Calvitie : pourquoi perd-on ses cheveux ?
Lorsque les humains voient leurs cheveux tomber, c’est en général à cause de l’alopécie androgénétique, une calvitie qui, chez les hommes en particulier, est principalement génétique. Nous en savons en revanche bien moins sur la calvitie chez les femmes.
Chez les hommes, la calvitie survient lorsque les cheveux se trouvant au sommet du cuir chevelu réagissent aux androgènes (les hormones sexuelles masculines). Chez les femmes, la calvitie est en revanche bien moins comprise. On ne sait pas quel lien peut exister, s’il en existe un, avec les androgènes, ni si quelque chose d’autre entre en jeu.
On ne meurt pas de perdre ses cheveux. En revanche, cela peut être un tournant dans l’existence. Pour beaucoup de personnes, perdre ses cheveux, c’est se perdre.
« Les gens traversent une phase de deuil », explique Angela Christiano de l’Université Cornell. « On fait le deuil de son apparence […] et nombreux sont ceux qui font le deuil de leur identité. »
La chute des cheveux est un phénomène tout ce qu’il y a de plus courant. Selon l’Association américaine de la calvitie, deux tiers des hommes américains verront leurs cheveux se clairsemer ou chuter de manière claire avant l’âge de 35 ans. À 50 ans, cette statistique monte à 85 %. Et bien que l’on en parle moins, nombreuses sont les femmes qui, elles aussi, perdent leurs cheveux : 20 % environ des personnes victimes d’alopécie en France sont des femmes.
Malgré son universalité, la chute des cheveux n’est pas aussi bien comprise que l’on pourrait le penser ; en particulier en ce qui concerne les personnes qui ne sont pas des hommes, ces derniers ayant été les sujets de la majorité des recherches effectuées jusqu’à ce jour.
TESTOSTÉRONE ET PERTE DE CHEVEUX
Il y a des millénaires déjà existaient des indices que la perte de cheveux avait quelque chose à voir avec le développement sexuel masculin ; philosophes et médecins grecs de l’Antiquité remarquaient en effet déjà dans leurs écrits médicaux que les eunuques ne devenaient pas chauves.
Les scientifiques comprennent désormais que la calvitie, de loin la cause la plus fréquente de perte des cheveux chez les hommes, se produit à cause des androgènes, les hormones sexuelles masculines. La recherche doit malheureusement cette connaissance à une période cruelle de l’histoire américaine. En 1942, l’anatomiste James Hamilton étudia des personnes souffrant de troubles mentaux qu’on avait décidé de castrer sous l’influence du mouvement eugéniste. Le scientifique s’aperçut que les hommes castrés avant la puberté n’étaient jamais atteints de calvitie masculine, sauf s’ils suivaient un traitement à base de testostérone.
Les études de James Hamilton donnèrent également naissance à un système de classification de la calvitie masculine encore en usage de nos jours pour évaluer les degrés de l’alopécie androgénétique.
COMMENT FONCTIONNE L’ALOPÉCIE ANDROGÉNÉTIQUE
Les scientifiques pensent que l’alopécie androgénétique pourrait avoir un lien avec une hormone : la dihydrotestostérone ou DHT (chaque jour, le corps convertit 10 % environ de sa testostérone en cette forme plus puissante). Selon Andrew Messenger, dermatologue retraité de l’Université de Sheffield, les follicules capillaires hypersensibles du cuir chevelu réagissent à la DHT en rétrécissant et en passant moins de temps dans la phase de croissance du cycle du cheveu. Cela a pour effet de faire se clairsemer les cheveux et de provoquer leur chute.
De manière curieuse, les follicules présents à l’arrière et sur les côtés du cuir chevelu ont tendance à ne pas réagir à la DHT de cette manière. C’est ce qui donne lieu au « motif » caractéristique que l’on connaît : un dégarnissement et une chute des cheveux au niveau du sommet du cuir chevelu.
En outre, les androgènes ont l’effet inverse pratiquement partout excepté sur le cuir chevelu : chez les humains et d’autres animaux, les androgènes disent aux cheveux de s’épaissir, de foncer et de s’allonger. C’est pour cette raison que les hommes ont tendance à développer une pilosité corporelle et une barbe plus visibles après la puberté.
CHUTE DES CHEVEUX CHEZ LES FEMMES ET LES ENFANTS
Entre un tiers et la moitié des femmes verront leur crâne se dégarnir plus ou moins au cours de leur vie. La cause la plus commune est là aussi l’alopécie androgénétique.
Chez les deux sexes, la calvitie présente des aspects semblables. D’ailleurs on désigne par le même nom les calvities féminine et masculine : alopécie androgénétique. Cependant, on ne sait pas encore vraiment si les androgènes jouent un rôle dans la calvitie féminine et, si c’est le cas, comment ils agissent. Selon la généticienne Stefanie Heilmann-Heimbach, scientifique de l’Université de Bonn qui étudie les processus génétiques à l’œuvre dans la calvitie, les chercheurs en savent globalement moins sur la calvitie féminine.
« C’est un exemple typique de domaine dans lequel quasiment toutes les études cliniques entreprises l’ont été sur des hommes », déplore Angela Christiano. Et pour être plus exact encore, la recherche s’est focalisée sur des hommes blancs, un biais lié à la phrénologie, une pseudoscience.
