COVID-19 : la promesse des nouveaux vaccins ciblant les lymphocytes T

D'après les premiers essais, ces vaccins activateurs de lymphocytes T seraient plus efficaces, plus rapidement, et permettraient de protéger les individus dont le système immunitaire est affaibli.

De Priyanka Runwal
Publication 26 avr. 2022, 16:19 CEST
Micrographie électronique à balayage en fausse couleur d'une cellule T humaine provenant du système immunitaire d'un donneur ...

Micrographie électronique à balayage en fausse couleur d'une cellule T humaine provenant du système immunitaire d'un donneur sain. Les cellules T, ou lymphocytes T, appartiennent à un groupe de globules blancs jouant un rôle central dans la défense de notre organisme contre les virus, notamment le SARS-CoV-2 à l'origine de la COVID-19. 

PHOTOGRAPHIE DE Science Source

Les vaccins contre la COVID-19 font un excellent travail pour éviter à la plupart des individus de développer une forme grave de la maladie, mais ils manquent d'efficacité pour ceux dont le système immunitaire est compromis.

Chez les sujets en bonne santé, le fonctionnement des actuels vaccins repose sur la production d'anticorps qui se fixent sur le virus SARS-CoV-2 et l'empêchent d'infecter les cellules saines. Cependant, chez les personnes possédant un nombre réduit d'anticorps, comme les patients souffrant de cancers du sang ou suivant un traitement immunosuppresseur, la réaction de l'organisme est moins efficace.

Hématologue et oncologue à l'hôpital universitaire de Tübingen en Allemagne, Jonas Heitmann a constaté que bon nombre de ses patients atteints de cancers étaient hautement vulnérables face à la COVID-19, c'est pourquoi ils avaient besoin d'un nouveau type de vaccin. Heitmann et d'autres chercheurs se sont intéressés aux cellules immunitaires appelées « lymphocytes T », qui stimulent le système immunitaire et tuent les cellules infectées par le SARS-CoV-2, en démontrant que ces cellules étaient capables de prendre la relève lorsque les réserves d'anticorps étaient insuffisantes.

Aidé de ses collègues, il vient de mettre au point un vaccin qui active spécifiquement les cellules T, pour lequel des essais cliniques sont actuellement menés en Allemagne.

Comme nous l'explique Heitmann, ils espèrent ainsi « protéger ceux qui ne peuvent pas bénéficier des vaccins actuellement autorisés. »

Ils ne sont pas les seuls à s'intéresser aux vaccins à lymphocytes T. Les scientifiques soupçonnent depuis longtemps déjà que les vaccins ciblant les cellules T éradiqueraient les infections plus rapidement que les vaccins actuellement homologués, tout en conférant une protection plus durable contre les maladies graves, puisque les anticorps s'amenuisent dans les mois qui suivent la vaccination.

Les vaccins ciblant les cellules T présentent un autre avantage : ils reconnaissent des caractéristiques du SARS-CoV-2 communes à différents variants et certains virus apparentés. Ils pourraient donc apporter une protection plus large contre les futures infections à coronavirus, explique Ramon Arens, immunologiste à l'université de Leyde aux Pays-Bas.

 

QUELLE DIFFÉRENCE ?

Les vaccins actuels sont conçus pour enseigner aux globules blancs, ou cellules B, à produire des anticorps capables de reconnaître une protéine présente à la surface du virus, la protéine Spike (S), grâce à laquelle le virus se fixe sur les cellules humaines. En se fixant sur cette région, les anticorps empêchent donc le virus d'infecter les cellules. Seulement voilà, la protéine Spike est sujette à des mutations fréquentes, modifiant son apparence pour échapper aux anticorps bien incapables de la reconnaître.

Contrairement aux anticorps, les cellules T « voient » bien d'autres parties du virus : certaines variables, comme la protéine Spike, et d'autres non. Les vaccins contre la COVID-19 en cours de développement devraient aider les cellules T à reconnaître de multiples protéines dissimulées à l'intérieur du SARS-CoV-2, ainsi que celles présentes en surface.

