Transpirer permet-il vraiment d'éliminer les toxines ?
Il y a plein de bonnes raisons de transpirer, mais détoxifier son corps n'en est pas une.
Fonction corporelle autrefois taboue, la transpiration fait désormais la Une de nombreux magazines et blogs beauté. Les activités qui nous font transpirer, comme les saunas infrarouges ou le hot yoga, sont censées nous détendre, mais aussi nous permettre de rester en bonne sauté en éliminant les toxines.
Malheureusement, vous n'éliminez que très peu de toxines en transpirant. Une étude a révélé que l'élimination des toxines par la transpiration était un mythe. Un fait que les scientifiques s'efforcent de nous faire comprendre depuis plusieurs années.
Nous transpirons pour réguler notre température corporelle, pas pour excréter des déchets ou éliminer des substances toxiques. C'est plutôt le rôle de notre foie et de nos reins. Dans tout mythe se trouve un soupçon de vérité et l'élimination des toxines par la transpiration ne fait pas exception. La transpiration est majoritairement composée d'eau et de minéraux, mais peut parfois contenir des traces de diverses substances toxiques.
Publiée dans la revue Environment International, une nouvelle étude révèle que nous éliminons bien des polluants environnementaux via nos pores, mais que leurs quantités sont minimes.
« Il faut toujours se demander de quelles quantités on parle », explique Joe Schwarcez, chimiste. « Pour la transpiration, vous y trouverez de nombreuses substances, mais la présence d'un produit chimique n'équivaut pas à la présence du risque ».
NOTRE TRANSPIRATION EST-ELLE TOXIQUE ?
Joe Schwarcz dirige l'Office for Science and Society de l'Université McGill, qui a pour but de casser les mythes scientifiques. Le groupe reçoit de nombreuses questions relatives aux arnaques médicales et aux charlatans. Et la majorité d'entre elles ont pour sujet cette promesse de « détoxification » du corps.
Quelles sont donc les quantités de substances dangereuses que nous retrouvons dans notre transpiration ?
Pascal Imbeault, qui a mené cette étude, indique que la majeure partie de ces polluants sont présents en quantité si faible qu'ils sont insignifiants. Physiologiste sportif à l'Université d'Ottawa au Canada, Pascal Imbeault étudie les polluants stockés dans la graisse corporelle. Cette catégorie de polluants, appelés polluants organiques persistants, regroupe les pesticides, les ignifuges ainsi que le PCB, les biphényles polychlorés aujourd'hui interdits, mais qui sont toujours présents dans l'environnement.
Ce sont ces produits chimiques, que nous désignons incorrectement par le terme « toxines », que nous retrouvons dans notre nourriture et notre environnement. Pascal Imbeault précise que le terme adéquat est toxiques, puisque les toxines sont des substances naturelles fabriquées par les plantes et les animaux.
Les produits chimiques, dits toxiques, sont attirés par la graisse. De plus, ils ne se dissolvent pas bien dans la transpiration, qui est principalement composée d'eau.
Pascal Imbeault et ses collègues ont découvert qu'une personne qui pratique une activité physique intense quotidienne de 45 min perd en tout deux litres de transpiration par jour, en tenant compte du niveau de transpiration habituel. Moins d'un dixième de nanogramme des toxiques cités précédemment a été retrouvé dans ces deux litres de transpiration.
Cela signifie que « seul 0,02 % de ce que vous ingérez par jour dans le cadre d'un régime alimentaire normal se retrouve dans votre transpiration », a précisé le physiologiste sportif. Si vous pratiquez vraiment plus de 45 min d'activité physique par jour, vous parviendrez peut-être à éliminer 0,04% des polluants que vous ingérez par jour.
Conclusion, il est impossible de transpirer suffisamment en une journée pour éliminer ne serait-ce qu'1 % de ce que vous avez ingéré en mangeant le jour même.
Il ne faut pas non plus oublier que chez la plupart des individus, la quantité de pesticides et d'autres polluants présents dans le corps est très faible. Joe Schwarcz souligne que c'est grâce aux chimistes analystes que l'on peut détecter un composant en partie par billions, mais cela ne signifie pas qu'il est nocif ou que son élimination progressive aura des effets bénéfiques sur la santé.
TRANSPIRER POUR ÉLIMINER
Il est vrai que de petites quantités de métaux lourds et de BPA provenant du plastique se retrouvent dans notre transpiration. La raison est simple, ces polluants se dissolvent plus rapidement dans l'eau. Pour éliminer de grandes quantités de métaux lourds du sang, il existe des méthodes plus efficaces que transpirer, comme le traitement par chélation. Vous éliminez aussi plus de BPA en urinant qu'en transpirant. Selon le National Institute of Environmental Health Sciences, pour réduire le plus possible votre exposition au BPA évitez de consommer des aliments ou des boissons conservés dans des emballages fabriqués en BPA.
Mais rien de cela ne freine l'industrie croissante de la détox par la transpiration. La dernière tendance est celle des saunas infrarouges, qui utilisent des lumières infrarouges pour produire de la chaleur à la place des radiateurs électriques ou de la vapeur. On vante les pouvoirs détoxifiants de ces saunas, alors qu'ils ne sont fondés sur aucune science exacte, comme a pu le constater un journaliste de The Atlantic.
Malgré cela, les fabricants de spas et de saunas continuent de revendiquer les bienfaits des soins détox. Au Texas et dans l'Indiana, des casernes de pompiers ont même acheté des saunas infrarouges pour permettre aux pompiers d'éliminer en transpirant les produits chimiques auxquels ils ont été exposés pendant les incendies et pour prévenir les cancers. Si les saunas possèdent de nombreux bienfaits et permettent de se détendre, il n'a toujours pas été prouvé qu'ils permettaient de réduire les risques de développer un cancer.
En excès, cette thérapie par la transpiration peut être mortelle. Au Québec, une femme de 35 ans est décédée des suites d'une cure thermale détoxifiante. Enduite de boue, enveloppée de plastique et la tête dans une boîte en carton, elle a transpiré pendant 9 heures sous des couvertures. Elle est morte d'hyperthermie sévère quelques heures après la cure.
« C'est toujours la même histoire : celle d'avoir une solution simple à un problème complexe », a indiqué Joe Schwarcz. « L'espoir est précieux, alors certaines personnes en profitent pour faire - et vendre - des promesses mirobolantes à des personnes vulnérables ».
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.