Et si vieillir nous rendait plus créatifs ?
C’est ce que suggère une nouvelle étude de chercheurs en psychologie des universités Harvard, Columbia et Toronto.
Une nouvelle étude publiée sur Trends in Cognitive Science par Tarek Amer, Jordana S. Wynn et Lynn Hasher, chercheurs en psychologie, suggère que la vieillesse permettrait aux seniors d’être plus créatifs.
« La vieillesse est un naufrage, les vieux sont des épaves » écrivait Chateaubriand. Des chercheurs des prestigieuses universités Harvard, Columbia et Toronto sont moins catégoriques.
Certes, les personnes âgées peuvent avoir des trous de mémoire ou répondre à côté à une question posée. La vieillesse, parce qu’elle va de pair avec une tête remplie de souvenirs accumulés au cours d’une vie, rendrait l’extraction d’informations pertinentes plus difficile... Mais elle permettrait aussi aux seniors d’être plus créatifs. Trois chercheurs en psychologie sont à l’origine de ces affirmations.
Tarek Amer, Jordana S. Wynn (désormais à l’université de Toronto), et Lynn Hasher, ont publié un article sur les mécanismes cérébraux de nos aînés au sein de la revue Trends in Cognitive Science en 2022. Ils ont passé en revue de multiples autres recherches en sciences comportementales, s’appuyant également sur les résultats d’imageries cérébrales. Leur objectif ? Comprendre ce qui se trame dans l’esprit des seniors.
Première affirmation : les trous de mémoire ou les réponses un peu à côté seraient en fait lié à un trop-plein d’informations. « Les personnes âgées ont du mal à trier entre les informations pertinentes et celles qui n’ont rien à voir avec la question» explique Tarek Amer, l’auteur principal de l’article. Comment l’affirmer ? Les scientifiques se basent sur une autre étude parue en 2018 au sein de la revue Aging, Neuropsychology, and Cognition.
Des personnes jeunes et âgées ont été placées devant un écran où étaient projetées des images avec du texte écrit par-dessus. La consigne donnée à tous ? Concentrez-vous sur l’image, pas sur le texte. Résultat : les jeunes se souvenaient bien de l’information pertinente, c’est-à-dire l’image. Les plus âgés avaient retenu les deux informations. « Ils ont plus de difficultés à se concentrer que les jeunes adultes » en conclut Tarek Amer, « donc ils ont un surplus d’informations ».
Quand ils vont ensuite chercher à extraire une information ciblée dans leur cerveau, cela revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. Et régulièrement, ils reviennent avec un brin de foin plutôt que l’aiguille recherchée. L’environnement extérieur, mais aussi leurs propres souvenirs peuvent gonfler la masse de données stockée dans leur cerveau.
Cette hypothèse est confirmée par une autre étude à la méthodologie différente, mais aux résultats identiques. De nouveau placés devant un écran, mais cette fois-ci au sein d’un scanner IRM, on présentait aux deux groupes d’âges des photos de visage et des photos de scènes globales, en demandant aux participants de se concentrer uniquement sur les visages. « On sait que ces deux catégories d’images (visage et scène) ne stimulent pas les mêmes parties du cerveau » décrypte Tarek Amer. Chez les jeunes, le cerveau s’activait lorsque des images de visage étaient à l’écran, conformément à la consigne. Chez les plus âgés, les deux catégories d’image provoquaient une activité cérébrale.
Jusqu’ici donc, pas de raison de se réjouir de l’arrivée du grand âge. Mais Tarek Amer nuance, formulant la deuxième grande affirmation de leur article. « Nous avons des preuves que les personnes âgées peuvent être plus créatives que les jeunes. Nous pensons qu’il y a un lien avec leur mémoire encombrée, même si cette hypothèse doit encore être confirmée ».
Les grandes quantités d’information, que le cerveau des personnes âgées passe en revue de manière désordonnée, créeraient des liens inédits entre les idées. « Ils seraient donc plus susceptibles de penser à des solutions originales à un problème » poursuit Tarek Amer. Pour tester cela, des chercheurs en psychologie ont fait lire un texte à deux groupes de participants, puis leur ont présenté un objet (un marteau par exemple). Ils ont ensuite demandé de lister les usages possibles de l’ustensile. Les seniors trouvaient plus de fonctions au marteau que les jeunes adultes.
Des fonctions en lien avec le texte lu au préalable. Ces nouvelles informations venaient donc nourrir la créativité des plus âgés...De quoi arrêter d’opposer les « têtes bien pleines » aux « têtes bien faites ».