Ce dinosaure "momifié" avait un pied en forme de sabot

Un fossile étonnant découvert en Amérique du Nord aide les chercheurs à comprendre comment certains tissus mous peuvent se conserver pendant des dizaines de millions d’années sans se décomposer.

De Riley Black
Publication 23 avr. 2025, 10:23 CEST
Deux Edmontosaurus costauds se disputent une partenaire dont on aperçoit le pied avant qui a la ...

Deux Edmontosaurus costauds se disputent une partenaire dont on aperçoit le pied avant qui a la forme d’un sabot et est recouvert par un ongle.

ILLUSTRATION DE DAVIDE BONADONNA, Nat Geo IMAGE COLLECTION

Bien qu’il soit connu de la science depuis plus d’un siècle, Edmontosaurus, dinosaure à bec de canard, continue de surprendre. En 2013, des paléontologues avaient révélé que ces dinosaures herbivores étaient pour certains dotés d’une crête de chair, très semblable à celle des coqs, au sommet de leur crâne. Mais une nouvelle étude a mis au jour une autre caractéristique inattendue à côté de laquelle les spécialistes étaient passés. Edmontosaurus possédait l’équivalent reptilien d’un sabot : ses orteils centraux étaient reliés et couverts par un ongle de grande taille.

On doit cette découverte à l’analyse d’une « momie » d’Edmontosaurus répondant au nom de Dakota, publiée en octobre 2022 dans la revue PLOS ONE. D’autres fossiles remarquables d’Edmontosaurus ont été découverts, mais Dakota est l’un des plus exhaustifs. En plus de la découverte de ce sabot, Dakota renseigne sur la façon dont les os et les tissus de dinosaure se conservent dans le temps.

On appelle parfois « momies » les fossiles de dinosaures aux tissus préservés, comme la peau par exemple. D’après Stephanie Drumheller-Horton, paléontologue de l’Université du Tennessee à Knoxville, jusqu’à ce jour, « on pensait que [pour qu’elles soient préservées], il fallait que les momies de dinosaures aient été ensevelies rapidement ». On pensait que les carcasses laissées à l’air libre attiraient des charognards qui venaient se servir sur la dépouille, et que l’exposition au Soleil, au vent et à la pluie pouvait aussi contribuer à la dégradation du corps. Plus vite le dinosaure était recouvert de sédiments pour le protéger de ces forces destructrices, plus ses tissus mous avaient de chances d’être préservés, pensaient les chercheurs.

Pourtant, selon Stephanie Drumheller-Horton, ces explications n’ont jamais complètement satisfait, car les insectes, les champignons et les micro-organismes peuvent tout de même s’en prendre à une carcasse ensevelie. Il devait y avoir une autre explication à la formation de ces fossiles momifiés… Et justement, Dakota révèle un processus inattendu qui permet à la peau et à d’autres fragments comme la kératine des ongles de subsister assez longtemps pour se frayer un chemin jusqu’au registre fossile.

« Les peaux de dinosaures sont étonnamment banales dans le registre fossile », commente Stephanie Drumheller-Horton, et la façon dont Dakota s’est préservée explique peut-être pourquoi.

 

DES RESTES DE PEAU

Dakota n’a pas été enterré rapidement. En réalité, Drumheller-Horton et ses collègues proposent que, il y a plus de 66 millions d’années, la carcasse du dinosaure soit restée exposée au sol, se desséchant au fil des semaines, voire des mois. Des charognards sont venus se nourrir du corps, comme en témoignent des zones de la peau de Dakota montrant des marques de morsures laissées par des carnivores ayant grignoté la carcasse avant son enfouissement.

« Nous savons qu’au moins deux carnivores, peut-être plus, ont consommé des parties du bras et de la queue de l’animal après sa mort », explique Drumheller-Horton. Ces mangeurs de viande opportunistes ont même pu contribuer à la préservation de la peau de Dakota.

La peau de Dakota, fossile d’Edmontosaurus. Selon les chercheurs, si cette peau s’est si bien conservée, ...
Kératine d’un ongle qui recouvrait la majeure partie du pied avant-droit du dinosaure.
Gauche: Supérieur:

La peau de Dakota, fossile d’Edmontosaurus. Selon les chercheurs, si cette peau s’est si bien conservée, c’est parce qu’après que des charognards ont dévoré la dépouille du dinosaure, fluides et gaz ont pu s’échapper de son corps, permettant ainsi à cette peau résistante de sécher avant qu’elle ne soit ensevelie.

