y ont été intégrées d’office, sans avoir fait l’objet au préalable des tests menés par l’EFSA », révèle Camilla Smeraldi. On estime qu'environ 320 additifs sont ainsi passés entre les mailles du filet. 

L’organisation a été chargée de les réévaluer au plus vite, non sans difficultés. « Nous étions supposés finir la réévaluation à la fin de l’année 2020, mais nous sommes en retard. À ce jour, nous n’avons atteint que 80 % du programme », souligne la scientifique. Ce programme de réévaluation est en effet bien plus conséquent que prévu. Dans certains cas, la quantité de données est tellement imposante qu’il est difficile pour les scientifiques d’y voir clair. À l’époque, « les données ne présentaient aucun enjeu pour le consommateur, mais entre-temps, les standards de sécurité ont évolué », explique-t-elle. 

Dans d’autres cas, c’est le contraire : il n’y a pas assez de données. Il est alors nécessaire pour les entreprises souhaitant les utiliser, de refaire tous les examens pour les compléter. Il est souvent arrivé que ces dernières « ne fournissent pas les résultats attendus. En conséquence, l’additif a tout simplement été retiré de la liste d'additifs autorisés », commente la chercheuse. 

Cela a été le cas pour le stearyl tartrate (E 483), un additif parfois utilisé dans les produits laitiers fermentés aromatisés, certains desserts, le pain et les produits de boulangerie fine. En 2020, il a été retiré de la liste de l’Union européenne en raison du manque de données sur les effets à long terme.

En 2007, le colorant alimentaire RED 2G (E 128), utilisé dans certaines saucisses, viandes à burger et confiseries, a été interdit sur le territoire européen lorsque de nouvelles preuves scientifiques ont démontré sa toxicité. Il était métabolisé en aniline, un produit potentiellement cancérigène. 

Les agents anti-agglomérants E556 (calcium aluminium silicate), E 558 (bentonite) et E 559 (aluminium silicate) ont aussi été retirés du marché en raison de leur teneur en aluminium, toxique à long terme. Ils étaient utilisés pour empêcher la formation de grumeaux dans les produits en poudre (sels, épices, et mélanges d’assaisonnements), dans le vin et les jus de fruits, les fromages fondus et même dans certaines préparations médicales en vente libre.

Plus récemment, en 2021, le dioxyde de titane, utilisé largement dans les cosmétiques et dans l’alimentation sous le nom de E 171 s’est révélé extrêmement dangereux pour la santé. Il peut engendrer une inflammation pulmonaire qui, dans certains cas, peut favoriser le développement de cancers. Certains secteurs comme ceux de la chimie, du bâtiment, de l’automobile, de la formulation des encres, peintures et vernis, de la pharmacie ou de l’alimentaire étaient les plus touchés. 

 

DES ADDITIFS D'ORIGINE NATURELLE

Poussées par les politiques actuelles des États membres, les scientifiques de l’EFSA remarquent une tendance à l’inclusion de nouveaux additifs d'origine naturelle. « Des pigments sont extraits de fruits exotiques ou d’algues, certains nouveaux additifs viennent du riz, ou encore du café », illustre Camilla Smeraldi. La tendance est d’autant plus encouragée par l’apparition de petites entreprises spécialisées dans la production d’additifs d'origine naturelle. 

Près de 400 substances sont aujourd’hui sur le marché. Cependant, « il est difficile de faire disparaître celles qui sont synthétisées à partir de rien », affirme Camilla Smeraldi. De plus, définir si un additif est 100 % sans danger est une tâche compliquée. « Ce n’est jamais noir ou blanc, il y a toujours des incertitudes, des absences de données. La science aussi évolue, de nouvelles données sont identifiées. Rien n’est immuable ». 

Nonobstant, l’EFSA tente de rester aussi transparente que possible. L’organisation a pris l’initiative de créer la campagne safe2eat, une manière d’informer les consommateurs sur ce qu’ils ingèrent quotidiennement. Aussi, l’EFSA publie systématiquement les nouvelles recherches et les nouvelles décisions relatives aux additifs alimentaires. 

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