Des menstruations à la ménopause : les scientifiques se penchent enfin sur la santé des femmes

Les problèmes de santé des femmes sont moins considérés et moins étudiés que ceux des hommes. Mais les chercheuses et chercheurs commencent à combler ces lacunes.

De Amy McKeever
Publication 19 mars 2024, 14:34 CET
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La recherche médicale a toujours négligé la santé des femmes, et en particulier celle des femmes de couleur. Heureusement, de récentes découvertes biologiques ont enfin donné lieu à de meilleurs diagnostics et traitements pour des problèmes de santé aussi divers que le TDAH ou les principales causes de la mortalité maternelle.

PHOTOGRAPHIE DE Stígur Már Karlsson, Heimsmyndir, Getty Images

Aller chez le médecin peut s’avérer frustrant pour les femmes, et en particulier pour les femmes de couleur.

En effet, la médecine a tendance à sous-diagnostiquer des maladies comme l’endométriose, la schizophrénie ou encore le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) chez les femmes. Aux États-Unis, les femmes afro-américaines sont presque trois fois plus susceptibles de mourir de complications de grossesse que les femmes blanches ou hispaniques. Dans la même veine, les scientifiques ne savent toujours pas pourquoi tant de femmes éprouvent des difficultés à allaiter

Tout cela n’a rien de nouveau. Nous savons depuis longtemps que les problèmes de santé des femmes tendent à être moins considérés et moins étudiés. Mais bonne nouvelle, les scientifiques ont commencé à rattraper leur retard. Leurs recherches apportent de nouvelles informations biologiques, qui donnent lieu à de meilleurs diagnostics et permettent de mieux cibler les traitements, que ce soit en matière de menstruations ou encore de ménopause.

Voici un court bilan de certaines des évolutions auxquelles nous avons assisté ces dernières années.

 

1. LES SYMPTÔMES DU TDAH DIFFÈRENT ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES 

Les scientifiques ont longtemps considéré le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) comme un « trouble presque exclusivement masculin », écrivait Kaelyn Lynch dans un article de janvier 2024 sur la hausse sans précédent des cas de TDAH chez les femmes, qui, notait-elle, a presque doublé entre 2020 et 2022. 

Comment expliquer cette soudaine hausse ? Selon les experts, elle serait en partie liée à la manifestation particulière du TDAH chez les femmes et les filles. Si le TDAH est généralement associé à de l’hyperactivité, il existe également un type inattentif de TDAH, qui, comme l’a écrit Kaelyn, « se caractérise par de la désorganisation, des trous de mémoire et des difficultés à entreprendre une tâche et à la terminer. »

Les femmes adultes comme les jeunes filles tendent à souffrir d’un TDAH de type inattentif, dont les symptômes (si tant est qu’on les remarque) sont plus susceptibles d’être pris pour des difficultés émotionnelles ou d’apprentissage. « On aura tendance à dire de ces femmes qu’elles rêvassent ou qu’elles sont dans la lune [au lieu de leur poser un diagnostic] », avait expliqué Julia Schechter, codirectrice du Centre pour les femmes et les filles atteintes de TDAH de l’université de Duke. « Leurs symptômes sont tout aussi handicapants, mais peuvent passer inaperçus. » Une situation qui peut être lourde de conséquences, selon Kaelyn.

 

2. LE CYCLE MENSTRUEL PEUT REMODELER LE CERVEAU 

Les femmes ne sont concernées que par 0,5 % des recherches en imagerie cérébrale, ce qui pose un réel problème, écrivait Sanjay Mishra en février 2024. Cette disparité dans la recherche explique pourquoi nous commençons à peine à comprendre comment les menstruations remodèlent le cerveau.

Vous avez bien lu. Les menstruations remodèlent le cerveau. Comme l’a expliqué Sanjay, de nouvelles études montrent que les règles « remodèlent de façon spectaculaire les régions du cerveau qui régissent les émotions, la mémoire, le comportement et l’efficacité du transfert d’informations ».

Il convient de souligner que ces études ne prouvent pas que ces changements sont liés aux montagnes russes émotionnelles dont peuvent souffrir certaines femmes pendant leurs règles. En attendant, selon les experts, cette découverte met en évidence l’urgence qu’il y a à mener davantage de recherches neuroscientifiques sur les femmes, qui, rappelons-le, sont plus sujettes que les hommes à la maladie d’Alzheimer et à la dépression.

« Il est grand de temps de faire du cerveau des femmes un sujet d’étude central », soutient Julia Sacher, psychiatre et neuroscientifique à l’Institut Max Planck de neurologie et des sciences cognitives de Leipzig, en Allemagne, qui a dirigé l’une des études.

 

3. L’HYPERÉMÈSE GRAVIDIQUE EST BIEN PLUS GRAVE QUE DE SIMPLES NAUSÉES

La plupart des femmes souffrent de nausées pendant leur grossesse. La belle affaire, dira-t-on. Malheureusement, cette façon de penser empêche certaines personnes de suivre un traitement pour une pathologie grave appelée hyperémèse gravidique (HG). Comme l’a écrit Sam Jones dans un article de janvier 2024, cette pathologie touche environ 2 % des femmes enceintes et se caractérise par « de sévères nausées et vomissements persistants pouvant entraîner la mort ».

