Rêve lucide : la communication inter-rêve est devenue une réalité scientifique

Communiquer avec une autre personne endormie par le rêve n’est plus une chimère futuriste.

De Amandine Venot
Publication 9 nov. 2024, 16:12 CET
The Lucid Dream

The Lucid Dream

PHOTOGRAPHIE DE REMspace

Cet exploit a été réalisé par l’entreprise REMspace le 24 septembre dernier dans le cadre d'une expérience basée sur les nouvelles technologies. 

Dans le cadre du rêve lucide, Michael Raduga, créateur de REMspace, a rendu possible cette communication inter-rêve. Le rêve lucide est ce temps de sommeil durant lequel nous rêvons tout en étant conscients de rêver. Il n’est possible que durant le sommeil paradoxal, la quatrième et dernière étape du sommeil, aussi appelé REM sleep pour Rapid Eye Movement, le mouvement rapide des yeux. 

Entrer dans un rêve lucide n’est pas la chose la plus simple à faire. Néanmoins, certaines personnes ont des prédispositions. « Les femmes, en particulier celles qui dorment aisément un minimum de huit à neuf heures d’affilée, peuvent induire un rêve lucide plus facilement », commente Michael Raduga. Toutefois, le rêve lucide est quelque chose de plus commun qu’on ne pourrait le penser, puisqu’environ la moitié de la population l’a déjà expérimenté au moins une fois dans sa vie

 

L'EXPÉRIMENTATION

Induire et détecter un rêve lucide

Plusieurs méthodes ont été utilisées pour déclencher un rêve lucide durant l’expérience. Maintenir un état de conscience en se concentrant sur quelque chose de précis pendant l’endormissement, en est une. D’autres requièrent de prendre conscience que nous rêvons, pendant le rêve. Pour ce faire, il suffisait d’y penser très fort, de le vouloir, avant de s’assoupir. Encore une autre manière serait d’induire un rêve lucide juste avant de se réveiller. Lorsque l’on émerge, pendant quelques minutes, il est en effet possible de conditionner notre cerveau pour retomber dans un état propice aux rêves lucides, entre l’éveil et le sommeil. 

Une fois induit, le rêve lucide doit être détecté par les moniteurs des chercheurs pour pouvoir démarrer les tests. « La meilleure façon pour cela est de demander au rêveur de bouger ses yeux conformément à des mouvements donnés, puisque les yeux sont les seuls organes qui ne sont pas paralysés lorsque l’on dort, notamment en cas de paralysie du sommeil », explique Michael Raduga. Une fois le mouvement détecté, le serveur sait que le rêveur est bien conscient de rêver. 

 

Détecter une communication

« Depuis les années 1970-1980, nous savons que lorsque des personnes dorment et que les muscles de leur visage tressautent, cela signifie qu’elles sont en train de parler, ou de crier dans leur sommeil », informe le scientifique.

Dans les laboratoires, ces tressautements sont visibles grâce à des capteurs disposés par dizaines sur le visage des rêveurs. Pour les reconnaitre, « nous leurs avons demandé de prononcer des phrases très simples comme I love you d’abord dans la réalité, puis dans un rêve lucide », explique Raduga. « Cela nous a permis de comparer les données et de comprendre que les mouvements du visage dans un rêve lucide, bien que plus faibles, sont exactement les mêmes que dans la réalité ». 

Lors de ces tests, « nous avons remarqué que certains sons sont plus faciles que d'autres à détecter par les capteurs, comme les sons [bu:], [le], [si] ». Une fois ce constat fait, « j’ai eu l’idée de reprendre six d’entre eux pour en faire un nouveau langage, le Remmyo ». Pour l’instant, il ne comporte que quelques mots basiques juste pour dire « je vais là-bas, je fais ceci », mais il est plus facilement détectable pour les serveurs.

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    PHOTOGRAPHIE DE REMspace

    Connecter les rêveurs entre eux

    En premier lieu, « nous devions connecter plus de rêveurs à nos serveurs au même moment : multiplier le nombre de rêveurs revenait à augmenter nos chances de réussite », commente le chercheur. Pour ce faire, « nous avons créé un dispositif capable de connecter à distance les rêveurs à nos serveurs ». De cette manière, l’équipe scientifique n’a plus eu à se soucier des frais de transports ou même de la disponibilité des sujets de l’expérience. Des facteurs qui rendaient la connexion simultanée plus compliquée. 

