Cancer du sein : quand et quels examens passer quand on a des seins denses ?

L'enjeu est important, car une forte densité mammaire importante représente un risque jusqu'à six fois plus élevé de développer un cancer du sein.

De Meryl Davids Landau
Publication 7 juin 2024, 16:23 CEST

En plus des mammographies, des techniques d'imagerie comme l'IRM, visible ici, et les ultrasons peuvent s'avérer bénéfiques pour les patientes possédant des tissus mammaires denses.

Environ la moitié des femmes de plus de quarante ans ont ce que l'on appelle des seins denses, ce qui rend les mammographies de dépistage moins efficaces pour détecter d'éventuels cancers du sein. En avril dernier, la United States Preventive Services Task Force (USPSTF), le groupe chargé de formuler des recommandations en matière de santé publique aux Etats-Unis, a déclaré que les preuves actuelles étaient insuffisantes pour déterminer si ces femmes pourraient bénéficier d'un dépistage supplémentaire par échographie mammaire ou imagerie par résonance magnétique (IRM).

La raison ? Trop peu d'essais cliniques randomisés sur plusieurs années ont été réalisés pour montrer que ces dépistages supplémentaires sauvaient des vies, selon l'examen des données effectué par l'USPSTF. Le groupe avait fait une constatation similaire dans sa précédente recommandation en 2016.

Le comité d'évaluation « n'a pas pu trouver d'étude montrant clairement si une IRM ou échographie supplémentaire réduisait nettement les risques de progression d'un cancer », déclare John Wong, professeur de médecine à la Tufts Université Medical School et vice-président de l'USPSTF. Monsieur Wong a participé à l'élaboration des nouvelles recommandations sur le cancer du sein, lesquelles ont également abaissé de cinquante à quarante l'âge auquel la plupart des femmes devraient commencer à passer des mammographies de dépistage tous les deux ans.

Les seins denses contiennent de plus hauts niveaux de tissu glandulaire et fibreux en plus de la graisse qui donne à la poitrine sa taille et sa forme. L'enjeu d'un dépistage supplémentaire est important, car une densité mammaire importante représente un risque jusqu'à six fois plus élevé de développer un cancer du sein.

Lorsque l'on effectue une mammographie sur du tissu mammaire dense, « il y a plus d'interférences », explique Kelsey Hampton, directrice de l'éducation à Susan G. Komen, fondation à but non lucratif basée à Dallas et spécialisée dans la recherche et la défense des droits des personnes atteintes d'un cancer du sein. « C'est comme essayer de regarder à travers un verre rempli d'eau claire par rapport à un verre rempli d'eau avec des glaçons à l'intérieur. On peut voir des choses, mais c'est plus compliqué de voir avec le même niveau de détails ». De même, ajoute-t-elle, les mammographies sont importantes pour ces femmes.

De nombreux gynécologues prescrivent systématiquement une échographie ou une IRM supplémentaire en plus de la mammographie chez les femmes ayant un diagnostic de poitrine dense. Le nouveau classement « preuves insuffisantes » ou « I » de l'USPSTF ne signifie pas qu'aucune femme ne bénéficiera d'un dépistage supplémentaire.

« Nous demandons d'urgence des recherches supplémentaires pour savoir si et comment un dépistage supplémentaire pourrait aider les femmes ayant des seins denses à détecter les cancers plus tôt », indique la déclaration de recommandation finale.

Mais cette évaluation risque de semer la confusion dans l'esprit des médecins, qui ne sauront plus s'ils doivent continuer à prescrire ce test supplémentaire, explique Wendie Berg, professeure de radiologie à l'université de Pittsburgh, qui n'est pas d'accord avec la position de l'USPSTF. Berg qualifie de « stupéfiante » le classement I attribuée par l'USPSTF, car elle estime que les données actuelles sont suffisantes pour recommander ces dépistages.

 

LES MÉTHODES DE DÉPISTAGE SONT SOUS-FINANCÉES

Les premières études concernant les compléments aux mammographies remontent à plus de vingt ans. Entretemps cependant, trop peu de recherches ont été menées pour convaincre l'USPSTF de l'utilité d'un dépistage supplémentaire.

Et pourtant, comparé à bien d'autres conditions médicales, le cancer du sein est un domaine de recherche bien financé. La maladie a reçu bien plus de financements au niveau mondial que n'importe quel autre type de cancer entre 2015 et 2020, environ 2.7 milliards de dollars (environ 2.5 milliards d'euros) d'après une étude du Lancet. Chaque année, l'Institut national du cancer américain consacre plus d'un demi-milliard de dollars à la recherche sur le cancer du sein. Ce montant est complété par le financement d'organisations à but non lucratif comme Komen, qui a soutenu plus de 550 essais cliniques pour un coût de plus d'un milliard de dollars depuis 1982, selon l'organisation.

