Découverte : l'Archaeopteryx, célèbre dinosaure-oiseau, pouvait bien voler
Ce célèbre dinosaure pouvait voler, mais à sa manière.
L’Archaeopteryx, un dinosaure à plumes, est parfois appelé le « premier oiseau ». La créature ailée est la première à montrer l’existence d’un lien évolutif entre les oiseaux et les reptiles. Mais pouvait-il voler ?
Voilà des décennies que cette question fait l’objet de vifs débats entre les paléontologues. Bien qu’il soit pourvu d’ailes, il n’a pas encore été déterminé si l’animal pouvait voler par ses propres moyens. L’Archaeopteryx descendait-il en planant des arbres ? Battait-il des ailes pour échapper aux prédateurs terrestres ? Ou bien faisait-il quelque chose de totalement différent ?
Grâce à l’analyse récente de l’ossature des pattes avant de la créature, une équipe de paléontologues a découvert que la structure de ces dernières ressemblait fortement à celles des ailes de cailles et de faisans modernes, des espèces connues pour voler pendant de courtes durées.
Publiée dans Nature Communications, cette découverte renforce la théorie selon laquelle l’Archaeopteryx était bien capable de voler. Des experts ont également salué cette publication pour son utilisation d’outils d’analyse non-destructifs du fossile.
« C’est une très belle étude qui utilise quelques-unes des technologies les plus avancées au monde », a déclaré Steve Brusatte, paléontologue à l’Université d’Édimbourg qui n’a pas pris part à l'étude.
UNE HISTOIRE DE TORSION
L’Archaeopteryx, avec son plumage noir digne d’un corbeau, vivait il y a 150 millions d’années sur les îles parsemées d’arbres de l’Allemagne d’aujourd’hui.
Au début des années 1860, lorsque les premiers fossiles d’Archaeopteryx furent découverts, ils firent parler d’eux, notamment parce qu’un an auparavant, le biologiste Charles Darwin avait publié sa théorie de l’évolution par sélection naturelle. Dans cette étude, il prédisait l’existence de formes d’évolution intermédiaires. L’Archaeopteryx, une espèce entre les reptiles et les oiseaux, confirmait cette théorie. Le fossile fut nommé Urvogel, le « premier oiseau ».
Depuis, l’Archaeopteryx a fait l’objet de nombreuses études, ainsi que d’un âpre débat sur ces capacités de vol.
Ce va-et-vient tumultueux s’explique en partie par ce qui manque au fossile de l’Archaeopteryx « lorsqu’on le compare avec un oiseau vivant et que l’on constate quelles sont les particularités qu’il ne présente pas », a indiqué Julia Clarke, paléontologue à l’Université du Texas à Austin, qui n’a pas participé à l’étude.
Les oiseaux modernes qui sont capables de voler possèdent un sternum doté d’un bréchet, une extension où peuvent se fixer les puissants muscles du poitrail et qui dirige le vol de l’oiseau vers le bas. Ces sternums osseux n’ont pas été retrouvés sur les fossiles de l’Archaeopteryx, mais Julia Clarke n’écarte la possibilité que ces structures aient pu ne pas être fossilisées car elles constituaient le cartilage.
Pour mettre fin au débat, les chercheurs étudient de plus en plus l’Archaeopteryx à la loupe. Peu de centres sont capables de faire le travail de l’European Synchroton Radiation Facility (ESRF), situé à Grenoble en France et qui peut se vanter de posséder l’un des scanners à rayons X les plus puissants du monde. C’est grâce à ce scanner que l’institution a récemment confirmé que l’Halszkaraptor, un dinosaure semi-aquatique étrange qui ressemble à un cygne, avait bien existé.
« De nombreuses études disposaient de preuves indirectes affirmant que l’animal pouvait voler mais elles n’ont jamais été corroborées », a déclaré Dennis Voeten, paléontologue à l’ESRF et auteur principal de la nouvelle étude. « Nous avons décidé d’adopter une approche totalement différente, en cherchant à identifier les indicateurs de vol sur le squelette plutôt que de déterminer si telle ou telle structure permettait à l’animal de voler ou non ».
Dennis Voeten et ses collègues ont passé aux rayons X puissants trois des 11 fossiles d’Archaeopteryx connus au monde afin de créer des images de la partie centrale des os des ailes de l’Archaeoptery, qui est la plus étroite.
Les chercheurs ont mesuré l’épaisseur des parois externes des os, puis ont calculé la résistance de ces derniers à la torsion, c’est-à-dire leur capacité à résister à la force de torsion. Ce que les ailes d’un oiseau subissent lorsqu’il bat des ailes est assez similaire à ce que vous faites endurer à votre serviette mouillée. Pour l’expliquer simplement, plus l’os de l’aile d’un oiseau résiste à la torsion, plus l’oiseau vole longtemps.
Par la suite, l’équipe a comparé les résultats de l’Archaeopteryx avec ceux de 55 oiseaux modernes, deux crocodiliens et deux espèces de ptérosaures, des reptiles ailés qui vivaient à l’époque des dinosaures. Les paléontologues ont alors constaté que les mensurations de l’Archaeopteryx correspondaient davantage à celles d’oiseaux modernes qui volent durant de courtes durées, comme les cailles et les faisans.
Dennis Voeten a également découvert que les squelettes des Archaeopteryx présentaient de nombreux vaisseaux sanguins, une caractéristique que l’on retrouve chez les oiseaux modernes. D’après l’étude, le métabolisme et les tendances de croissance de l’Archaeopteryx ressemblent encore plus à ceux des oiseaux modernes que ce qui était pensé jusqu’alors.
DIFFÉRENTS BATTEMENTS D’AILES
Conscient du maelström académique dans lequel il vient de mettre les pieds, Dennis Voeten sait parfaitement que son étude ne sera pas la dernière sur le sujet.
« Je ne suis pas là pour dire que j’ai résolu le mystère une fois pour toute », a souligné le paléontologue. Les chercheurs précisent également que, d’après leurs données, le battement des ailes de l’Archaeopteryx était différent de celui des oiseaux modernes : le mouvement précis des ailes de l’animal fait actuellement l’objet de nombreuses recherches.
Des animaux comme l’Archaeopteryx « n’avaient pas besoin de gros muscles au niveau du poitrail et de gros sternums pour voler car ils utilisaient d’autres moyens pour décoller », a expliqué Steve Brusatte. « Cela signifie aussi probablement que certains dinosaures non-aviaires étaient peut-être capables de battre un peu des ailes, même si leur transformation en oiseau n’était pas achevée ».
Selon Julia Clarke, cette variation s’est probablement produite il y a très longtemps. La fin de la période Jurassique a été marquée par le tout début de la phase d’évolution et une nuée de dinosaures à plumes a maladroitement pris son envol à cette époque. Ce n’est qu’à partir de ce moment que ces animaux ont été capables d’évoluer pour devenir les oiseaux que nous connaissons aujourd’hui.
« Quel nom lui donner [à l’Archaeopteryx] si nous ne l’appelons pas Urvogel ? », s’interroge Julia Clarke. « “Ironie” serait parfait ».