Puisque les scientifiques ne savent pas toujours quelles protéines virales parviendront à activer les cellules T, ils ont utilisé un algorithme pour traquer les protéines compatibles dans le programme génétique du SARS-CoV-2 avant de tester les candidats en laboratoire afin de trouver la combinaison la plus efficace.

Baptisé CoVac-1, le vaccin mis au point par Heitmann et son équipe contient un mélange de six fragments synthétiques de protéine virale. L'un de ces fragments provient de la protéine Spike, d'autres proviennent de l'enveloppe du virus, la membrane­ responsable de l'entrée dans les cellules hôtes, et de la capside qui renferme le matériel génétique du virus.

Après avoir testé un vaccin à cellules T contre la grippe, une société française de biotechnologie, Osivax, développe actuellement un vaccin contre le SARS-CoV-2 et les coronavirus apparentés. D'autres vaccins, comme celui mis au point par Vaxxinity, une société texane de biotechnologies, activent à la fois les cellules B et T en s'appuyant sur un mélange de fragments synthétiques tirés de la protéine Spike du SARS-CoV-2, de sa capside et de sa membrane.

 

PLUS EFFICACES POUR TOUS ?

La plupart des vaccins à cellules T n'ont pas encore dépassé les premiers stades des essais cliniques, il serait donc prématuré d'affirmer qu'ils sont plus efficaces pour protéger l'ensemble de la population contre la COVID-19 par rapport aux vaccins actuels qui déclenchent eux aussi une réaction de la part des lymphocytes T. À en croire certains scientifiques, notamment Heitmann, ils devraient toutefois apporter une meilleure protection que les options existantes aux patients sévèrement immunodéprimés.

Au cours des phases 1 et 2 combinées des essais cliniques, l'équipe de Heitmann a testé le CoVAC-1 chez des patients incapables de produire des anticorps en raison d'une maladie sous-jacente. D'après leurs premiers résultats sur un échantillon de 14 participants, la plupart ayant déjà reçu en vain des doses de vaccin à ARNm, 13 participants présentaient une réaction mesurable des cellules T.

Pour le moment, les scientifiques ne savent pas encore si cette réaction sera suffisante pour protéger contre la COVID-19, ou du moins les formes les plus sévères de la maladie. Les premières preuves apportées par le laboratoire de l'université de Leyde montrent que des souris vaccinées avec trois doses d'un vaccin à cellules T adapté aux rongeurs étaient protégées contre une infection léthale au SARS-CoV-2. Ces données attendent leur évaluation par des pairs.

Immunologiste au sein du La Jolla Institute for Immunology en Californie, Shane Crotty attire quant à lui notre attention sur un inconvénient des vaccins à cellules T. La plupart de cellules T activées par une injection intramusculaire dans le bras ont tendance à circuler dans le système sanguin plutôt qu'à se concentrer dans le nez ou la gorge, point de rencontre privilégié du virus SARS-CoV-2 avec notre organisme. Il faut plusieurs jours aux cellules T activées par le vaccin pour atteindre ces sites et prendre le contrôle du virus, explique-t-il.

Crotty suggère que les vaccins à cellules T auraient un impact supérieur en stimulant l'activité locale des cellules T au point d'entrée du virus. Pour cela, il faudrait administrer le vaccin par le nez, ce qui représente un défi. 

Par ailleurs, les scientifiques ne connaissent pas encore le niveau de cellules T nécessaire pour générer une protection contre la COVID-19. En revanche, comme nous l'explique Crotty, un vaccin activateur de cellules T pourrait aider ceux qui conservent des niveaux presque indétectables de SARS-CoV-2 pendant plusieurs semaines voire des années. D'après certains chercheurs, ce phénomène serait à l'origine de la persistance des symptômes connue sous le nom de COVID long.

Après tout, la mission des cellules T est d'éliminer les cellules infectées. « Par conséquent, un vaccin qui leur permettrait de se surpasser pourrait contribuer à lutter contre certains aspects des COVID longs, » spécule Crotty.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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