Selon l'étude du Lancet, la recherche sur le dépistage ne reçoit pas la majeure partie de ces fonds. La grande majorité a été investie dans l'étude de la biologie du cancer, suivie du traitement médicamenteux, de l'immunothérapie et de la chirurgie.

Pour ce faire, l'USPSTF a évalué une poignée d'essais de dépistage aléatoires qui ont suivi l'impact des dépistages supplémentaires.

Dans l'un de ces essais, par exemple, des chercheurs japonais ont étudié une cohorte de 70 000 femmes présentant tous les niveaux de densité mammaire et ont réparti au hasard la moitié d'entre elles dans un groupe ayant bénéficié d'une échographie de dépistage et d'une mammographie ou dans un groupe ayant seulement bénéficié d'une mammographie. Dans les mois qui ont suivi une série de dépistages, ils n'ont pas constaté de différences dans ce que l'on appelle les cancers d'intervalle. Cette étude est en cours, et des séries supplémentaires de dépistages pourraient aboutir à de nouveaux résultats.

Des chercheurs néerlandais sont également en train de mener une étude pluriannuelle. À ce jour, ils ont publié les résultats de deux séries de dépistages par IRM qui ont inclus près de 3 500 femmes aux seins extrêmement denses dont les mammographies s'étaient révélées négatives. Dans la seconde série, six cancers de plus ont été détectés pour chaque millier de femmes. Mais le test a également révélé vingt-six cas de suspicion de cancers, qui se sont avérés négatifs. Ces fausses alertes exigent des procédures supplémentaires non nécessaires doublées d'une anxiété accrue. Ce taux est inférieur à celui des fausses alertes du premier tour, qui s'élevait à quatre-vingt.

L'augmentation des taux de détection n'indique pas en soi les avantages de ces techniques, précise Wong. Par exemple, si les cancers qui sont signalés par du dépistage supplémentaire se développent lentement, ils pourraient être traités aussi efficacement s'ils avaient été détectés lors de la mammographie suivante.

« Lorsque l'on regarde plus attentivement, on voit plus de choses », explique Wong. « Mais y a-t-il un bénéfice définitif, où les patientes peuvent clairement vivre plus longtemps grâce à ce dépistage supplémentaire positif ? Nous n'en sommes pas là. »

 

CERTAINES ÉTUDES SONT EXCLUES

Tout le monde n'est pas d'accord sur le fait que les preuves ne sont pas concluantes. La Société européenne d'imagerie mammaire préconise un dépistage complémentaire par IRM tous les deux à quatre ans pour les femmes ayant des seins extrêmement denses. L'American College of Radiology recommande aux femmes présentant un risque de cancer du sein supérieur à la moyenne de se soumettre à un dépistage annuel par mammographie et IRM complémentaire.

L'USPSTF a par ailleurs exclu de son évaluation certaines études parce qu'elles ne représentaient pas des essais contrôlés aléatoires. L'une des études exclues porte sur plus d'un millier de femmes aux seins denses qui ont subi deux mammographies annuelles complétées par une IRM. Dans cette étude, l'IRM a permis de détecter quatre cancers de plus, dont certains étaient invasifs. D'autres études ont montré que les échographies de dépistage permettaient de détecter en moyenne deux à trois cancers supplémentaires sur mille, dont beaucoup sont invasifs.

Berg est convaincue que toutes les recherches sont favorables au dépistage complémentaire et a créé un site web pour informer les patients et les médecins.

Certaines femmes recevront des fausses alertes exigeant des procédés supplémentaires non nécessaires, admet-elle. Mais dans une revue publiée en 2019, elle affirme qu'une formation minutieuse des techniciens ainsi que l'utilisation accrue de l'intelligence artificielle pour compléter les lectures des radiologues peuvent minimiser ce taux.

En attendant, les femmes devraient consulter leur médecin pour connaître leur niveau de densité mammaire et leur risque global de cancer du sein, indique Hampton. La densité peut évoluer avec le temps, notamment avec l'âge, les variations de poids, la grossesse, l'allaitement ou le traitement hormonal de la ménopause.

Les personnes qui ont des seins denses devraient demander à leur médecin de leur prescrire un examen supplémentaire en plus de la mammographie, explique Berg. L'IRM est plus efficace que l'échographie, mais la technologie n'est pas aussi largement disponible et l'avancement des frais pour les patientes peut être plus élevé. Dans l'étude néerlandaise, l'IRM a été proposée gratuitement, mais 40 % des femmes l'ont refusée, invoquant les inconvénients, la crainte de l'injection de l'aiguille pour insérer l'agent de contraste et la claustrophobie lorsqu'elles sont dans l'appareil.

Berg estime que le dépistage précoce du cancer du sein est si important que les femmes ayant des seins denses ne devraient pas être dissuadées par l'évaluation de l'USPSTF. « Une femme devrait avoir suffisamment d'informations pour faire son propre choix et demander à son médecin de lui prescrire le test si elle le souhaite », dit-elle. « C'est l'essentiel. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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