Jeux olympiques : Paris a tenté par tous les moyens de nettoyer la Seine. Y est-elle arrivée ?

Pendant des siècles, le fleuve français a été le dépotoir de Paris. Un nettoyage ayant coûté plus d'un milliard d'euros visait à la rendre de nouveau propre.

De Mary Winston Nicklin
Publication 24 juin 2024, 17:06 CEST
Seine Cleanup MM10144- Overhead river cityscape

La cathédrale Notre-Dame-de-Paris surplombe la ville depuis l'Île de la Cité. L'eau de la Seine a contribué à éteindre le feu de 2019 et à la restaurer, y compris la flèche reconstruite, par le biais des bateaux qui transportaient des matériaux de construction.

PHOTOGRAPHIE DE Tomas van Houtryve

Après un ambitieux projet de nettoyage ayant coûté 1.4 milliard d'euros, la Seine jouera un rôle important pour les Jeux olympiques et paralympiques d'été 2024. Le fleuve qui traverse Paris servira de scène pour la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques et, si tout se passe comme prévu, elle sera également le lieu de trois épreuves de natation.

La Seine était autrefois un portail vers le bonheur : les Parisiens bronzaient et barbotaient dans le fleuve, étrennant leurs tenues de bain dans la piscine flottante Deligny, alimentée par la Seine. Mais toute baignade a été interdite pendant plus d'un siècle en raison du trafic fluvial et de la pollution. Les choses sont-elles sur le point de changer ?

Pour montrer l'innocuité du fleuve, la maire de Paris Anne Hidalgo a prévu d'y nager avant les Jeux. Une baignade initialement le 23 juin, reportée en raison des élections législatives. Des tests récents ont prouvé que le fleuve présentait encore des niveaux dangereux de bactéries, ce qui pourrait représenter un risque sanitaire pour la maire de Paris, si elle devait s'y baigner aujourd'hui. Les organisateurs espèrent toutefois que les Jeux olympiques marqueront le début d'une nouvelle ère pour ce fleuve si cher aux Parisiens.

« Notre objectif est un héritage olympique », déclare Pierre Rabadan, l'adjoint au maire chargé du sport, des Jeux olympiques et paralympiques et de la Seine. « Que vous, moi et n'importe qui visitant Paris puisse nager dans la Seine. »

Pendant des siècles, la Seine a été un dépotoir, dans lequel on lavait son linge, on déversait des déchets humains et des morceaux d'animaux jetés par les bouchers.

Au 19ᵉ siècle, les eaux usées des usines et des foyers étaient souvent déversées directement dans la Seine. Le nouveau système d'égouts révolutionnaire de Paris, mis au point dans le cadre du projet de rénovation urbaine du Baron Haussmann au cours de la seconde moitié du 19ᵉ siècle, a été un triomphe d'ingénierie pour Paris, mais a été toxique pour la Seine.

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    En août 2023, la marie de Paris a organisé en simultané deux tests d’envergure, le Triathlon et Para Triathlon dans un périmètre autour du pont Alexandre III et, à proximité immédiate, le Tir à l’arc et Para Tir à l’arc sur l’Esplanade des Invalides. La partie natation de l'épreuve s'est déroulée dans la Seine.

    PHOTOGRAPHIE DE Tomas van Houtryve

    Aujourd'hui, le mouvement va dans l'autre sens. Un projet de revitalisation de plusieurs années a donné une nouvelle vie aux quais, le patrimoine industriel étant réaffecté à des lieux culturels. Une péninsule polluée, autrefois utilisée pour stocker du charbon, a été réaménagée en parc avec des arbres choisis pour leur propriété nettoyante naturelle.

    La ville a prévu d'ouvrir trois lieux de baignades publics le long du fleuve pour l'été 2025, transformant un dépotoir en un endroit sublime.

     

    DES DIZAINES D'ANNÉES DE PRÉPARATION

    La qualité de l'eau de la Seine a commencé à s'améliorer en 1991, lorsque l'Union européenne a adopté une législation concernant une des principales sources de pollution de l'eau : les eaux usées urbaines. Le Syndicat inter-départemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne (SIAAP) a effectué des démarches importantes pour moderniser les réseaux sanitaires, y compris des investissements majeurs dans l'infrastructure de la station d'épuration Seine Aval, responsable des trois quarts des eaux usées de la région. Plus tard, en 2015, la ville de Paris a déployé son plan baignade, accompagné de mesures concrètes pour nettoyer la Seine et la Marne, un sous-affluent, et rendre la Seine propre pour les Jeux olympiques 2024. Le fleuve devrait être un élément central de l'organisation des Jeux.

    Le plan prévoyait la connexion de plus de 23 000 résidences, dont les péniches, au réseau d'égouts, qui déversaient auparavant des eaux usées non traitées dans les fleuves. 

    « Les Jeux Olympiques ont joué un rôle d'accélérateur », explique Pierre Rabadan. « Sans les jeux, le projet aurait probablement pris dix ans de plus. »

    Les effets du nettoyage se font sentir en aval, dans certains des bassins versants les plus urbanisés de France.

    L'eau du fleuve passe par un bassin d'aération à l'usine Seine Aval du SIAAP, qui contribue à rendre la Seine plus propre. PHOTOGRAPHIÉ À L'USINE SEINE AVAL DU SIEEP.

