Doigts du diable : ces tentacules appartiennent... à un champignon
Ces tentacules ne sont pas ceux d'une créature marine, mais d'un champignon, l'Anthurus d'Archer. Quand il se reproduit, il étend ses longs tentacules et commence à suinter une odeur particulièrement nauséabonde rappelant celle des charognes.
Imaginez errer dans une forêt faiblement éclairée et découvrir une tige couverte de globes oculaires poussant hors sol, sorte de « pieuvre » nauséabonde cherchant à vous atteindre avec ses tentacules recouverts de slime.
Ces créatures, comptant parmi les plus effrayantes jamais observées sur Terre, sont des plantes et des champignons qui sans pourtant pouvoir vous chasser parviennent quand même à avoir l'air malveillants. Parfois, il y a une logique derrière nos peurs, dit Kathie Hodge, chercheuse spécialiste des champignons à l'Université Cornell. Certains champignons et plantes sont très toxiques, et ressentir un sentiment de répulsion quand on les observe « vient de notre profond besoin d'éviter les choses qui peuvent nous blesser », dit Hodge.
D'autres champignons sont inoffensifs pour l'Homme et ont simplement évolué pour paraître plus dangereux qu'ils ne le sont en réalité et tirer parti de ressources écologiques uniques. La nature regorge de ces effrayantes merveilles, dont voici quelques exemples.
ANTHURUS D'ARCHER
Également connu sous le nom de doigts du diable, ce champignon qui se présente d'abord sous la forme d'un œuf blanchâtre, se déploie en quatre à huit bras rouge vif, couverts de restes de gléba, ce qui lui donne un air de poulpe des sous-bois.
« Ils sont fantastiques », souffle Kathie Hodge. Les champignons passent une grande partie de leur temps sous terre, se nourrissant de morceaux de bois. Quand il est temps de se reproduire, ils se transforment en ces champignons spectaculaires aux longs tentacules et commencent à suinter une odeur particulièrement nauséabonde qui n'est pas sans rappeler celle des charognes - une odeur putride qui lui permet d'attirer les insectes nécrophages qui dispersent ses spores par zoochorie.
Un Anthurus d'Archer étend ses tentacules recouverts de slime.
« Leur but n'est pas de prendre la forme de doigts humains », dit Hodge. « Ils espèrent que les mouches notamment les survoleront et pataugeront dans le gléba gluant avant d'emporter leurs spores. » Avec un peu de chance, dit-elle, les mouches atterriront sur un joli morceau de bois, fournissant de la nourriture à la prochaine génération de champignons purulents.
HYDNELLE DE PECK
L'hydnelle de Peck a des faux airs de crème fouettée à la fraise. Il n'est pas toxique, mais vous ne voudrez pas en manger un bol entier : ce champignon a un goût amer.
L'hydnelle de Peck, aux faux airs de crème fouettée à la fraise, n'est pas toxique mais a un goût amer.
Au lieu de présenter des branchies plumeuses sous un piléus (ou chapeau), comme les champignons de Paris, autre espèce de champignons basidiomycètes, les hydnelles de Peck font pousser leurs spores arrondies ornées de bosses grossières et obtuses sur des minuscules structures rappelant la forme de petites dents.
Ce champignon excrète une odeur acidulée et un liquide rouge dans un processus appelé guttation, lorsque le champignon absorbe l'eau excendentaire présente dans le sol.
ACTAEA PACHYPODA
Cette plante, connue sous le nom d'Actée à gros pédicelles, d'actée blanche, ou de « doll's eye » (œil de poupée) en raison de la forme de ses fruits vénéneux, pousse dans l'est des États-Unis. Si vous veniez à la croiser, ne soyez pas tenté de mettre un « œil » dans votre bouche. Toutes les parties de cette plante sont très toxiques et le grignotage de ses baies peut provoquer un arrêt cardiaque et entraîner la mort.
L'actée à gros pédicelles ou actée blanche, peut être observée dans l'est des États-Unis. Toutes les parties de cette plante sont très toxiques et le grignotage de ses baies peut provoquer un arrêt cardiaque et entraîner la mort.
La partie noire de ces « yeux » fascinants est la cicatrice laissée par la formation de la baie.
Quant à savoir pourquoi ils poussent sur une tige rouge sang aussi spectaculaire, il est possible que ce soit un vestige de son parent plus commun, l'actée rouge.
HYDNORA AFRICANA
L'hydnora africana a un cycle de vie aussi étrange que son apparence le laisse supposer.
Comme il passe la majeure partie de sa vie sous terre, la nourriture de cet étrange champignon ne produit pas de chlorophylle et ne peut pas faire de photosynthèse comme les plantes vertes. Au lieu de cela, c'est un parasite qui aspire les nutriments des racines d'autres plantes.
La fleur charnue de l'hydnora africana apparaît après un épisode de pluie.
Même ses fleurs poussent sous terre puis émergent après un épisode de pluie. Les lobes bruns poussent hors du sol et se fissurent pour révéler l'intérieur orange charnu.
Ce champignon dégage une odeur très forte, rappelant celle des cadavres d'animaux et d'excréments, afin d'inciter les mouches et les bousiers à agir comme des pollinisateurs. Comme le fameux phallus de titan, cette plante est capable de faire grimper sa propre température pour mieux attirer les mouches et augmenter la puissance de sa puanteur.
ROUILLE-TUMEUR DU GENÉVRIER
L'une des créatures les plus étranges du monde fongique est un parasite qui vit à la fois sur les pommiers et les cèdres à différents moments de son cycle de vie. Sur les genévriers, il se développe en grosses boules orange qui pendent des branches comme des fruits.
« Et puis, un jour de pluie, de gros bras orange en sortent », sourit Hodge. « Ils sont gélatineux et bizarres, et ils ressemblent à des poulpes d'arbres. Les tentacules orange rétrécissent et gonflent au gré de la pluie. »
Les tentacules orange de la rouille-tumeur du genévrier rétrécissent et gonflent au gré des précipitations.
Les boules orange libèrent des spores disséminées par le vent jusqu'aux pommiers, sur lesquels elles se fixent sous forme de petits fils orange, affectant les arbres et pouvant même les déformer. Ces nouveaux champignons filiformes produisent des spores qui sont emportées par le vent jusqu'aux genévriers, renouvelant ainsi le cycle.
FLEUR DE TAN
Cette créature n'est techniquement ni une plante, ni un champignon, mais c'est un phénomène naturel tout à fait fascinant.
« C'est une sorte d'amibe géante », explique Hodge. « Habituellement, vous ne pouvez pas voir une amibe à l'œil nu. Mais la fleur de tan a la taille d'une petite assiette. Ces moisissures sont étranges et peuvent effrayer ». Pis encore, cette forme unicellulaire peut ramper.
La moisissure visqueuse appelée fleur de tan n'est ni une plante ni un champignon, mais une créature unicellulaire appelée amibe.
« Ils suintent pendant un certain temps, puis ils se transforment en spores », explique Hodge. « Bien que ce ne soit pas vraiment une spore », ajoute-t-elle, « parce qu'elle éclot comme un œuf et ensuite une petite amibe rampe ».
Kathie Hodge donne un cours d'été sur les champignons et fournit à ses élèves des moisissures visqueuses à rapporter à la maison et à élever. « Vous pouvez les regarder se promener dans la boîte de Pétri, et se nourrir d'avoine. »
Certains élèves s'attachent vraiment à leurs petits animaux visqueux, dit-elle : « C'est ma manière de convertir les gens en amoureux des champignons étranges et des moisissures repoussantes. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.