À l’instar de la calvitie masculine, la calvitie féminine entraîne la chute de poils terminaux sur le cuir chevelu. Mais au lieu de voir leurs tempes et le sommet de leur crâne se dégarnir, les femmes ont tendance à perdre leurs cheveux de manière diffuse sur l’ensemble du cuir chevelu. Cette raréfaction a tendance à d’abord paraître au niveau de la raie des cheveux, puis à s’étendre vers l’extérieur.
Si les hommes sont autant que les femmes sujets à la calvitie l’âge venant, celle-ci a tendance à apparaître plus tard chez ces dernières (vers l’âge de 40 ans ou plus tard, tandis que les hommes remarquent que leurs cheveux se clairsèment dès la trentaine, voire avant). Mais les adolescents et les enfants peuvent eux aussi perdre leurs cheveux. L’alopécie areata (ou pelade), une maladie auto-immune qui attaque les follicules pileux du cuir chevelu, en est une des principales causes. Elle affecte une personne sur cinquante environ.
Parce que les enfants, les adolescents et les jeunes femmes ont tendance à ne pas perdre leurs cheveux aussi souvent que les hommes, cela peut s’avérer particulièrement traumatique pour elles et eux, selon Angela Christiano, qui a s’est mise à étudier la génétique de la perte de cheveux après avoir elle-même souffert d’alopécie areata.
CALVITIES HÉRÉDITAIRES
Selon Stefanie Heilmann-Heimbach, le facteur génétique joue pour beaucoup dans la calvitie masculine. « D’après les estimations d’études gémellologiques, elle serait héréditaire à 80 % au moins. »
L’on a pu entendre que la calvitie masculine est transmise par la mère. Mais c’est une simplification excessive, prévient Andrew Messenger.
D’après Stefanie Heilmann-Heimbach, bien qu’un gène important dans le processus de dégarnissement du cuir chevelu (le gène récepteur des androgènes) se trouve sur le chromosome X, plus de 350 points du génome y prennent part. Et pour la plupart, ils ne se trouvent pas sur les chromosomes sexuels.
La génétique de la calvitie féminine est plus opaque, de même que la relation, s’il en existe une, entre calvities féminine et masculine.
PEUT-ON RALENTIR LA CALVITIE ?
Les personnes préoccupées par le fait de perdre leurs cheveux ne sont pas sans recours. « Il existe un traitement médicamenteux, et un traitement chirurgical », rassure Christine Shaver, chirurgienne du Centre de greffe capillaire Bernstein, à New York.
De nos jours, deux méthodes existent en ce qui concerne la greffe de cheveux : la transplantation d’unités folliculaires (FUT) et l’extraction d’unités folliculaires (FUE). Les deux méthodes consistent à déplacer des follicules pileux depuis un site donneur, en général l’arrière de la tête, vers d’autres endroits du cuir chevelu ; des procédés qui fonctionnent rarement pour autre chose que pour la calvitie masculine.
Selon Christine Shaver, les médicaments peuvent être aussi s’avérer utiles pour les patients qui envisagent une greffe, car le fait d’avoir plus de cheveux facilite l’opération. Toutefois, si la plupart des médicaments contre la perte de cheveux empêchent la calvitie de progresser, ils ne font pas repousser les cheveux.
Il existe actuellement deux médicaments approuvés par l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA) pour combattre la calvitie masculine : le minoxidil, également connu sous le nom de Rogaine, et le finastéride, qui entrave la conversion de testostérone en DHT.
Le finastéride peut avoir des effets secondaires psychologique et sexuels graves et potentiellement durables. Le Royaume-Uni a d’ailleurs émis cette année un avertissement conseillant aux médecins de bien informer et surveiller les patients prenant ce médicament. Selon Christine Shaver, le finastéride peut fonctionner chez les femmes mais n’est pas approuvé par la FDA pour cet usage. Sa consommation comporte également des risques importants pour elles, elle présente notamment un risque élevé de déboucher sur un cancer du sein. « De nombreuses femmes ménopausées prennent du finastéride et y trouvent des bénéfices, tout en reconnaissant les risques », précise-t-elle.
Selon elle, la première étape lorsque l’on est demandeur d’un traitement devrait toujours être de chercher à obtenir un diagnostic formel de la part d’un dermatologue. Bien que la calvitie masculine soit la cause la plus fréquente de dégarnissement du cuir chevelu, plusieurs raisons expliquent la chute des cheveux ; la plupart des causes ne peuvent être contrées efficacement avec la FUT ou la FUE. Christine Shaver préconise également aux personnes qui souhaiteraient subir une intervention chirurgicale de bien faire attention à choisir un praticien expérimenté et responsable.
« Je vois beaucoup de personnes arriver dans mon cabinet et penser que leur calvitie est génétique et qu’elles vont faire une greffe capillaire », prévient-elle. Mais après le diagnostic, « je dois malheureusement leur annoncer que la greffe capillaire n’est pas la meilleure approche ».
Malgré tout, toutes les personnes atteintes de calvitie ne décident pas d’y remédier. D’ailleurs, les assurances couvrent rarement ce risque. « Les sceptiques diront : ‘Mais comment pouvez-vous parler de maladie [en ce qui concerne la calvitie] ? En quoi ne s’agit-il pas simplement du schéma typique de miniaturisation capillaire qui apparaît avec l’âge ?’ », commente Angela Christiano. Quoiqu’il en soit, de nombreuses personnes font la paix avec leur calvitie, voire apprennent à aimer leur nouvelle apparence.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.