Comment fonctionnent les vaccins ?

Vivants atténués, inactivés, ARNm : ces vaccins ont tous pour objectif de susciter une réponse immunitaire, mais ont des spécificités propres.

De Margot Hinry
Publication 20 janv. 2022, 14:14 CET
Un vaccin développé en laboratoire.

Un vaccin développé en laboratoire.

PHOTOGRAPHIE DE Toshe_O, Istock via getty images

Pour la majeure partie des citoyens, les vaccins sont omniprésents dans leur organisme depuis l’enfance. 

Avant de les citer, il est nécessaire de comprendre la réaction naturelle du corps lors de l’apparition d’un agent pathogène. Face à une bactérie, ou à un virus, un organisme ayant un système immunitaire compétent offre une première ligne de défense, l’immunité innée, pour combattre et détruire l'agent pathogène. « L'immunité innée est constituée de cellules qui agissent de manière non-spécifique dans la lutte contre le virus. Ensuite, dans un deuxième temps, l'immunité adaptative va se développer » explique Océane Sorel (TheFrenchVirologist),  docteure en médecine vétérinaire et virologie, immunologie. 

Cette deuxième étape permet de lutter contre le pathogène, « l’immunité adaptative comporte deux composantes principales. Les lymphocytes B, qui sécrètent des anticorps, et les lymphocytes T, qui détectent et détruisent les cellules infectées. Une fois que le système immunitaire a réglé le problème de l’infection, des cellules mémoires (lymphocytes B et T) persistent sur le long terme ». Grâce à ce processus, le corps pourra, à l’avenir, réactiver son système immunitaire et lutter efficacement et rapidement contre le virus ou la bactérie.  

Alors, pourquoi injecter un vaccin si le corps peut combattre le pathogène lui-même ? C’est une sorte de « répétition générale de l'infection » image Océane Sorel. Le vaccin permet de simuler une attaque pour que le système immunitaire s’entraîne à reconnaître l’agent pathogène. Ainsi, une mémoire immunitaire se met en place dans l’organisme qui détectera encore plus rapidement une future infection et pourra empêcher au sujet de tomber malade. 

Selon les vaccins, l’organisme nécessite une ou plusieurs doses avant d’induire ces réponses immunitaires et cette mémoire immunitaire. La primo vaccination provoque un pic d’anticorps qui va décroître dans le temps, sans quitter complètement la mémoire immunitaire. « Grâce à la mémoire immunitaire, une seule injection suffit à faire remonter le taux d’anticorps rapidement et à des taux très élevés, encore plus élevés que ce que l’on avait obtenu lors de la primo vaccination. C'est un phénomène immunologique lié à la mémoire immunitaire » indique Brigitte Autran, professeure d’immunologie à l’Université de la Sorbonne et membre du comité scientifique sur les vaccins Covid-19. 

Il est contre-indiqué pour certaines personnes immunodéprimées ou dans certains cas pour les femmes enceintes, de se faire vacciner avec un système de vaccins vivants atténués. « C’est-à-dire les vaccins pour lesquels on a fait perdre la virulence des agents infectieux, mais qui sont encore capables de proliférer dans l’organisme, une fois qu’on les a injectés. [...] Pour quelqu’un dont l’organisme est tout à fait compétent, le système immunitaire va contrôler la prolifération faible de ce vaccin. Mais chez un sujet immunodéprimé, qui a une baisse de défense immunitaire, il y a un risque de baisse de contrôle » ajoute la professeure émérite.

Les vaccins historiques appartiennent à deux grandes familles. D’un côté, les vaccins vivants atténués et de l’autre, les inactivés. « Toute cette série de vaccins a été très largement développée pendant le 20e siècle et constitue la base des vaccins universels faisant partie des programmes vaccinaux du petit enfant. Ils ont été développés à l’origine pour lutter contre des maladies pour lesquels on n’avait pas de traitements et ont permis de contrôler de très nombreuses infections » relève Brigitte Autran. 

 

QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE LES VACCINS ?

Tout d’abord, il existe des vaccins qui injectent un agent infectieux vivant, mais affaibli. Les vaccins vivants atténués créent une petite infection pour que la réaction immunitaire puisse se développer, sans rendre le sujet malade.