Droite: Fond:

Kératine d’un ongle qui recouvrait la majeure partie du pied avant-droit du dinosaure.

Photographies de Daan Meens

Les marques de morsures suggèrent que des charognards ont ouvert la paroi abdominale du dinosaure, ce qui aurait permis aux fluides, gaz et microbes générés par la décomposition de s’échapper. Tandis que les viscères étaient soit consommées par des charognards, soit se décomposaient, la peau parsemée d'écailles de l’hadrosaure a pu se dessécher au soleil, formant une sorte d’enveloppe autour des os avant que l’animal ne soit enterré. Drumheller-Horton et ses collègues notent que c’est pour cette raison que Dakota semble « dégonflé », avec la peau rétractée sur les os plutôt que positionnée comme lorsqu’il était vivant.

Les paléontologues sont intrigués par l'excellente préservation de ces « momies » de dinosaures depuis des décennies, et ce nouvel article « présente des arguments solides » montrant que Dakota a été exposé aux éléments avant d’être enterré, comme l'affirme Karen Poole, paléontologue à l’Institut de technologie de New York, qui n’a pris part à l’étude en question. Même s’il est difficile de déterminer à quel moment les charognards se sont nourris des restes de Dakota, elle souligne qu’il est clair que le fossile est celui d'un dinosaure partiellement décomposé et desséché, et non un cadavre intact.

Dakota n’est probablement pas le seul hadrosaure dans ce cas. Les paléontologues mettent régulièrement au jour de la peau ou des empreintes de peau d'hadrosaures, mais rarement d’autres tissus mous, comme des organes internes. Ce schéma pourrait indiquer que la peau des hadrosaures était si résistante qu’elle n’attirait pas vraiment les carnivores, et qu’elle pouvait persister beaucoup plus longtemps que les parties plus molles du corps du dinosaure, augmentant ainsi ses chances d’entrer dans les archives fossiles.

 

DE DRÔLES DE SABOTS

Des spécimens comme Dakota peuvent transformer notre vision de ce à quoi pouvaient ressembler les dinosaures, souvent fondée uniquement sur les os retrouvés. Chez les animaux modernes, de nombreuses structures importantes – comme la trompe d’un éléphant ou les fanons d’une dinde – ne contiennent aucun os, ce qui signifie qu’on n’en aurait aucune trace si l’on ne disposait que de leurs fossiles. Les dinosaures possédaient sans doute aussi des ornements et des parties du corps qui n’ont laissé aucune trace squelettique, et ce sont des fossiles exceptionnellement bien conservés comme celui de Dakota qui permettent de les révéler.

Les pattes avant de Dakota ont particulièrement surpris les paléontologues. D’après les squelettes, ils savaient qu’Edmontosaurus avait quatre doigts à chaque patte. D’autres momies d’hadrosaures et des empreintes fossiles suggéraient que ces doigts étaient enroulés en une sorte de « moufle », agissant presque comme un seul pilier plutôt que comme des doigts écartés.

Dakota apporte des précisions sur cette structure. « Le terme "sabot" a été appliqué à ce spécimen sur les réseaux sociaux lorsque les images de la patte ont fuité, et il est resté depuis », explique Clint Boyd, co-auteur de l’étude. Cette structure ne ressemble pas exactement au sabot d’un cheval, car l’enveloppe dure ne s’étend pas jusqu’au bas de la patte, mais l’anatomie de Dakota présente tout de même une apparence de sabot, avec un grand ongle recouvrant les doigts du milieu, contrairement à la plupart des pattes de reptiles.

« La main commence soudain à ressembler à un seul sabot, avec un petit ergot de chaque côté », commente Poole.

Dakota recèle probablement encore d’autres secrets à découvrir. « On suppose souvent que la peau des dinosaures est conservée sous forme de moulage ou d’empreinte », dit Drumheller-Horton, « mais chez Dakota, nous pouvons voir que la peau elle-même est présente en trois dimensions. » Ce n’est pas seulement la forme, mais bien la peau réelle qui a été préservée pendant plus de 66 millions d’années.

« Des découvertes comme celle de Dakota sont une excellente occasion de prendre du recul », conclut Poole, « et de réfléchir aux hypothèses que nous faisons sur l’anatomie de ces créatures. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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