Coronavirus : faut-il s’inquiéter de la montée du variant Mu ?

Classé "variant d'intérêt", minoritaire en France, Mu est doté de mutations bien connues qui permettent au virus d’échapper à l’immunité procurée par les vaccins ou par une infection passée.

De Sanjay Mishra
Publication 10 sept. 2021, 16:40 CEST
Mu Variant

Le 8 juillet 2021, une femme avec un masque à visière attend de recevoir une dose au centre de vaccination Bicentenario de Quito, en Équateur.

PHOTOGRAPHIE DE Franklin Jacome, Agencia Press South, via Getty

Mu, dernier variant de la Covid-19 en date, est déjà présent dans quarante-deux pays. Mais des études affirment d’ores et déjà qu’il est moins transmissible que le variant Delta, qui a provoqué une résurgence de cas dans de nombreux pays.

Le variant Mu est rapidement devenu la souche principale en Colombie, où on l’a détecté pour la première fois au mois de janvier. Mais sa prévalence reste modeste, notamment en France, où le variant Delta domine encore. 

Les chercheurs croient que ce nouveau variant ne fait pas le poids face au variant Delta, qui est extrêmement contagieux. « On ne sait pas vraiment s’il aurait grimpé davantage sans le variant Delta », commente Alex Bolze, généticien chez Helix, entreprise de séquençage du génome.

En Colombie, le variant Mu est toutefois responsable de plus d’un tiers des cas de Covid-19. Jusqu’à aujourd’hui, on compte onze variants remarquables auxquels l’Organisation mondiale de la santé a attribué des lettres de l’alphabet grec. Mu est le douzième. Pour l’OMS, cette forme récente du SARS-CoV-2 est un « variant d’intérêt », soit un rang en-dessous des « variants préoccupants ».

Quatre variants, dont le Delta, avaient obtenu ce dernier rang. Mais les « variants d’intérêt » comme Mu inquiètent tout de même. Mu est doté de mutations bien connues qui permettent au virus d’échapper à l’immunité procurée par les vaccins ou par une infection passée.

D’après Tom Wenseleers, biologiste de l’évolution et biostatisticien à l’Université catholique de Louvain, la bonne nouvelle est qu’il y a peu de chances que Mu remplace Delta dans les endroits où ce dernier est prédominant. Tom Wenseleers avait d’ailleurs évalué la transmissibilité et l’impact du variant Alpha en Angleterre.

 

LES SPÉCIFICITÉS DU VARIANT MU

Les séquençages réalisés sur Mu révèlent pour la plupart que ce variant porte sur sa protéine spike huit mutations qui sont également présentes sur des variants préoccupants comme Alpha, Beta, Gamma et Delta.

Certaines mutations présentes sur Mu, comme E484K et N501Y, permettent à d’autres variants de se jouer des anticorps générés par les vaccins à ARN messager. La mutation E484K rendait par exemple les variants Beta et Gamma plus résistants à une dose unique de vaccin à ARNm.

D’après une étude, qui n’a pas encore été évaluée par des pairs, la mutation P681H facilite la transmission du variant Alpha, et pourrait en faire de même avec le variant Mu.

Mu possède aussi quelques mutations inédites dont les effets sont encore mal compris. Une mutation en position 346 perturbe l’interaction entre les anticorps et la protéine spike. Selon les chercheurs, c’est cela qui permet au virus d’échapper plus facilement au système immunitaire.

D’après une étude qui a utilisé des modèles épidémiologiques et qui n’a pas encore été évaluée par des pairs, le variant Mu serait jusqu’à deux fois plus contagieux que le SARS-CoV-2 originel et serait responsable de la vague mortelle qui a eu lieu au mois de mai à Bogota. Cette étude estime également que les barrières immunitaires procurées par une infection au tout premier virus sont 37 % plus fragiles face au variant Mu.

La Covid-19, un virus parmi tant d'autres

« Pour le moment, nous n’avons pas [assez] de preuves à disposition pour affirmer que le nouveau variant Mu correspond bien à un important […] changement de Covid », explique Alfonso Rodriguez-Morales, président de l’Association colombienne des maladies infectieuses.

Mais il y a tout de même des pistes qui indiquent que le variant Mu est capable d’affaiblir les anticorps générés par les vaccins qui existent. Des variants Mu reproduits en laboratoire ont été moins affectés par les anticorps de personnes ayant guéri de la Covid-19 ou ayant reçu le vaccin Pfizer. Selon les résultats de cette étude, qui n’a elle non plus pas été évaluée par des pairs, Mu est le variant connu qui résiste le plus aux vaccins.

D’après une autre étude réalisée en laboratoire, les anticorps de patients ayant reçu le vaccin Pfizer neutralisent moins efficacement le variant Mu que les autres variants.

« Le variant [Mu] possède une constellation de mutations qui font penser qu’il serait capable d’éviter certains anticorps – non seulement les anticorps monoclonaux mais aussi les anticorps sériques produits par le vaccin ou lors d’une infection –, mais il n’y a pas assez de données cliniques pour l’affirmer. Il s’agit principalement de […] données de laboratoire », annonçait Anthony Fauci, directeur de l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID), lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche le 2 septembre.

Mais d’après Alfonso Rodriguez-Morales, les vaccins contre la Covid-19 (Pfizer, Astra Zeneca, Johnson & Johnson et Sinovac), tous disponibles en Colombie, semblent encore assez efficaces contre le variant Mu.

 

QUELLE EST LA PRÉVALENCE DU VARIANT MU ?

Selon Paúl Cárdenas, microbiologiste à l’Université de San Francisco de Quito, en Équateur, le variant Mu s’est développé rapidement en Amérique du Sud mais il reste difficile de connaître sa portée.

« [Les pays d’Amérique latine] n’ont fourni que très peu de séquençages en comparaison du nombre de cas que nous avons », explique-t-il. En effet, les pays d’Amérique du Sud n’ont séquencé que 0,07 % du nombre total de cas de SARS-Cov-2 qui y ont été recensés, et ce alors même que 25 % des infections mondiales se sont produites dans la région. Par comparaison, 1,5 % des cas ont été séquencés aux États-Unis et 9,3 % au Royaume-Uni.

« Nous ne nous intéressons pas forcément à la réalité de la distribution des variants [en Amérique latine] à cause du manque de moyens pour faire du séquençage génomique », concède Alfonso Rodriguez-Morales.

Ceci étant dit, hormis en Colombie où Mu se propage depuis fin février, la prévalence du variant continue de diminuer dans le monde, y compris dans le reste des pays d’Amérique du Sud.

« Pour Mu, comme pour Lambda et d’autres variants régionaux, on ne pas affirmer grand-chose, car les possibilités d’études complémentaires sont limitées, et parce que ces variants ne présentent pas encore de menace importante dans les pays développés comme c’est le cas du variant Delta », explique Pablo Tsukayama, microbiologiste à l’Université Peruana Cayetano Heredia de Lima, au Pérou. Il espère que le fait que Mu soit devenu un variant d’intérêt pour l’OMS fasse évoluer les choses.

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