L'inflammation n'est pas toujours une mauvaise chose : elle peut aussi nous guérir
Fièvre. Douleur. Gonflement. Ces désagréments que nous cherchons à éviter seraient pourtant nécessaires – à petite dose.
Le double jeu de l'inflammation.
Retrouvez cet article dans le numéro 299 du magazine National Geographic. S'abonner au magazine
L’inflammation a mauvaise réputation. Il suffit de songer aux régimes, compléments alimentaires, médicaments et conseils sur notre mode de vie visant à nous soulager, autant que possible, des désagréments des rougeurs, de la douleur, de la fièvre ou des gonflements consécutifs à une blessure ou à une infection.
« Les gens associent [l’inflammation] à quelque chose de négatif », remarque Wolfgang Marx, directeur de recherches et expert en psychiatrie nutritionnelle à l’université Deakin de Melbourne, en Australie.
Or la réalité est bien plus complexe. Les scientifiques savent aujourd’hui que l’inflammation est autant une bienfaitrice qu’une ennemie. Dans des conditions idéales, ce processus physiologique vainc les infections, empêche le cancer de s’installer, guérit les plaies, transforme les vaccins en une protection durable contre les maladies, etc.
En fait, nous ne pourrions pas survivre sans les nombreux rôles que remplit l’inflammation dans le fonctionnement quotidien de notre organisme.
« Chaque facette de la santé humaine dépend de l’inflammation, explique Bali Pulendran, immunologiste à l’université Stanford. Sans le type et le degré d’inflammation appropriés, le système immunitaire ne pourrait pas mettre en place une immunité efficace contre les agents pathogènes. »
Comme pour de nombreuses réactions biologiques, cependant, le danger réside dans l’ampleur de l’inflammation. Lorsque celle-ci persiste de façon chronique à des niveaux élevés après une infection ou une blessure, elle peut altérer les fonctions de l’organisme, et déboucher sur des affections à long terme telles que troubles cardiaques, cancer, diabète de type 2, dépression et maladie d’Alzheimer. Bon nombre de ces affections deviennent plus fréquentes avec le vieillissement, qui est également lié à la hausse du degré d’inflammation. Le système immunitaire est capable d’attaquer les tissus mêmes de l’organisme, entraînant des maladies auto-immunes, comme la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques et la maladie de Crohn. Certains chercheurs tentent aussi de déterminer s’il existe un rapport entre inflammation excessive et Covid long.
L'inflamamtion peut se manifester dans presque tout le corps, comme le montre cette image, réalisée avec une poche de chaud et une caméra thermique.
Lorsque le gériatre et épidémiologiste Luigi Ferrucci a commencé à étudier les liens entre inflammation et vieillissement en 1999, on connaissait cinq ou six molécules, nommées « marqueurs » ou « médiateurs », servant à la mesurer dans l’organisme. Aujourd’hui, on en compte des milliers.
« Désormais, nous sommes à même d’identifier 10 000 protéines dans une goutte de sang. Nous comprenons peu à peu qu’il existe de nombreuses catégories d’inflammation, provoquées par différents médiateurs », explique le spécialiste, qui est aussi directeur scientifique de l’Institut national américain du vieillissement (NIA). « Étudier la façon dont ces derniers sont organisés et connectés nous aide à décoder la réaction inflammatoire. »
Les progrès de la recherche suggèrent que le terme unique d’« inflammation » ne veut pas dire grand-chose, tant il recouvre de phénomènes différents. Rhumatologues, immunologues, chirurgiens orthopédiques, vaccinologues : pour chacun, le mot décrit un ensemble de molécules, d’interactions moléculaires, de symptômes et d’effets distincts, qui pourtant se recoupent souvent.
Plus ils connaissent le processus inflammatoire, mieux les chercheurs parviennent à le maîtriser et à en exploiter les effets bénéfiques. De nouveaux médicaments et des recommandations plus précises en matière d’alimentation et de mode de vie se profilent pour traiter les diverses formes d’inflammation et contribuer à la prévention et au traitement d’un plus grand nombre de maladies. Trouver le moyen de rendre ces innovations accessibles et abordables pour tout un chacun représente une tâche urgente.
Le consensus émergeant au sein de la communauté scientifique est que ce phénomène n’est ni mauvais ni bon en soi ; nous avons juste besoin de la bonne quantité d’inflammation selon une situation donnée. Il ne s’agit pas de l’éliminer. Simplement d’apprendre à la contrôler.
Une radio en couleurs montre une prothèse de genou pour une maladie articulaire dégénérative chez une femme de 79 ans. L’inflammation peut contribuer aux douleurs articulaires, mais fait aussi partie du processus de guérison.
Au temps de son adolescence sportive en Irlande, Joseph Costello prenait souvent un bain glacial après les rudes matchs de football gaélique auxquels il participait. Mais il a ensuite trouvé, pendant ses études à l’université, un moyen encore plus extrême pour refroidir ses articulations et ses muscles endoloris par l’inflammation due à l’exercice physique : rester quelques minutes dans une pièce à -110 °C.
L’expérience était à la fois éprouvante et revigorante, explique Joseph Costello, aujourd’hui physiologiste du sport et de l’environnement à l’université de Portsmouth, en Grande-Bretagne. « C’était littéralement irréel, raconte-t-il. La température la plus froide jamais enregistrée sur Terre était supérieure à celle-là d’environ vingt degrés. »
Les plongeons dans l’eau glacée et les douches froides sont plus que jamais des stratégies à la mode pour lutter contre l’inflammation, mais ce ne sont pas les seules. Les options vont d’injections ciblées requérant l’assistance d’un professionnel de santé à des séances d’exposition à la chaleur. Les résultats de ces diverses techniques sont aussi prometteurs que difficiles à évaluer, certaines études montrant des améliorations, d’autres n’attestant d’aucun bénéfice, d’autres encore indiquant un effet contraire à l’objectif.