Manger trop de sucre durant l’enfance aurait des répercussions à vie

Les enfants consomment aujourd’hui bien plus de sucre que cela n’est recommandé et les effets de cette surconsommation vont bien au-delà de l’enfance. Une nouvelle étude révèle l’influence sur la santé à long terme d’une exposition précoce au sucre.

De Meryl Davids Landau
Publication 17 févr. 2025, 13:34 CET
Il n’y a pas que les bonbons. De nos jours, la plupart des aliments que les ...

Il n’y a pas que les bonbons. De nos jours, la plupart des aliments que les enfants mangent contiennent des sucres ajoutés. Une telle absorption de sucre enfant peut avoir des répercussions sur la santé à l’âge adulte, mais aussi dès l’enfance.

PHOTOGRAPHIE DE Jessica Pettway

Voilà bien longtemps que les parents savent que le sucre peut nuire à la santé de leur enfant, mais un corpus croissant de recherches révèle combien cela peut être préjudiciable. Selon une récente étude publiée dans la revue Science, ces dangers persistent bien au-delà de l’enfance ; tension artérielle élevée et diabète de type 2 sont plus fréquents chez les adultes exposés aux sucres ajoutés dès leur jeune âge. Les résultats de cette étude et d’autres recherches indiquent clairement que les enfants consomment aujourd’hui bien plus de sucre qu’il n’est idéalement souhaitable.

Si une consommation excessive de sucre est également néfaste pour les adultes, celle-ci semble particulièrement problématique à un âge où les préférences alimentaires sont en train de se former. « Si l’on vous a exposé à des aliments sucrés dès votre jeune âge, il est probable que vous allez les préférer tout au long de votre vie, et ce davantage qu’une personne qui n’y a pas été exposée », explique Tadeja Gracner, scientifique de l’Université de Californie du Sud et co-autrice de l’étude.

Le sucre est naturellement présent dans des aliments, comme les fruits, mais il est également souvent ajouté lors de leur transformation ou de leur préparation. Aux États-Unis, les enfants ingèrent de grandes quantités de sucres ajoutés ; ils en consomment l’équivalent de dix-sept cuillères à café par jour environ (cela représente près de 300 calories).

C’est bien supérieur à la limite de 10 % de l’apport calorique journalier que doivent représenter les sucres ajoutés d’après les recommandations des autorités sanitaires en ce qui concerne les enfants âgés de plus de deux ans et c’est également loin du pourcentage idéal de 5 % des calories totales suggéré par l’Organisation mondiale de la santé (10 % représentent 100 à 200 calories environ selon l’âge de l’enfant). Les enfants âgés de moins de deux ans ne devraient pas manger de sucres ajoutés. Selon les chiffres de l'Anses, en France 60 % des enfants âgés de huit à douze ans dépassent les 75 grammes de sucre par jour et 75 % des enfants âgés de quatre à sept ans dépassent 60 grammes par jour.

Faire baisser ces chiffres est difficile dans une société où le sucre est omniprésent, et pas uniquement au rayon friandises. On trouve du sucre dans les sodas, dans les céréales pour le petit-déjeuner, dans de nombreux aliments et snacks transformés et salés et même dans les aliments pour bébés. On a si largement accepté le fait qu’enfants et bonbons fassent naturellement bon ménage que certains cabinets de pédiatres distribuent même des sucettes.

« Cela ne veut pas dire qu'il ne faudrait jamais donner de friandises à son enfant », tempère Tadeja Gracner. Mais ses recherches, ainsi que d’autres, montrent clairement que « le fait de réduire l’exposition aux sucres ajoutés dès les premières années de la vie est un moyen puissant de préserver la santé à long terme ».

 

UNE EXPÉRIENCE IDÉALE

Pour étudier l’impact de la consommation de sucre dès le jeune âge, Tadeja Gracner et ses collègues ont découvert une expérience naturelle unique en son genre. Lors de la Seconde Guerre mondiale, le Royaume-Uni a imposé des restrictions strictes concernant la quantité de sucre et de produits à base de sucre que la population pouvait acheter. Ces rationnements se sont poursuivis jusqu’en 1953, soit bien après la fin de la guerre.

Les chercheurs ont comparé des enfants nés juste avant la fin du rationnement avec d’autres enfants conçus ou nés peu après. Puisque la consommation de sucre a doublé peu après la levée du rationnement, ils ont pu sereinement partir du principe que les membres de ce dernier groupe avaient ingéré bien plus de sucre durant les premières années de leur vie.

