Des structures colossales, similaires à des montagnes, se cacheraient sous le manteau de notre planète

Une équipe de géologues de l’Université de l’Alabama, a découvert des structures assimilées à des montagnes entre le noyau externe et le manteau de notre planète.

De Amandine Venot
Publication 20 févr. 2025, 09:11 CET
Illustration montrant la Terre éclairée par le Soleil.

Illustration montrant la Terre éclairée par le Soleil.

ILLUSTRATION DE Connect Images / Alamy Banque d'Images

« Nous pensions que notre planète était composée de quatre couches : la croûte, le manteau, le noyau externe liquide et le noyau interne solide », commence Samantha Hansen, docteure en géologie et géophysique et professeure à l’Université de l’Alabama. Nous savons déjà que le manteau terrestre représente 82 % du volume de notre planète. Il est en contact avec le noyau externe, constitué de métal en fusion, principalement du fer et du nickel. L’endroit où ces deux couches se rencontrent est appelé Core-Mantle Bondary (CMB), discontinuité de Gutenberg ou limite noyau-manteau, en français.

« Compte tenu des changements radicaux observés dans la discontinuité de Gutenberg, nous commençons à reconnaître que cette région de notre planète est associée à de nombreuses caractéristiques intéressantes et inhabituelles, probablement aussi variées que celles observées à la surface », rapporte la géologue. Cependant, « parce que cette frontière se trouve à environ 2 900 km sous nos pieds, nous n’avons aucun moyen de l’étudier directement ».

La distance n’a toutefois pas empêché l’équipe de Samantha Hansen d’enquêter. Ils ont eu recours à des méthodes à distance pour en savoir plus sur cette frontière. La sismologie par exemple, leur a permis de révéler des structures cachées sous le manteau terrestre. Entre 2012 et 2015, Samantha Hansen et son équipe ont déployé un réseau de quinze stations sismiques en Antarctique de sorte que les tremblements de terre, sources d’ondes sismiques, soient enregistrés. Au cours des années suivantes, les géologues ont examiné les données récoltées. 

 

UN OBSTACLE DE TAILLE : LES ZONES DE MOINDRE VITESSE

Afin d’étudier la forme et la topographie de la discontinuité de Gutenberg, les géologues utilisent habituellement ce que l’on appelle des ondes primaires, connues pour rebondir, ou être réfléchies sur la limite noyau-manteau et revenir à la surface. Toutefois, la tâche n’est pas aussi simple qu’il y parait. Sur leur chemin jusqu’au noyau terrestre, les ondes primaires doivent traverser des zones de moindre vitesse (Ultra Low Velocity Zones – ULVZs), la partie la plus profonde du manteau qui fait état de propriétés inhabituelles. 

Dans ces zones, la vitesse des ondes y est fortement réduite à cause des matériaux partiellement fondus ou enrichis en fer qu’elles contiennent. Les ondes qui les traversent peuvent être alors atténuées, retardées ou déviées, compliquant ainsi l’interprétation directe des données récoltées. Ainsi, pour connaître la topographie de la limite noyau-manteau, Samantha Hansen et son équipe ont d’abord dû apprendre à distinguer si les modifications étaient dues aux zones de moindre vitesse ou bien à la discontinuité de Gutenberg elle-même. 

« Nos résultats indiquent que ces zones de moindre vitesse sont largement répandues près de la limite noyau-manteau », indique la scientifique. « Elles sont si nombreuses qu’elles pourraient former une couche omniprésente, bien que parcellaire : les structures que nous avons identifiées étaient beaucoup plus dispersées que nous ne l’avions prévu ». 

Ces structures semblent être colossales. « La plupart des études sur les zones de moindre vitesse font état d’épaisseur de l’ordre de quelques dizaines de kilomètres, et d’une étendue latérale généralement estimée entre 100 et 200 kilomètres ». Samantha Hansen ajoute que « de plus grandes zones d’une largeur allant jusqu’à 900 kilomètres ont également été suggérées ».

Cette carte montre les emplacements le long de la discontinuité de Gutenberg des recherches antérieures sur ...

