On ne sait toujours pas ce qui provoque le hoquet

Depuis toujours ou presque, on cherche à faire passer le hoquet en buvant de l’eau... Pourtant, on sait encore peu de choses sur l’apparition de ce réflexe ancestral et sur les méthodes pour y mettre fin.

De Alejandra Borunda
Publication 6 avr. 2023, 15:01 CEST
hiccup-cure

Depuis toujours ou presque, les personnes atteintes de hoquet ont recours à des remèdes faits maison pour faire passer ce réflexe corporel. C’est le cas de cette femme qui buvait un verre la tête en avant en 1955. Toutefois, en appréhendant les origines évolutives lointaines du hoquet, la science se rapproche de l’élaboration de traitements efficaces.

PHOTOGRAPHIE DE Three Lions, Getty Images

Sierra Pisinti connaît bien le hoquet.

Elle aimerait vraiment, mais alors vraiment, qu’il ne lui soit pas si familier. Ses accès de hoquet sont bruyants et douloureux, peuvent durer des heures, et se manifestent plus d’une dizaine de fois par mois depuis sa naissance. Les mauvais jours, cela peut lui donner l’impression de recevoir un coup de poing dans la poitrine. « C’est un cauchemar », confie cette mère au foyer californienne.

Vos hoquets ne sont probablement pas aussi graves que ceux de Sierra Pisinti, mais vous reconnaissez à n’en pas douter cette sensation redoutée : des contractions de la poitrine, les « hics » caractéristiques et les tentatives désespérées de les faire passer. Et vous vous posez probablement la même question qu’elle : « Comment est-il possible qu’il n’existe pas de solution ? »

Le hoquet trouve son origine dans les tréfonds de notre histoire évolutive. Pourtant, malgré des millions d’années de présence humaine, des centaines de milliers d’années de résolution de problèmes en tous genres, et des décennies de médecine moderne, son origine et sa raison d’être demeurent en grande partie obscures.

« Les choses comme celles-là, que l’on considère évidentes ou très simples, sont souvent ignorées par de nombreux médecins », déplore Mark Fox, gastroentérologue de l’Hôpital universitaire de Zurich. « Déglutir, manger, boire, les choses de la vie normale, rien de tout cela ne vous tuera si ça fonctionne mal. Mais ça va ruiner votre vie ! »

Petit à petit, des chercheurs identifient les deux facteurs de l’équation du hoquet : pourquoi il existe ; et comment faire pour s’en débarrasser.

 

A-T-ON LE HOQUET PARCE QUE NOUS ÉTIONS DES POISSONS ?

Le hoquet est un réflexe élémentaire, comme le mouvement brusque qui se produit quand un médecin vous tape dans le creux du genou. De plus, il est omniprésent chez les mammifères, du chien domestique au cheval en passant par le lapin.

Le hoquet est contrôlé par un « arc » réflexe qui achemine les signaux nerveux du diaphragme au cerveau avant d’effectuer le chemin inverse, encore et encore. Tout d’abord, quelque chose fait se contracter le diaphragme, le muscle voûté situé à la base de vos poumons. Celui-ci se déplace vers le bas en se contractant, ce qui laisse de la place aux poumons pour se gonfler, comme c’est le cas lors d’une inspiration normale. Mais en pleine respiration, ce réflexe ordonne à votre épiglotte, la petite languette située tout en haut de votre gorge qui évite que la nourriture ne tombe dans votre trachée, de se refermer brusquement. C’est de là que provient le « hic », et ce cycle se reproduit jusqu’à ce que quelque chose vienne interrompre cet arc.

L’amorce initiale provient souvent du nerf phrénique ou bien du nerf vague, qui sont apparus chez nos ancêtres ichtyens et amphibiens qui respiraient à l’aide de branchies pour évoluer dans leur milieu aquatique. Le coupable tout désigné est le nerf phrénique, long cordon à la forme loin d’être optimale qui descend en s’enroulant dans la poitrine jusqu’au diaphragme. Il est apparu chez les ancêtres ichtyens des mammifères, mais le leur était court. En effet, il allait droit aux branchies, juste à côté du cerveau, au lieu de faire tout ce chemin jusqu’au diaphragme. Chez les mammifères d’aujourd’hui, on peut dire qu’il y a tout bonnement trop de nerfs à chatouiller et à faire réagir.

Le hoquet a peut-être été utile quand les poissons ont évolué pour devenir des amphibiens vivant en partie sur la terre ferme. Ils ont eu besoin d’alterner entre leurs systèmes respiratoires : les branchies sous l’eau, les poumons à l’air libre. Le « hic » qui se produit lors de la fermeture de cette ancestrale épiglotte leur permettait d’envoyer de l’eau dans la bouche, puis jusqu’aux branchies pour que leurs poumons ne se remplissent pas.

Pour Dan Howes, urgentiste de l’Université Queen’s qui s’intéresse depuis longtemps au hoquet, c’est un bon rappel que l’évolution ne fait pas les choses parfaitement, elle se sert de ce qu’elle a sous la main. 

 

OU PEUT-ÊTRE QUE NOUS AVONS LE HOQUET PARCE QUE NOUS AVONS UN JOUR ÉTÉ DES BÉBÉS

Mais puisque nous ne respirons plus sous l’eau, pourquoi ce réflexe n’a-t-il pas disparu ?