Des médecins et des chercheurs ont raconté à Sam qu’en dépit de la gravité des symptômes, certains de leurs confrères considéraient l’HG comme de « l’hystérie ». Rien d’étonnant donc à ce que la recherche de traitements de l’HG soit sous-financée. 

Heureusement la recherche progresse, bien que lentement. Ces dernières années, des études ont permis de mettre en évidence une hormone spécifique liée à l’HG mais aussi de comprendre exactement comment cette hormone provoquait la maladie. Ces découvertes pourraient déboucher sur de nouveaux traitements (à condition que les médecins sachent les prescrire). 

 

4. DES INNOVATIONS MÉDICALES SAUVENT DES FEMMES ENCEINTES DE LA PRÉ-ÉCLAMPSIE, DE L'ANÉMIE ET DU SEPSIS

Selon l’Unicef, près de 800 femmes meurent chaque jour dans le monde à cause de complications lors de leur grossesse et de leur accouchement. Même aux États-Unis, les taux de mortalité maternelle sont en hausse, en particulier chez les femmes afro-américaines. Mais il y a de l’espoir : des recherches de pointe nous donnent les solutions pour contrer les principales causes de mortalité maternelle, comme la pré-éclampsie, l’anémie et le sepsis.

Comme l’a expliqué Rachel Fairbank en juillet 2023, l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) a autorisé la commercialisation du premier test sanguin capable de prédire quelles patientes risquaient de développer une pré-éclampsie, une maladie caractérisée par une hypertension artérielle qui restreint le flux sanguin si drastiquement qu’elle peut entraîner une défaillance des organes et la mort. La pré-éclampsie est difficile à diagnostiquer, car elle ressemble à d'autres troubles fréquents liés à la grossesse, écrit Rachel. Ce nouveau test pourrait ainsi révolutionner le diagnostic de la pré-éclampsie.

Des chercheurs ont également trouvé une solution étonnamment simple à l’anémie, qui peut être responsable de saignements abondants pendant l’accouchement : l’administration de fer par voie intraveineuse. L’anémie est traditionnellement traitée par la prise orale de suppléments de fer, mais les chercheurs ont démontré qu’une perfusion de 15 minutes fournissait l’équivalent de quatre comprimés par jour pendant quatre semaines.

Enfin, des essais cliniques ont récemment démontré qu’administrer une seule dose d’azithromycine (un antibiotique généralement utilisé lors des césariennes afin de réduire les infections pouvant entraîner un sepsis) au cours d’un accouchement par voie basse pouvait aussi réduire d’un tiers le risque de sepsis post-partum.

 

5. LE SYNDROME DE L’ÉPAULE GELÉE AURAIT UN LIEN AVEC LA MÉNOPAUSE

Le syndrome de l’épaule gelée porte plutôt bien son nom : cette maladie, également appelée capsulite rétractile, se caractérise par une importante inflammation des tissus conjonctifs de l’épaule, qui empêche toute mobilisation de cette dernière. Cette maladie douloureuse, qui peut durer des années, est pourtant mal comprise ; peut-être parce que les trois quarts des malades sont des femmes, écrivait Erin Blakemore dans un article de novembre 2023.

La ménopause semble être un facteur de cette maladie. Comme l’a rapporté Erin, des chercheurs tentent actuellement de déterminer si les douleurs articulaires dont souffrent environ 50 % des femmes pendant la ménopause pourraient être liées à la baisse du taux d’œstrogènes dans leur organisme. Une étude récente suggère que les personnes suivant une thérapie hormonale pour augmenter leur taux d’œstrogènes seraient moins susceptibles de souffrir du syndrome de l’épaule gelée.

Les recherches sur le sujet n’en sont qu’à leurs débuts, prévient Erin. Mais « ce premier pas dans un domaine assez peu étudié est source d’espoir pour les femmes qui se préparent à la ménopause ou qui en subissent actuellement les effets. »

 

6. NOUS AURONS BIENTÔT UN REMÈDE AUX BOUFFÉES DE CHALEUR

Autre point intéressant : les chercheurs ont enfin compris comment la chute des niveaux d’œstrogènes pendant la ménopause provoquait des bouffées de chaleur, rapportait Meryl Davids Landau dans un article paru en décembre 2022.

Jusqu’à 80 % des femmes présentent ce symptôme débilitant, écrit-elle, qui est « souvent accompagné d’une sudation, de palpitations, de vertiges, de fatigue et/ou d’un état anxieux ». Les bouffées de chaleur, particulièrement intenses chez les femmes afro-américaines et amérindiennes, surviennent plusieurs fois par jour et peuvent durer en moyenne quatre ans.

Les recherches, de plus en plus nombreuses, ont montré que la chute des œstrogènes affectait un groupe particulier de neurones (dans l’hypothalamus du cerveau) qui régule la température du corps, et les poussait à s’activer de manière inopportune. Des entreprises testent actuellement des médicaments pour bloquer ces neurones et mettre fin aux bouffées de chaleur une fois pour toutes.

Genevieve Neal-Perry, présidente du département d’obstétrique et de gynécologie de la faculté de médecine de l’université de Caroline du Nord, a déclaré à Meryl que la mise au point d’un tel médicament était attendue depuis longtemps : étant donné que presque toutes les femmes dans leur quarantaine souffrent de bouffées de chaleur, « il est assez stupéfiant de constater qu’il a fallu attendre la dernière décennie pour enfin comprendre la biologie des bouffées de chaleur ».

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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