Comment les premiers Hommes ont-ils survécu à l’éruption du super-volcan Toba il y a 74 000 ans ?
L’explosion du supervolcan Toba, situé sur l’île de Sumatra, en Indonésie, correspond à une diminution des populations humaines, puis à la disparition de cousins de notre espèce.
L'homme moderne a-t-il réchappé à une éruption volcanique géante ? C’est ce que semble confirmer une étude publiée dans la revue Nature, en mars 2018.
« Au moment où l’Homme a commencé à migrer hors d’Afrique, il y a environ 70 000 ans, on observe un goulot d’étranglement génétique chez Homo sapiens, » explique le biologiste Hervé Le Guyader, professeur émérite à la Sorbonne. « C’est-à-dire qu’il y a eu une diminution de la diversité génétique. Certains chercheurs, comme moi, pensent qu’elle est liée au départ d’une petite partie de la population d’Afrique ; d’autres avancent qu’il y a eu un déclin de la population. »
Pour défendre la seconde hypothèse, des paléontologues suggèrent que ce déclin serait lié à « la catastrophe de Toba », l’une des plus grandes éruptions volcaniques de ces trois derniers millions d’années. Il y a 74 000 ans, les nuages de cendres projetés dans la stratosphère auraient plongé l’ensemble du globe dans un « hiver » d’une décennie. « L’atmosphère s’est assombrie, explique le biologiste français, diminuant la photosynthèse des plantes et les températures terrestres. » Une catastrophe écologique qui a dû affecter tous les animaux, homininés compris. À l’époque coexistaient plusieurs espèces : Homo sapiens, en Afrique, Homo neanderthalensis, en Eurasie, Homo florensiensis, en Australie, ou encore Homo denisovensis, découvert il y a sept ans en Sibérie.
Une équipe de chercheurs de l’université d’État de l’Arizona à Tempe a étudié deux sites préhistoriques, peuplés par Homo sapiens sur la côte méridionale de l’Afrique du Sud : Vlessbaai et Pinnacle Point. Ils ont identifié des fragments de roches volcaniques provenant du cratère indonésien — pourtant situé à environ 9000 km. Trouver des résidus de ce volcan aussi loin est une première dans le domaine. Ils ont également comparé la présence humaine avant et après la catastrophe de Toba.
Les chercheurs ont ainsi constaté la présence d’activités humaines (ossements, outils en pierre, traces de foyers) durant l’« hiver ». Preuve que des Homo sapiens de ces sites sont sortis indemnes de cette épreuve climatique. Les ressources naturelles abondantes et la maîtrise technologique des hommes de la région, par rapport à d’autres groupes ou espèces humaines, pourraient en être les principales raisons. L'équipe américaine a même constaté une augmentation de l’activité humaine à Pinnacle Point après la catastrophe. « Il est probable que les hommes se soient simplement rassemblés sur le site pour se protéger », explique Hervé Le Guyader.
L’histoire de notre espèce et de sa grande migration n’a cessé d’être bouleversée ces dernières années avec la mise en évidence de l’hybridation génétique des différents types d’hommes, la découverte de nouveaux fossiles du genre Homo, ou la correction de l’âge de notre plus vieil ancêtre — récemment reculé de 100 000 ans. Dans le domaine, les répercussions de la « catastrophe de Toba » sur l’homme moderne et ses cousins restent à préciser.