    PHOTOGRAPHIE DE Tomas van Houtryve

    « Il y a beaucoup de personnes à Paris qui ne savent pas que la Seine est en bonne santé en ce moment. Je ne dis pas qu'elle est propre, mais elle est saine pour la vie aquatique », explique Sandrine Armirail, directrice de la Maison de la Pêche et de la Nature, un centre d'éducation à l'environnement. « Nous considérons la qualité de l'eau en fonction de ce qui y vit. Plus il y a d'espèces, plus l'environnement est sain. »

    Pendant son enfance en région parisienne, seules quatre espèces de poissons, toutes résistantes à la pollution, pouvaient y survivre. En fait, dans les années 1970, la Seine, en aval de Paris, était presque biologiquement morte. Aujourd'hui, on y trouve trente-six espèces de poissons différentes. « Ce qui signifie que la qualité de l'eau s'est beaucoup améliorée », souligne Sandrine Armirail.

    Les aquariums de la Maison de la Pêche et de la Nature présentent de nombreuses espèces qui peuplent aujourd'hui la Seine, dont l'emblématique brochet, un prédateur aux 700 dents que Sandrine Armirail appelle le « requin du fleuve ». Au bord de l'eau, l'institution restaure les prairies inondées dont les poissons ont besoin pour frayer. À l'extérieur du bâtiment, sous le quai, niche un couple de martins-pêcheurs, un exemple parmi d'autres du nombre croissant d'espèces d'oiseaux nicheurs attirés de nouveau par la Seine.

    Des milliers d'athlètes ont participé au Garmin Paris Triathlon 2023, qui comprenait une épreuve de natation dans le Bassin de la Villette, un lac artificiel qui relie deux canaux dans le 19ᵉ arrondissement de la capitale.

    PHOTOGRAPHIE DE Tomas van Houtryve

     

    UNE MERVEILLE TECHNIQUE

    Sous terre, près de la gare d'Austerlitz, se trouve une citerne d'eau pluviale qui contient l'équivalent de vingt piscines olympiques. Pendant trois ans et demi, les passagers du métro ont assisté à ce chantier colossal. Bientôt recouvert d'un espace vert, le réservoir en béton est soutenu à 80 mètres sous terre pour le maintenir en place. Le bassin d'Austerlitz est une pierre angulaire du plan de la sécurisation des baignades dans la Seine.

    Le système d'assainissement de Paris est en grande partie un héritage de l'ingénieur Eugène Belgrand, qui le conçut au 19ᵉ siècle. Les eaux de pluie et les eaux usées sont canalisées dans un vaste labyrinthe souterrain d'égouts et acheminées par gravité vers des stations d'épuration situées en dehors de Paris. Mais en cas de fortes pluies, des vannes d'égouts étaient ouvertes dans la Seine afin d'éviter tout débordement dans les rues. Des réservoirs comme celui-ci permettront d'éviter ce scénario. Conçu par une équipe de quarante ingénieurs, le Bassin d'Austerlitz est une merveille technique.

    Paris est une ville très bien organisée, dont les entrailles sont traversées par des couches d'anciennes carrières, de tunnels de métros, d'égouts, de conduites de gaz et de câbles électriques. Dans ce milieu urbain dense, un tunnel a été creusé sous terre et canalisé sous la Seine, permettant l'écoulement des eaux pluviales. Finalement, l'eau retenue par le bassin se déverse lentement dans les égouts, puis dans les stations d'épuration, avant de retourner dans le fleuve.

    Après un parcours sinueux à travers la France, la Seine rejoint la Manche. Flanqué de digues pour faciliter la navigation fluviale, l'estuaire abrite aujourd'hui régulièrement une faune variée, du phoque gris aux oiseaux migrateurs.

    PHOTOGRAPHIE DE Tomas van Houtryve

     

    UN FLEUVE POUR LES CITOYENS

    Il y a encore du travail à faire. En août dernier, les autorités ont été contraintes d'annuler certaines épreuves de natation après que la pluie a fait grimper les niveaux de pollution, et une tempête particulièrement violente pourrait encore perturber les épreuves olympiques. Dès l'été dernier pourtant, des relevés scientifiques ont montré que l'on pouvait se baigner dans la Seine en moyenne sept jours sur dix, et trois collecteurs et bassins d'orages supplémentaires ont été ouverts depuis. 

    L'objectif final, à l'instar des quais parisiens piétons qui étaient autrefois des routes, est de rendre la rivière aux citoyens.

    Bientôt, la Seine sera à l'honneur, pour les Jeux olympiques et paralympiques, et les nouveaux points de baignade publics qui permettront aux riverains de se rafraîchir pendant les canicules, l'un des phénomènes météorologiques extrêmes auxquels la ville est confrontée en raison du changement climatique. Les adolescents flâneront au bord de l'eau. Les athlètes courront le long des quais. Ensemble, ils suivront le sillage des nageurs qui ont participé aux premiers Jeux olympiques de Paris, en 1900. Bien avant cela, une tradition hédoniste du 17ᵉ siècle mettant en exergue les vertus de la baignade en apnée dans la Seine. Et plus tôt encore, avant même qu'une grande ville ne se dresse à cet endroit, d'innombrables générations ont vécu leur vie aux abords et sur les eaux de la Seine.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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