Comment les huîtres fabriquent-elles des perles ?
Comment un si petit mollusque parvient-il à créer une structure aussi durable, précise et solide à l'échelle nanométrique ?
Perles (6 mm de diamètre) fabriquées à partir de coquilles de moules d'Amérique du Nord utilisées dans le processus d'ensemencement pour produire une perle de culture ronde
L’Homme aurait beaucoup à apprendre de la perle d’huître, selon une récente étude réalisée par une équipe de chercheurs, menée par l’université du Michigan. Les chercheurs ont découvert un niveau de symétrie incomparable sur les perles de nacre. « Nous avons découvert et quantifié une périodicité exceptionnelle à l'échelle nanométrique à l'intérieur d'une perle », explique Robert Hovden, assistant professeur de l’Université du Michigan et co-auteur de l’étude.
Comment les huîtres australiennes (Pinctada imbricata fucata) peuvent partir d’une poussière et concevoir une perle aussi parfaite ? C’est l’une des questions que se posent les scientifiques depuis plusieurs années. Par ailleurs, comment un si petit mollusque parvient-il à créer une structure aussi durable, précise et solide à l'échelle nanométrique ?
La formation de la perle est possible dans deux cas de figure. Soit dans le cadre d’un mécanisme d’auto-défense naturelle de l’huître, lorsqu’un corps étranger entre à l’intérieur de la coquille, qu’il s’agisse d’une poussière ou d’un grain de sable. Soit, pour le cas des huîtres de culture, lorsque le tissu du manteau est délibérément transplanté d'un donneur à un animal hôte. La réaction du mollusque est similaire dans les deux cas.
L’épithélium, qui forme les tissus internes de l’huître, « développe un kyste fermé appelé « sac perlier », programmé pour reproduire la structure de la coquille » souligne Robert Hovden. Les « nanoparticules de CaCO3 sont ensuite sécrétées […] par le sac perlier » et la perle se forme progressivement au sein du mollusque.
UNE ARCHITECTURE NANOMÉTRIQUE DES PLUS COMPLEXES
Afin de comprendre le processus de fabrication d’un objet si précieux, les chercheurs ont découpé des perles au moyen d'une scie à fil diamantée, en section de trois à cinq millimètres de diamètre. « Grâce à des faisceaux d'électrons à haute énergie, nous pouvons voir au-delà des limites de la lumière jusqu'à des mondes invisibles de taille nanométrique. Pour les perles, des choses remarquables se produisent à l'échelle nanométrique » explique le chercheur.
Ces outils ont permis aux scientifiques de pouvoir « zoomer sur les plus petits défauts » afin d’extraire des données chiffrées.
Un lot fraîchement récolté d'Akoya d'Australie. Perles de culture Akoya en attente d'être lavées et triées.
« Comment un mollusque peut-il réaliser l'une des architectures nanométriques les plus complexes, avec des symétries qui surgissent en l'absence […] de modèles mesurés ? » interroge le co-auteur de l’étude.
Cette fameuse symétrie des épaisseurs de nacre est en fait uniquement réalisée sur une vingtaine de couches, parmi plus de 2 000 épaisseurs. Au sein de leur étude, les chercheurs expliquent que progressivement, les couches s’adaptent aux précédentes et permettent finalement de créer une perle parfaitement lisse. « L'une des perles que nous avons étudiées contenait 2 615 couches déposées sur 548 jours » témoigne le chercheur. « La symétrie périodique est vraiment exceptionnellement rare dans les structures de notre univers. Si vous vous promenez dans les bois en regardant la terre, les feuilles, la faune jusqu'aux arbres ou si vous regardez plus haut l'agencement des étoiles et des galaxies, vous ne verrez pas de structure périodique ». Le rythme périodique et précis que suit le mollusque pour progressivement construire sa perle de nacre est en cela « remarquable ».
« Les perles réalisent une étonnante architecture périodique de nanotablettes empilées en utilisant des processus de croissance auto correcteurs. Lorsqu'une couche est trop épaisse ou trop fine, la couche suivante effectue une correction pour aplanir les irrégularités ».
Avec cette étude, les chercheurs ont réussi à comprendre le fonctionnement des liens existant entre les couches de nacre déposées par le mollusque. La compréhension de ce processus de fabrication naturel et la périodicité de celui-ci pourrait permettre, après maintes étapes, de « créer de nouveaux super matériaux plus légers, pour l'exploration spatiale par exemple » s'enthousiasme Robert Hovden.