La Corée du Sud, ce pays qui fait si peu d’enfants

La Corée du Sud affiche le « taux de fécondité » le plus bas du monde. Un phénomène lourd de conséquences sur le pays et son économie.

De Manon Meyer-Hilfiger, National Geographic
Publication 28 avr. 2023, 11:47 CEST
Toits de Busan, Corée du Sud dans la nuit.

Toits de Busan, Corée du Sud dans la nuit.
 

PHOTOGRAPHIE DE Sean Pavone / Alamy Banque D'Images

La Corée du Sud détient un record. Celui du pays qui se reproduit le moins sur cette planète. On décompte 0,78 enfant par femme en 2022, selon les données officielles. Le chiffre est bien en deçà des 2,1 enfants par femme, la moyenne nécessaire pour que la population se stabilise sans immigration. Le sujet est source d’inquiétude pour les autorités. En 2015, le service de recherche de l'Assemblée nationale s’est penché sur la question, publiant un rapport cité dans le Korea Times. Si la baisse de la natalité se poursuit, « les Coréens seront éteints d'ici à 2750 », s’alarment les auteurs.

Peut-on réellement arriver à cette situation ? Pas si vite, répond Andrew Yeo, chercheur au Centre d'études politiques sur l'Asie de l'Est du Brookings Institute et professeur à l’Université Catholique d’Amérique. « D'un point de vue mathématique, cela pourrait être vrai, en calculant le nombre de mort par rapport au nombre de nouveau-né. Mais cela occulte bien d’autres facteurs. L’immigration notamment, qui pourrait renouveler la population ».

Une certitude demeure : ce faible taux de fécondité fait peser de nombreuses contraintes sur le pays. « Avec cette population qui vieillit, le système de sécurité sociale, et notamment des retraites, est menacé. La sécurité nationale est une autre inquiétude pour la Corée du Sud. Le service militaire y est obligatoire. Dans le passé, on comptait entre 600 000 et 800 000 potentiels combattants. Aujourd'hui, environ 500 000 personnes sont mobilisables en cas de conflit. D'ici dix ans, cela devrait encore baisser jusqu'à 400 000. Pourtant, une réserve suffisante de force militaire est considérée comme nécessaire, vu la Corée du Nord voisine. Cela signifie que les autorités devront sans doute s'appuyer plus encore sur la technologie et l'intelligence artificielle », poursuit le chercheur.

Face aux alarmes, le gouvernement sud-coréen prend le sujet très au sérieux. Depuis 16 ans, les pouvoirs publics ont dépensé près de 200 milliards de dollars pour tenter de rehausser ce taux de fécondité. Dans le panel des aides : une allocation accordée aux parents d’un enfant de moins d’un an, qui passe de 230 dollars par mois à 540 dollars en 2023 et qui devrait atteindre 765 dollars en 2024. Le temps du congé parental aussi a été allongé. Aujourd’hui d’une durée d’un an, les parents devraient bientôt pouvoir prendre en tout un an et demi.

Bureaux d'une agence digitale Asiance, basée à Séoul, Corée du Sud.

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PHOTOGRAPHIE DE lionel derimais / Alamy Banque D'Images

Alors pourquoi, malgré cet argent, le taux de fécondité continue-t-il de chuter ? De 1,05 en 2017 à 0,81 en 2021, pour atteindre 0,78 en 2022 ? « C'est une chose de dire : vous aurez plus d'argent, plus d’aides, plus de temps pour vos enfants », explique Andrew Yeo. « C’en est une autre de composer avec des tendances de fond ». La société sud-coréenne évolue. De moins en moins de Sud-Coréens se marient, une étape pourtant considérée comme nécessaire avant les enfants. En 20 ans, le nombre de mariages à Séoul a diminué de 64 % , selon les chiffres du gouvernement relayés dans la presse locale. « Les femmes célibataires sont de moins en moins stigmatisées. Elles sont plus nombreuses à rejoindre le marché du travail. Un élan encouragé par le gouvernement, notamment à cause de cette population déclinante... Mais sur le plan de la fécondité, cela contribue à faire baisser le nombre d'enfants. La priorité est donnée à la carrière », détaille le chercheur.

Autre donnée importante qui tempère, chez les Sud-Coréens, l’envie de faire des enfants : les coûts. « Cela devient difficilement abordable pour les classes moyennes ou pauvres ». Les couples attendent, parfois longtemps, des revenus fixes et confortables pour faire famille. De plus, la Corée du Sud a une culture de travail « extrêmement compétitive. Il existe là-bas des institutions extra-scolaires qui proposent aux collégiens et lycéens des cours de perfectionnement jusqu'à 22h chaque soir ! Le gouvernement a légiféré sur le sujet, interdisant de dépasser les 22h... C’est tout de même symptomatique des moyens déployés par peur de l’avenir professionnel. Les Sud-Coréens font partie des gens qui dépensent le plus par enfant au monde », souligne Andrew Yeo.

Le salut de la population coréenne pourrait-il passer par l’immigration ? Pour le moment, « le gouvernement facilite plutôt les séjours de moyen-terme. Cela reste très difficile de devenir résident permanent », affirme le chercheur. Une exception, toutefois : les Nord-Coréens qui fuient leur pays. Ils acquièrent automatiquement la citoyenneté Sud-Coréenne. Aujourd’hui, ils sont près de 30 000 à avoir franchi cette frontière. Mais même avec un mouvement de masse de ce type, ou bien la réunification de la Corée -un rêve de certains dirigeants – la population de ce nouveau grand pays  finirait par décroître dès 2035, selon les observateurs du think-tank Carnegie Endowment for International Peace. En cause : la population de la Corée du Sud, deux fois plus importante que celle de la Corée du Nord. Difficile, il faut croire, d’échapper à son destin.

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