Bien à part, il y a les vaccins à vecteurs viraux. « Ils sont faits de virus dont on atténue la pathogénicité. Ce sont des virus atténués qui ne se répliquent pas du tout et dans lesquels on incorpore un gène codant pour un autre virus » explique Brigitte Autran. Océane Sorel compare ce procédé à un cheval de Troie : « on utilise un virus inoffensif comme cheval de Troie pour délivrer à nos cellules le mode d’emploi, afin de produire un petit bout du pathogène contre lequel on cherche à immuniser ». Ce procédé a été utilisé pour le vaccin AstraZeneca ou Johnson & Johnson contre la COVID-19, ainsi que pour le virus Ebola.

Dans une autre catégorie, il existe les vaccins inactivés ou inertes. Ces derniers peuvent être distingués en deux sous-catégories. La première, celle des vaccins qui ne contiennent pas d’agent infectieux vivant mais le pathogène en entier, qui a été « tué ». Les vaccins contre la poliomyélite, la grippe ou même celui contre la rage sont des vaccins inactivés, à cible virale, avec un germe entier, ou fragmenté pour la grippe. 

La deuxième sous-catégorie des inactivés est celle des vaccins sous-unitaires contenant directement « des morceaux d’agents pathogènes contre lesquels le système immunitaire va pouvoir développer une réaction spécifique. Ils sont souvent associés à un adjuvant afin d’induire une meilleure immunité. Certains de ces vaccins se composent des protéines du virus et d’autres sont faits des sucres des agents infectieux. Enfin, certains sont constitués de toxines inactivées, comme les vaccins contre le tétanos et la diphtérie.

Les vaccins les plus récents sont ceux à acides nucléiques, dont fait partie le vaccin à ARN messager. Il s’agit ici de délivrer « aux cellules un message avec les instructions pour produire un bout du pathogène contre lequel on cherche à se protéger » commente Océane Sorel. Lorsque le génome du virus est séquencé et que la partie du virus à combattre est déterminée, le tronçon du virus est copié. L’ARNm représente cette réplique et une fois dans l’organisme, il ordonne aux cellules de fabriquer les protéines nécessaires pour activer une réponse immunitaire. Ces vaccins sont rattachés aux vaccins inactivés, mais « on utilise non plus la protéine (qui serait pour le coronavirus la protéine S) mais l’ARNm codant pour la protéine S » précise Brigitte Autran.

 

« ON PEUT FAIRE UN VACCIN EN MOINS D’UN AN »

La planète entière subit la crise du coronavirus depuis près de deux ans. Après une période sans traitements convaincants, les premiers vaccins pour lutter contre le virus ont vu le jour, en un temps record. « Généralement, on mettait beaucoup plus de temps parce qu’il n’y avait pas la pression épidémique et les financements qui permettaient d’aller aussi vite. Mais dans le contexte de cette épidémie, il a été possible d’accélérer le processus par différents moyens » explique Brigitte Autran. 

La protéine envers laquelle la réponse immunitaire devait être dirigée était déjà connue grâce au SARS-COV-1. Or cette recherche prend généralement plusieurs années. « On savait qu’il fallait faire des anticorps contre la protéine S. Ensuite, il y a eu des règles définies par l’OMS qui ont permis à l’ensemble des pays d’adopter des schémas accélérés d’essais cliniques sans brûler les étapes ». 

« La performance extraordinaire des vaccins ARNm va servir de modèle à de nombreux nouveaux vaccins. Est-ce que l’on [modifiera] des anciens vaccins qui marchent bien, ce n’est pas sûr. [...] Mais pour les nouveaux vaccins, particulièrement dans le cadre de futures épidémies, il y aura ce modèle de développement rapide qui sera sans doute très utile » affirme la membre du comité scientifique sur les vaccins Covid-19. 

Océane Sorel partage cet avis et qualifie de « vraie prouesse scientifique » le rapide développement des vaccins contre le coronavirus. « La plateforme de vaccins à ARNm constitue une avancée technologique dans la lutte contre les maladies infectieuses. On peut notamment espérer que cette technologie de vaccination à ARNm puisse être applicable et efficace contre d’autres maladies contre lesquelles on a pas encore de vaccin disponible. »

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