    Enfin, il ne leur restait plus qu’à développer de nouveaux logiciels pour connecter automatiquement les rêveurs entre eux. Et ils l’ont fait ! Ils ont rendu la communication inter-rêves possible, à l’image d’une chat room. 

    Michael Raduga raconte, « certains des sept rêveurs sont parvenus à déclencher un rêve lucide. Dès que nos serveurs l’ont détecté, nous avons envoyé à l’un d’entre eux, une phrase au hasard qu’il ne connaissait pas en avance, afin qu’il puisse l’entendre durant le rêve lucide puis le transmettre aux autres rêveurs, sans être biaisé. L’expérience a été un succès, les capteurs ont pu détecter la phrase répétée par le premier rêveur. Puis nos serveurs ont transféré le message à un second, puis à un troisième rêveur. Ces deux derniers ont su répéter la phrase en question à leur réveil ». 

    La prochaine étape sera « de travailler pour rendre cette communication instantanée », confirme le scientifique.

     

    LES EFFETS SECONDAIRES

    D’aucuns se demandent si ce type d’expériences a un impact sur la santé des rêveurs. Le chercheur prévient que « si quelqu’un pratique trop cet exercice mental, tout particulièrement si cela n’est pas quelque chose de naturel pour la personne, cela peut affecter la qualité de son sommeil ». Il explique néanmoins que ce type d’effets secondaire seraient rares, puisque « le rêve lucide ne dure qu’une poignée de minutes ». Certaines études démontrent même le contraire, « quand une personne expérimente le rêve lucide, elle se sentirait mieux ». 

    En revanche, d’autres complications sont apparues durant l’expérience, et risquent bien de poser un problème sur le long terme. Lorsqu’un rêveur entre dans un rêve lucide, tout ce qu’il voit, ou entend, est généré par son subconscient. « Tout est aussi réel que la réalité », affirme le scientifique. La différence est que dans la réalité, parce que toutes les perceptions sont basées sur des stimulations externes, elles sont stables. À l’inverse, dans un rêve lucide, parce que les perceptions sont soumises à chaque désir du subconscient du rêveur, elles sont beaucoup plus instables.

    « Durant l’expérience par exemple, parce que les rêveurs savaient qu’ils allaient entendre une phrase, ils leur arrivaient de la créer eux mêmes, avant que nous ayons eu le temps de leur envoyer quelque signal que ce soit », raconte le scientifique. « Pour le cerveau du rêveur, il n’y avait aucun moyen de savoir ce qui était réel et ce qui ne l’était pas, pendant le rêve ». En se réveillant, le rêveur a ainsi été capable de dire une phrase que personne ne lui avait envoyée. « À l'avenir, nous craignons que cet effet secondaire ne perturbe la communication entre les rêveurs », affirme le scientifique.

     

    LES QUESTIONS ÉTHIQUES 

    « Parce que la nature humaine est parfois mauvaise, nous avons anticipé que lorsque la technologie sera capable de contrôler les rêves, certaines personnes tenteront d’hacker le système », explique Michael Raduga. Imaginez que quelqu’un tente d’hacker votre rêve lucide, et qu’il vous fasse expérimenter de la peine, de la douleur, qui pour vous, paraitra réelle ». Cette technologie pourrait devenir une forme de torture.  

    L’équipe de recherche tente de se préparer à cette possibilité. Il nuance néanmoins, « nous sommes aujourd’hui la seule entreprise au monde à posséder cette technologie ». 

    Être capable d’expérimenter les rêves lucides va non seulement permettre aux personnes de communiquer entre elles, mais aussi avec des technologies. « Imaginez un monde où les problèmes de manque de sommeil comme la paralysie du sommeil disparaitraient. Un monde où contrôler des serveurs, ou des maisons domotiques, serait possible en rêvant. Un monde où chacun pourrait accomplir ce qu’il veut », illustre le chercheur. « Pour ce faire, il ne nous manque qu’une technologie qui nous permettrait d’expérimenter le rêve lucide simplement en appuyant sur un bouton. Cette technologie est mon objectif principal », conclut-il. 

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