Cette carte montre les emplacements le long de la discontinuité de Gutenberg des recherches antérieures sur les zones de moindre vitesse et la diffusion des ondes sismiques dans le monde entier (à gauche) et dans l'hémisphère sud (à droite). Les zones marquées en or indiquent les régions où l'on a trouvé des preuves de l'existence de zones de moindre vitesse ; les zones marquées en bleu indiquent les régions où aucune zone de moindre vitesse n'a été observée, et celles en rouge marquent les régions incertaines. Les zones ombrées en rose indiquent les grandes provinces à faible vitesse, et les points verts indiquent les dispersions sismiques.

PHOTOGRAPHIE DE Samantha E. Hansen, Edward J. Garnero , Mingming Li , Sang-Heon Shim , Sebastian Rost

Les scientifiques ont aussi connaissance d’autres anomalies, appelées grandes provinces à faible vitesse, qui sont des structures à bien plus grande échelle que les zones de moindre vitesse. « Elles s’étendraient sur des kilomètres vers le haut, à partir de la limite noyau-manteau », explique Samantha Hansen. Aujourd'hui, les chercheurs ne connaissent que deux d’entre elles, une située sous l’Afrique du Sud, une autre sous l’océan Pacifique. 

Il existe des structures « avec d’autres caractéristiques intéressantes à proximité de la discontinuité de Gutenberg », ajoute la scientifique. « Des études suggèrent l’existence de zones à ultra-haute vitesse dans lesquelles les ondes sismiques se propageraient beaucoup plus rapidement que dans le manteau environnant ». Néanmoins, « nous n’avons pas encore pu les imager à l’aide de données sismiques », concède-t-elle.

 

ORIGINE ET COMPOSITION 

Il existe plusieurs hypothèses sur l’origine des zones de moindre vitesse et leur composition. Elles pourraient être créées par des « anomalies thermiques chaudes le long de la discontinuité de Gutenberg qui feraient partiellement fondre les matériaux », explique Samantha Hansen. Elles pourraient également résulter « de réactions chimiques entre le manteau et le noyau, entraînant un enrichissement en fer, ou encore, elles viendraient de matériaux subductés, autrefois faisant partie du plancher océanique, qui auraient atteint la limite noyau-manteau ».

Les géologues se sont penchés sur cette dernière hypothèse. En comparant les risques sismiques avec les modèles géodynamiques, ils ont pu estimer comment les matériaux subductés se répartissent dans le manteau inférieur. Et leur découverte est étonnante ! « Les zones à vitesse ultra-faible seraient bien associées à des matériaux subductés qui se seraient accumulés le long de la limite noyau-manteau, avec différentes épaisseurs », révèle Samantha Hansen. Elle se réjouit, « la découverte est passionnante, mais elle fait encore débat parmi les scientifiques ». 

Aussi, il est très probable que ces structures évoluent. Si elles sont associées à des matériaux subductés comme le suggère l’équipe de Samantha Hansen, « de nouveaux matériaux seront introduits, entassés et déplacés dans le manteau profond, au fil du temps ». 

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    ANOMALIES DANS LE CHAMP MAGNÉTIQUE TERRESTRE

    La découverte de ces zones de moindre vitesse change notre compréhension du fonctionnement du noyau terrestre. « Toute couche supplémentaire placée au-dessus du noyau influence la température de ce dernier », juge Samantha Hansen. « Le degré de cette influence dépend des propriétés du matériau ».

    En outre, « il est tout à fait possible que les zones de moindre vitesse contribuent à créer des anomalies dans le champ magnétique », estime-t-elle. Le champ magnétique de notre planète, généré par un processus appelé dynamo géophysique, dépend de cet échange de chaleur entre le noyau et le manteau terrestre. Grâce à la chaleur, le fer et le nickel contenu dans le noyau s’écoulent pour former le noyau externe liquide. Les mouvements de ces deux métaux ferromagnétiques s’alignent alors avec l’axe de rotation de notre planète, générant dans la foulée des courants électriques et un champ magnétique. 

    En d’autres termes, « si le flux de chaleur est modifié par une couverture de zones de moindre vitesse, cela pourrait contribuer à la formation d’anomalies dans le champ magnétique terrestre, et pas seulement à l’échelle locale ou régionale, mais à l’échelle mondiale », affirme Samantha Hansen.

    Certaines études ont même suggéré que les zones de moindre vitesse seraient « à l’origine de la fréquence à laquelle se produisent les inversions du champ magnétique terrestre », conclut la scientifique.

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