À l’aide d’une vaste base de données de santé tenue par le gouvernement britannique, ils ont ensuite scruté l’état de santé d’approximativement 60 000 de ces enfants plusieurs décennies plus tard. Ceux qui avaient été exposés à des quantités rationnées présentaient un risque de diabète inférieur de 35 % et un risque d’hypertension inférieur de 20 % à l’âge adulte que ceux nés dans un monde sans restriction par rapport au sucre.

Ces résultats concordent avec des résultats montrant que les maladies contractées in utero et au début de la vie préparent le terrain à une bonne ou à une mauvaise santé ultérieure.

 

LE SUCRE NUIT ÉGALEMENT AUX ENFANTS DÈS LEUR PLUS JEUNE ÂGE

D’autres recherches montrent clairement qu’une consommation excessive de sucre affecte également la santé des enfants, et ce dès l’enfance.

Tout d’abord, les aliments sucrés sont riches en calories, ce qui contribue au taux élevé d’obésité infantile, qui est associé à un certain nombre de problèmes de santé ; un enfant américain sur cinq est obèse et 13 % des enfants âgés de deux à cinq ans le sont. En France, la Haute autorité de santé estime à 4 % le nombre d'enfants obèses âgés de six à dix-sept ans.

Une consommation de sucre trop importante est également associée à l’augmentation des cas de diabète de type 2 chez les enfants. Cette ancienne « maladie de l’âge adulte » affecte désormais près de 50 000 enfants. Des études montrent que chaque portion quotidienne de 24 cL de boisson sucrée (jus de fruit à 100 % y compris) consommée par les garçons est associée à une augmentation de 34 % de la résistance à l’insuline. À l’inverse, les taux d’insuline élevés de quarante-trois enfants noirs et latinos atteints d’obésité ont chuté après neuf jours seulement lorsque des chercheurs ont réduit leur apport en sucre à 10 % de leur apport calorique total. Ces mêmes enfants ont également vu la graisse de leur foie diminuer considérablement après cette réduction, ce qui a son importance, car cette graisse peut entraver la fonction hépatique et provoquer des cancers et d’autres maladies.

Parmi les autres effets sur la santé d’une trop grande consommation de sucre figurent notamment l’apparition de règles précoces chez les filles et, bien entendu, un taux plus élevé de caries.

Une chose que le sucre ne fait en revanche pas est de rendre les enfants hyperactifs ; une théorie répandue il y a plusieurs décennies et réfutée par la science dans les années 1990. Mais cela peut conduire à d’autres problèmes cognitifs. Une étude réalisée sur des rats adolescents mâles a mis en évidence un déficit de l’attention et une impulsivité accrue chez ceux à qui l’on avait administré beaucoup de fructose lorsqu’ils étaient bébés.

 

MÊME EN PETITES QUANTITÉS LE SUCRE PEUT AVOIR DES EFFETS CONSÉQUENTS

Il ne faut pas beaucoup de sucre pour entraîner de tels effets négatifs pour la santé. Un groupe de jeunes adultes a consommé diverses quantités de sucre par le biais de boissons sucrées sur une période de deux semaines ; ceux qui obtenaient 25 % de leurs calories quotidiennes sous la forme de sucres ajoutés voyaient le plus leur graisse hépatique et leur taux de cholestérol augmenter ; mais le problème apparaissait aussi chez les personnes pour qui ces quantités représentaient 10 % de leurs calories quotidiennes. 

« J’ai été choquée quand nous avons constaté ces différences au sein de ce groupe [plus modéré] », se souvient Kimber Stanhope, biologiste de la nutrition à l’Université de Californie à Davis qui a conduit ces recherches. Bien que ses recherches portent sur des adultes, elle croit que les résultats seraient similaires chez la plupart des enfants, sauf chez ceux qui sont extrêmement actifs physiquement et à qui ce sucre pourrait servir à apporter de l’énergie.

Selon elle, le sirop de maïs à haute teneur en fructose, qui combine deux sucres, le fructose et le glucose, et qui est présent dans la plupart des boissons sucrées et dans de nombreux aliments ultra-transformés, semble problématique pour le foie. Cela est dû au fait qu’une enzyme limite la quantité de glucose qui peut être envoyée au foie depuis les intestins en une seule fois, alors qu’il n’existe pas d’enzyme correspondante pour le fructose. Quand une grande quantité est absorbée d’un seul coup, « une grande quantité finit stockée sous forme de graisse dans le foie », explique-t-elle.