Parce que comme l’indique Dan Howes, cela comporte peut-être d’autres avantages. Une chose que (presque) tous les bébés mammifères font est de téter du lait. Les bébés ont des accès de hoquet bien plus souvent que les adultes. En buvant du lait, ils aspirent un peu d’air en plus ; ainsi, suggère Dan Howes, le hoquet aide peut-être à expulser cet air en trop de l’estomac par réflexe, comme lorsque que l’on se force à roter.

Certains éléments tendent à montrer qu’après avoir éructé, les bébés peuvent absorber 20 à 30 % de lait en plus, un apport important de calories supplémentaires et « une prime à la survie assez conséquente », fait-il observer.

Il n’y a pas que les nourrissons qui hoquètent souvent (jusqu’à 1 % de la durée d’une journée entière) : des fœtus de dix semaines à peine y parviennent. Et, de toute évidence, ils ne tètent pas encore.

Kimberley Whitehead, chercheuse à l’University College de Londres, a émis l’hypothèse que le hoquet pourrait servir à entraîner le cerveau des fœtus à cartographier l’intérieur de leur corps. « Un bébé doit apprendre : "Où est mon diaphragme ? Où se trouve cet endroit qui me permet de contrôler ma respiration ?" », explique-t-elle. Le hoquet leur permet donc peut-être de « s’entraîner » à respirer de sorte à être immédiatement opérationnels au moment de leur naissance.

Pour l’une de ses études, elle a posé des électrodes sur une série de bébés, dont certains étaient prématurés et d’autres âgés de quelques mois, afin de réaliser des électroencéphalogrammes et a observé leur cerveau quand ils étaient pris par un accès de hoquet. La région de leur cortex associée à la cavité thoracique, la partie centrale du corps où sont logés les poumons et le diaphragme, s’allumait quand ils hoquetaient. Cela indiquait que le hoquet déclenchait une activité cérébrale et donc aidait les bébés à intégrer une « cartographie » de ces muscles dans leur cerveau.

 

PEUT-ON S’IL-VOUS-PLAÎT M’AIDER À FAIRE PASSER CE HOQUET, LÀ MAINTENANT ?

Aux États-Unis, près de 4 000 personnes se rendent chaque année dans un hôpital pour qu’on les aide à se débarrasser de cette affection bénigne, mais la plupart des gens se débrouillent seuls : le hoquet est une des requêtes de santé les plus fréquentes sur le moteur de recherche Google.

La plupart des cas disparaissent d’eux-mêmes sous deux jours. Les accès plus prolongés peuvent être le symptôme d’un problème sous-jacent, une tumeur cérébrale par exemple. Les accès plus longs et continus de « hoquet incurable » sont également un effet secondaire de la chimiothérapie ou de l’utilisation de stéroïdes ; plus de 90 % des cas surviennent chez des hommes de plus de 50 ans. Pour les cas incurables, le meilleur traitement est de traiter la maladie sous-jacente.

Les médecins ont testé un éventail de médicaments pour faire passer le hoquet : certains détendent les muscles, et calment possiblement un diaphragme en proie aux spasmes, ou bien modifient la réactivité des nerfs. Mais les « preuves de bonne qualité manquent à l’appel pour que l’on puisse prescrire un traitement spécifique », écrivaient des neuroscientifiques de l’Université Loyola de Chicago dans une étude parue en 2018.

Un groupe de recherche japonais emploie une autre stratégie : faire respirer les patients dans un environnement à haute teneur en CO2. « Dit simplement, un certain niveau de rétention du CO2 dans le corps trompe le cerveau et lui fait croire qu’il y a une urgence vitale et cela lui fait oublier le hoquet », écrit Toshiro Obuchi, spécialiste de chirurgie thoracique et du hoquet officiant au St. Mary’s Hospital, au Japon. 

Mais si vous ne pouvez pas vous rendre au Japon pour que le docteur Obuchi vous soigne, les légendes urbaines qui préconisent de boire un verre d’eau entier d’une seule traite, de vous mettre la tête en bas ou de faire en sorte qu’on vous terrorise, ne sont pas de si mauvais conseils, car elles ont en commun un principe essentiel : l’interruption de l’arc réflexe de sorte que les nerfs et les muscles soient distraits par quelque chose d’autre, ainsi que l’explique Ali Seifi, neuro-intensiviste de l’Université du Texas à San Antonio qui s’est mis en tête de trouver un remède lorsqu’un de ses patients s’est réveillé atteint d’un inexplicable hoquet après un acte chirurgical au cerveau.

Boire un verre d’eau d’une traite force par exemple votre diaphragme à continuer à produire une succion continue, ce qui a pour effet d’occuper le nerf phrénique et d’interrompre une partie du réflexe. Un bon coup de frousse oblige quant à lui le nerf vague, maître des réponses apaisantes, à s’activer et à interrompre l’autre partie du réflexe.

Mais Ali Seifi a mis au point un outil encore plus efficace : le Hiccaway, une paille qui oblige la personne qui boit à aspirer très fort, comme lorsque l’on boit avec une paille à milkshake. Selon son hypothèse, cet effort fait participer les deux nerfs et annihile leur capacité à perpétuer le hoquet.

À l’instar de nombreuses personnes atteintes d’un hoquet qui n’en finit pas, Sierra Pisinti ne s’est jamais vue diagnostiquer un hoquet incurable ; la médecine ne prend pas toujours ce mal au sérieux. Cette paille a donc été une révélation pour elle. Elle s’en empare dès les premiers signes de hoquet, et bien que cette méthode ne l’en débarrasse pour de bon, elle lui permet de reprendre temporairement le dessus. « Ça change la vie », se réjouit-elle.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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