FOBO : quand faire un choix nous angoisse

Chaque jour, nous devons effectuer des milliers de choix, plus ou moins importants. Plus les possibilités sont nombreuses, plus le choix est difficile. C’est ce que l’on appelle le FOBO, de l'anglais "Fear Of Better Options".

De Morgane Joulin
Publication 1 juil. 2024, 18:04 CEST
Chaque jour, notre cerveau est amené à prendre environ 6 000 décisions, plus ou moins importantes.

Chaque jour, notre cerveau est amené à prendre environ 6 000 décisions, plus ou moins importantes.

PHOTOGRAPHIE DE Bruce Dale

Chaque jour, notre cerveau est amené à prendre environ 6 000 décisions, plus ou moins importantes. Quelle chemise choisir ? Que faire à manger pour dîner ? Quelles études entreprendre ? Bien évidemment, toutes ces décisions n’ont pas la même importance, et ne demandent pas la même implication psychique. 

Avec l’arrivée d’Internet, les options se sont multipliées. Pour acheter un nouveau vélo, vous aurez le choix entre choisir un modèle neuf ou de seconde main, l’acheter en ligne ou dans un magasin, et il faudra ensuite choisir la couleur, le modèle, la garantie, etc. Avant, il y avait beaucoup moins d’options disponibles et donc beaucoup moins de choix. 

Cette profusion de choix a longtemps été vue comme quelque chose de très positif, un témoignage de développement économique. Pourtant, choisir provoque chez certaines personnes une forme d’angoisse. Bien sûr, il est normal d’être stressé pour certains types de décisions, que l’on juge très importantes. Par exemple, choisir son orientation professionnelle est souvent un moment difficile pour un grand nombre de lycéens

En outre, même lorsqu’il s’agit d’un loisir ou d’une activité visant à détendre, l’angoisse est parfois présente. Selon une étude d'Hotels.com menée auprès de 1 000 adultes français ayant séjourné dans un hôtel en France, publiée en avril 2024, 58 % des Français reconnaîtraient ainsi souffrir d’une « paralysie de l'analyse en matière de vacances ».

 

LE « SYNDROME DES INDÉCIS »

Ce « syndrome des indécis », inhérent à la profusion d'offres et à la multiplication des possibles, est appelé FOBO (« Fear Of Better Options », ou « Peur d’une Meilleure Option » en français). Ce néologisme a été utilisé la première fois en 2004 par un étudiant de Harvard, dans un article du Harbus, le journal de la prestigieuse école. Il est à distinguer du néologisme plus connu FOMO (« Fear Of Missing Out », la « peur de rater quelque chose » en français), même si les deux peurs ont pour point commun d’avoir été exacerbées par la technologie, et donc d'être plus présentes chez les jeunes générations. Dans son article, l’étudiant affirmait que ses camarades de classe et lui étaient « paralysés à l'idée de s'engager concrètement dans quoi que ce soit, par peur de ne pas choisir l'option la plus parfaite d'entre toutes (...) Soit les conséquences d'un monde hyper-encombré et hyperconnecté où tout semble possible et où par conséquent, on a l'embarras du choix ».

« Faire des choix, ça fatigue. On pourrait ne pas vouloir faire de choix, non pas par ce que ça nous angoisse, mais par ce que la perspective d’investir l’effort mental requis est aversive », explique Jean Daunizeau, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et codirecteur de l’équipe motivation cerveau et comportement à l’Institut du Cerveau.

L’avènement d’Internet a grandement participé à amplifier le phénomène. Aujourd’hui, lorsque l’on souhaite commander une nouvelle paire de chaussures, le choix est presque infini, accentué par l’essor du marché de la seconde main. Or, cette prolifération d’options, si elle peut paraître en premier lieu positive, ne fait que renforcer ce sentiment de doute. « Plus il y a d’options dans le choix, plus c’est coûteux », résume ainsi Jean Daunizeau. 

En 2000, une étude montrait que face à un choix, plus l’éventail des possibilités était mince, plus grande était la satisfaction que l’on en retirait. Il peut sembler stimulant d'avoir une grande variété de choix, mais il ne faut pas sous-estimer la puissante crainte que cela engendre, celle d'éventuellement ne pas faire le meilleur choix.

Pour autant, Jean Daunizeau nuance : « Je ne crois pas à l’angoisse de faire des choix en général. Je pense que si certaines personnes sont angoissées à l’idée de faire des choix, il s'agit soit d’un trait de personnalité, soit d’un trouble. » Malgré tout, il note que faire un choix est « coûteux en termes d’effort mental », pour plusieurs raisons. D’après lui, lorsque l’on prend une décision consciente, il faut évaluer les conséquences de ses actions, peser le pour et le contre. Cela représente un effort mental, car il faut chercher l’information, la mémoriser et l’assimiler. De surcroît, certaines décisions peuvent être intuitivement favorisées, à notre insu. « Par exemple, si je vous demande de choisir entre une récompense immédiate et une récompense plus importante, mais associée à un délai plus important, (dix euros maintenant ou vingt euros dans une semaine, par exemple), l'inclination naturelle est de prendre la récompense immédiate. Il pourrait y avoir une certaine forme d’effort mental, à résister à ce type d'intuition. » 

Au-delà de la prolifération des choix, le caractère définitif est lui aussi très important dans la prise de décision. Lors d'une expérience, le psychologue Daniel Gilbert a offert à des centaines de personnes la possibilité de sélectionner un poster parmi une sélection. Ensuite, il a séparé le groupe en deux. Le premier groupe devait sélectionner un poster et disposait d'un mois pour le remplacer par un autre. Le deuxième groupe lui, devait faire tout de suite un choix définitif. 

Un sondage réalisé par les participants a montré quelque temps plus tard que les participants du second groupe étaient beaucoup plus satisfaits de leur décision. Il en a conclu que les décisions importantes et irréversibles ne sont pas mauvaises en soi. Ce qui est risqué, d’après lui, c'est de ne pas les prendre en compte comme telles.

Ainsi, si le choix est inhérent à notre quotidien, il peut arriver qu’il soit plus ou moins aisé à réaliser en fonction des différents critères qu’il convoque. Pour tenter de répondre à cette difficulté, le rédacteur du New York Times Tim Herrera propose une solution qu’il nomme « MFD », pour Mostly Fine Decision, « décision en grande partie satisfaisante » en français. L’idée est de ne pas passer trop de temps à tergiverser et à prendre la décision qui, in fine, « rend le plus heureux » : « le MFD est le résultat minimum que vous êtes prêt à accepter comme conséquence d'une décision. » C'est ce qui vous conviendrait parfaitement, sans pour autant que le résultat soit parfait. 

les plus populaires

    voir plus
    loading

    Découvrez National Geographic

    • Animaux
    • Environnement
    • Histoire
    • Sciences
    • Voyage® & Adventure
    • Photographie
    • Espace
    • Vidéos

    À propos de National Geographic

    S'Abonner

    • Magazines
    • Livres
    • Disney+

    Nous suivre

    Copyright © 1996-2015 National Geographic Society. Copyright © 2015-2024 National Geographic Partners, LLC. Tous droits réservés.