Comment des oiseaux de l'ère des dinosaures ont-ils survécu à l'extinction massive ?
De nouveaux indices permettent de comprendre pourquoi de nombreux dinosaures-oiseaux ont survécu à l'astéroïde qui a frappé la Terre il y a 66 millions d'années.
Il y a 66 millions d'année, la Terre a été frappée par un astéroïde de plus de 14 kilomètres de diamètre. L'impact fut si fort, avec une force équivalent à 1 million de bombes atomiques, qu'elle a fait disparaître les trois quarts de la vie présente sur notre planète, notamment les dinosaures non aviaires. Mais certains membres de la famille des dinosaures ont survécu et ont fini par évoluer pour devenir les oiseaux que nous connaissons aujourd'hui.
Mais alors, pourquoi certains oiseaux ont survécu tandis que d'autres ont disparu au cours de cette extinction de masse qui s'est produite à la fin du Crétacé ?
Une étude publiée le 24 mai dans la revue Current Biology suggère que les forêts de la planète entière ont été réduites en cendres par l'impact, provoquant donc la disparition des oiseaux préhistoriques qui vivaient dans les arbres.
Les seuls oiseaux ayant survécu à cette catastrophe ne volaient pas. Il s'agissait notamment des ancêtres des canards, volailles et autruches. Daniel Field et son équipe de paléontologues de l'Université de Bath au Royaume-Uni estiment que, suite à ce cataclysme, les survivants ont rapidement évolué et sont devenus les oiseaux que nous connaissons aujourd'hui.
« Il s'agit d'une hypothèse particulièrement intrigante qui explique à la fois l'extinction et la survie », a déclaré Julia Clarke, spécialiste de l'évolution aviaire à l'Université du Texas à Austin.
« Ce n'est que maintenant que nous découvrons l'influence importante de l'extinction de masse de la fin du Crétacé sur l'histoire évolutive de nombreux groupes d'oiseaux, de mammifères et de plantes à fleurs », a indiqué Daniel Field.
« 66 millions d'années après cette catastrophe mondiale, nous pouvons toujours percevoir les effets de cette dernière sur l'évolution de ces groupes d'animaux et de plantes ».
L'EXPLICATION REPOSE SUR LES FOUGÈRES
Afin de soutenir leur théorie, Daniel Field et ses collègues ont compilé des données de différentes sources, notamment de nouveaux arbres généalogiques des oiseaux modernes, des indices provenant de fossiles d'oiseaux récemment mis au jour et une analyse des spores et du pollen issu de la couche de roche qui s'est formée juste après l'impact de l'astéroïde.
« L'étude a pris forme petit à petit », a souligné Daniel Field.
C'est en étudiant comment l'écologie des oiseaux avait changé au cours de l'évolution que l'étude a débuté. En analysant les relations d'évolution entre plus de 10 000 espèces d'oiseaux modernes, les résultats ont révélé que les ancêtres de ces oiseaux ne volaient pas. Cela semble indiquer qu'ils ont tous été victimes d'une déforestation à l'échelle mondiale par le passé.
« Les analyses ont révélé que l'ancêtre commun le plus récent de tous les oiseaux modernes et de tous les oiseaux ayant survécu à la fin du Crétacé, étaient très certainement des oiseaux non volants », a expliqué Daniel Field.
Les chercheurs ont depuis longtemps déduit que l'impact de l'astéroïde avait provoqué des incendies sur toute la planète. Mais grâce à leur étude, les paléontologues soutiennent désormais l'argument selon lequel toutes les forêts de la Terre ont disparu à ce moment-là. Antoine Bercovici, paléobotaniste au Smithsonian National Museum of Natural History à Washington, a amassé des données sur des spores fossilisés et les densités polliniques présents dans les roches de nombreuses régions du monde comme la Nouvelle-Zélande et les États-Unis.
Le paléobotaniste a découvert que dans la fine couche de roche qui s'est formée environ 1 000 ans après l'impact, 70 à 90 % des spores retrouvés ne provenaient que de deux variétés de fougère.
« Ce pic dans la présence de fougères témoigne bien d'un « désastre pour la flore », quand des espèces pionnières re-colonisent rapidement un terrain découvert. On voit notamment cela lorsque les fougères re-colonisent les coulées de lave à Hawaï ou les glissements de terrain après une éruption volcanique », a indiqué Antoine Bercovici.
D'après les chercheurs, des milliers d'années auraient été nécessaires avant le retour d'un peuplement forestier mûr et les espèces de végétaux qu'ils abritaient n'ont plus jamais été les mêmes.
De plus, en analysant les fossiles des oiseaux les plus répandus à la fin du Crétacé, un groupe primitif appelé énantiornithes, les chercheurs sont parvenus à la conclusion que la plupart d'entre eux vivaient dans les arbres. Comme aucun oiseau n'a survécu, les auteurs de l'étude ont déduit que leur habitat avait entièrement disparu.
Des fossiles d'ancêtres de groupes d'oiseaux modernes ont été récemment mis au jour. Ces derniers auraient vécu peu après l'impact de l'astéroïde et d'après les proportions de leurs pattes, ils ne volaient pas.
« Ces analyses vont de pair avec l'idée selon laquelle des oiseaux préhistoriques ont survécu à l'extinction de masse de la fin du Crétacé et qu'ils ont ensuite investi les arbres une fois les forêts mondiales reconstituées », a déclaré Daniel Field. « L'ensemble des diverses données à notre disposition, issues des registres fossiles du pollen et des oiseaux, ainsi que les conclusions que nous avons tiré au vue de l'écologie des oiseaux modernes, toutes vont dans le sens de la même hypothèse ».
CONTINUER LES FOUILLES
« Les auteurs de l'étude ont fait un excellent travail en avançant un argument très convaincant concernant le rôle des forêts qui disparaissent dans le monde dans l'évolution des oiseaux modernes », a indiqué Luis Chiappe, spécialiste des premiers oiseaux et directeur du Dinosaur Institute du Musée d'histoire naturelle du comté de Los Angeles, en Californie.
« Cette nouvelle hypothèse est très intéressante et elle fournit une explication plausible de l'extinction des groupes d'oiseaux arboricoles qui vivaient à la fin du Crétacé » a-t-il déclaré. Toutefois, les données n'ont pas permis de savoir pourquoi certains énantiornithines et d'autres espèces d'oiseaux préhistoriques qui ne vivaient pas dans les arbres ont disparu lors de l'extinction.
« L'avantage de cette étude, c'est que les résultats peuvent être vérifiés », a expliqué Julia Clarke. « On ne peut pas dire la même chose de toutes les explications avancées sur les raisons de la disparition des dinosaures ».
Les scientifiques doivent poursuivre leurs recherches de preuves géologiques d'incendies très étendus dans les roches du monde entier, afin de renforcer leur argument d'une déforestation mondiale. Daniel Field et ses collègues espèrent aussi combler les lacunes du registre fossile des oiseaux. Celui-ci est très maigre les premiers millions d'années après l'impact.
« Comme toutes les bonnes hypothèses, [cette étude] va engendrer de nouvelles recherches et soulever de nouvelles questions », a ajouté Luis Chiappe. Les paléontologues pourraient trouver certaines réponses à ces questions en mettant au jour de nouveaux fossiles dans des zones du monde encore peu fouillées.
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