Le Yémen face à la pire épidémie de choléra jamais enregistrée
Pris dans un conflit qui s’éternise et face à des conditions sanitaires déplorables, le pays vient de passer le million de cas de choléra.
Suite à la déclaration de la Croix-Rouge en décembre 2017 qui estimait que le Yémen avait franchi la barre du million de cas de choléra, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) vient de rendre un état des lieux de la situation : 1 001 428 cas suspectés et 2 227 décès.
Ces chiffres font de l’épidémie yéménite la pire jamais enregistrée depuis 1949, début des enregistrements. Au niveau national, 21 des 22 gouvernorats (subdivisions administratives territoriales composant le pays, principalement dans les régions à culture arabe ou russe) sont touchés par l’épidémie. Avec seulement la moitié des établissements médicaux en état de fonctionnement, l’OMS appelle à un effort collectif pour endiguer la propagation et surtout lutter contre la résurgence à long terme.
Seulement depuis le début du conflit armé il y a deux ans et demi, les services vitaux nécessaires ne sont pratiquement plus accessibles et plus de 75 % de la population est en besoin d’aide humanitaire. Les affrontements rendent la présence des ONG et de l’OMS irrégulière, ce qui contribue à la dégradation des conditions sanitaires.
« Pourtant la maladie est facile à traiter. Il suffit de réhydrater les patients et d’administrer des antibiotiques » explique Ghassan Abou Chaar, chef de mission pour Médecins sans frontières (MSF) sur 18 gouvernorats yéménites. Sauf que l’accès aux aéroports et aux ports est quasiment impossible ou alors la vérification de la marchandise crée des délais d’acheminement de plusieurs mois. Des produits d'une extrême nécessité comme l'explique Camille Delorme, cheffe de mission de l’ONG Première urgence internationale : « On estime qu’il faut en moyenne 12 kilos de produits et traitements pour soigner un patient atteint du choléra. »
Avec 92 % des districts touchés par l’épidémie, l’urgence humanitaire et sanitaire est bien réelle. La propagation du choléra, qui se fait principalement par l’eau, est facilitée par l’absence d’entretien et la destruction des réseaux d’eau potable du pays lors des affrontements. Les populations sont obligées de se servir en eau des rivières ou des puits, dont le taux de contamination est très élevé, surtout en période de saison des pluies avec les crues. Des centaines de points de réhydratation ont donc été installés par les gouvernorats à travers tout le pays.
Mais le choléra n’est pas la seule ombre au tableau. Depuis le mois d’octobre, une grande épidémie de diphtérie s’est propagée dans 18 des 22 gouvernorats. Fin 2017, on estimait qu’au Yémen, un enfant mourrait toutes les 10 minutes d’une maladie.
Une grande aide humanitaire pourrait être apportée au pays si les ONG et organisations internationales ne faisaient pas face à un blocus les empêchant d’acheminer l’aide nécessaire. Le conflit qui fait rage depuis 2015 oppose les rebelles houthistes anti-gouvernement, qui ont pris le contrôle de la capitale Sadaa et de larges régions du pays, à une coalition menée par l’Arabie Saoudite. Afin de couper les rebelles de tout renfort et de favoriser la prise de contrôle, l’Arabie Saoudite a donc fermé les aéroports et instauré un blocus des cargaisons qui arrivent aux ports. Avec plus de 10 000 morts dans les affrontements et les épidémies qui ravagent la population, l’ONU réclame le terme de ce blocus sous les plus brefs délais afin de faciliter le travail humanitaire.
Les raisons d'espérer une amélioration de la situation demeurent cependant : la moyenne de cas et de contamination a fortement baissé. La semaine dernière, plus de 70 tonnes de médicaments et de matériels ont pu être acheminées à Sadaa, et l’UNICEF a également pu délivrer 6 tonnes de vaccins pour les enfants.
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