 

COMMENT TRAQUER LE SUCRE

Réduire la quantité de sucres ajoutés que consomme votre enfant est une tâche coriace. Pour Joshua Tarkoff, endocrinologue pédiatrique au Nicholas Children’s Hospital de Miami qui conseille fréquemment des parents sur la manière de réduire le sucre, il faut tout d’abord commencer par mettre sa casquette de Sherlock Holmes. Lire les étiquettes n’est utile que lorsque vous prenez conscience que le sucre porte des dizaines de noms sur les listes d’ingrédients des produits : maltose, dextrose, sirop de glucose-fructose et même concentré de jus de fruits naturel, « ce qui peut sembler sympathique alors que ça ne l’est pas ».

Exiger des entreprises qu’elles clarifient les étiquettes pourrait aider. Une étude a montré que le simple fait d’apposer de simples avertissements visuels sur les boissons sucrées réduisait les achats des parents de 17 %. Mais dans le même temps, si les parents se focalisaient sur certains types d’aliments, ils pourraient mieux gérer ces dilemmes vis-à-vis du sucre. Il y a bien entendu les biscuits et les bonbons, mais d’autres aliments sont chargés de sucres ajoutés également.

Encouragez les enfants à boire plus d’eau et moins de boissons sucrées, d’autant que près de deux tiers d’entre eux en consomment un verre ou plus par jour. « S’ils boivent du jus au petit-déjeuner, du lait chocolaté au déjeuner, du soda après l’école, cela représente des centaines de calories ; et cela ne leur procure pas de sentiment de satiété », explique Joshua Tarkoff. Ne vous faites pas avoir par les étiquettes qui affirment qu’un jus est 100 % naturel ou à haute teneur en vitamine C. La recherche montre que cela induit les parents en erreur et leur fait croire que la boisson est moins nocive qu’elle ne l’est réellement.

Le petit-déjeuner est également un coupable répandu. Les céréales que de nombreux enfants mangent sont en fait un « dessert semi-liquide », affirme Joshua Tarkoff. Choisir de manger de l’avoine nature (et non transformé) avec un fruit peut permettre de réduire le sucre le matin.

Les en-cas que les enfants mangent tout au long de la journée représentent un plus grand défi, car la majorité d'entre eux contient de grandes quantités de sucre. La même chose vaut pour la restauration rapide. « La nature a rendu le sucre difficile à obtenir ; l’homme a rendu cela facile », observe Joshua Tarkoff. Les aliments transformés sont peut-être pratiques mais plus un enfant mange d’aliments complets et de repas faits maison, moins de sucre il absorbe.

Il est également avisé d’éviter de donner une friandise sucrée à un enfant pour apaiser ses larmes après une chute ou une bagarre avec un autre enfant. « On peut développer une addiction au réconfort qu’apporte notre aliment préféré à haute teneur en sucre », un état d’esprit qui peut apparaître dès l’enfance, ainsi que le note Kimber Stanhope.

S’il peut être tentant de recourir aux édulcorants artificiels, ceux-ci comportent leurs propres risques. La sucralose, un édulcorant répandu, est associée à l’obésité, ainsi qu’à l’inflammation du foie et à une détérioration des microbes bénéfiques au fonctionnement de l’intestin, selon une analyse publiée en 2024.

Cependant, il n’est pas réaliste de chercher à éliminer complètement le sucre. Lors de la prime jeunesse d’un enfant, les parents en sont les gardiens nutritionnels, mais cette bulle finit tôt ou tard par éclater. « Le but est d’essayer d’enseigner des limites aux enfants ; quand manger du sucre et quelle quantité, rappelle Tadeja Gracner. L’idée est que lorsqu’ils seront en dehors de la maison et qu’ils seront en mesure de manger ce qu’ils veulent, les préférences que vous aurez contribué à établir tôt dans leur vie auront une influence. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

les plus populaires

    voir plus
    loading

    Découvrez National Geographic

    • Animaux
    • Environnement
    • Histoire
    • Sciences
    • Voyage® & Adventure
    • Photographie
    • Espace

    À propos de National Geographic

    S'Abonner

    • Magazines
    • Livres
    • Disney+

    Nous suivre

    Copyright © 1996-2015 National Geographic Society. Copyright © 2015-2025 National Geographic Partners, LLC. Tous droits réservés.