Que dit le rapport de l'OMS sur les origines de la COVID-19 ?

Même si à travers ses 120 pages, ce rapport tant attendu éclaircit certaines questions, il en laisse d'autres sans réponse.

De Jillian Kramer
Publication 31 mars 2021, 14:47 CEST
WHO

Le 6 février 2021, un soignant se tient sur le balcon d'un hôtel de Wuhan, en Chine, où est hébergé le comité de l'Organisation mondiale de la santé chargé de l'enquête sur les origines de la COVID-19.

PHOTOGRAPHIE DE Aly Song, Reuters

D'après le rapport publié par l'Organisation mondiale de la santé, il est fort probable que le virus à l'origine de la COVID-19, le SARS-CoV-2, ait effectué un saut d'espèce vers l'Homme via un animal vecteur.

La conclusion arrive après un mois d'enquête menée par une équipe d'experts chinois et internationaux afin de percer le mystère qui entoure les origines de la COVID-19. Il est probable que le virus soit apparu chez une chauve-souris ou un pangolin avant sa transmission à l'Homme, selon le rapport. Il est également indiqué qu'il est « extrêmement improbable » que ce virus hautement transmissible se soit échappé d'un laboratoire en Chine.

« Toutes les hypothèses restent sur la table, » déclare Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l'OMS, dans un communiqué paru aujourd'hui où il indique que les recherches de l'organisation se poursuivent.

Même si à travers ses 120 pages, le rapport éclaircit certaines questions, il en laisse d'autres sans réponse, notamment sur l'origine géographique du virus et le processus exact par lequel le premier humain a été infecté. Les méthodes utilisées pour rassembler des preuves, ainsi que la façon dont le rapport a été rédigé et compilé, ont également soulevé quelques préoccupations, allant jusqu'à pousser certains experts à remettre en question sa crédibilité et à demander une plus grande transparence dans les études à venir.

« Ce rapport marque des débuts très importants, mais le chemin ne s’arrête pas là, » a annoncé Ghebreyesus, avant d'ajouter : « Nous n’avons pas encore trouvé la source du virus et nous devons explorer toutes les pistes possibles. »

 

VOIES DE TRANSMISSION

C'est sans grande surprise que la majorité des scientifiques ont découvert la conclusion du rapport indiquant que le SARS-CoV-2 avait probablement sauté d'une chauve-souris ou d'un pangolin infecté vers un autre animal puis à un hôte humain.

« C'est ce que bon nombre d'entre nous pensaient depuis le début, » témoigne Ian Lipkin, directeur du Center for Infection and Immunity de la Mailman School of Public Health de l'université Columbia. Néanmoins, cela reste spéculatif, souligne Lipkin, « car ils n'ont pas encore identifié l'animal intermédiaire. » Les auteurs du rapport suggèrent un examen des chaînes d'approvisionnement du bétail et des fermes d'animaux sauvages à destination des marchés publics afin d'identifier avec précision les animaux concernés.

Qu'est-ce qu'un virus ?

Si la chaîne de transmission du virus comprend bel et bien d'un hôte intermédiaire, alors il sera important de l'identifier afin que des mesures de mitigation puissent être mises en place pour empêcher de nouvelles flambées épidémiques, explique Theodora Hatziioannou, professeure de virologie à l'université Rockefeller de New York.

Le rapport présente un autre scénario possible de transmission : un saut direct du virus de la chauve-souris à l'Homme. Pour Robert Garry, virologue au sein de la Tulane University School of Medicine qui a étudié les origines du virus en s'appuyant sur son génome, un tel événement « n'est pas si difficile à imaginer. »

En revanche, le rapport revient sur l'identification du marché Huanan comme étant, selon certains, le lieu de la première transmission de l'animal à l'Homme. Les premiers cas signalés de COVID-19 n'avaient aucun lien avec le marché. D'après le rapport, cela suggère qu'aucune conclusion définitive ne peut être tirée à propos du rôle du marché Huanan dans les prémices de l'épidémie, ou sur la façon dont l'infection a pu y émerger.

L'hypothèse selon laquelle de la nourriture surgelée emballée et vendue sur les marchés aurait joué un rôle dans la transmission du SARS-CoV-2 a également été abordée. Les auteurs du rapport estiment que cette hypothèse dite de la chaîne du froid était plausible et appellent à multiplier les études cas-témoins d'épidémies impliquant des produits surgelés. Ils recommandent également d'examiner les produits de la chaîne du froid vendus dans le marché de Huanan à partir de décembre 2019, en admettant que cela soit encore possible.

Le rapport conclut qu'il est « extrêmement improbable » que le virus ait été créé dans un laboratoire de Wuhan, une hypothèse propagée par l'ex-président des États-Unis Donald Trump mais rarement envisagée par les scientifiques. Néanmoins, pas plus tard que la semaine dernière, l'ex-directeur des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis (CDC), Robert Redfield, continuait de diffuser cette idée dans une interview accordée à CNN.

« Il n'y a aucune trace de la présence d'un virus étroitement lié au SARS-CoV-2 dans un quelconque laboratoire » avant le signalement des premiers cas de COVID-19 en décembre 2019, indique le rapport de l'OMS, et les auteurs d'ajouter que le risque d'une introduction accidentelle du nouveau coronavirus dans un contexte de laboratoire en infectant un humain « est extrêmement bas. » Le rapport ne sollicite pas de recherches supplémentaires relatives à la possibilité d'une fuite dans l'un des laboratoires de Wuhan.

« Les premières conclusions ne sont pas renversantes, et restent tout à fait logiques, » déclare Hatziioannou. « Je sais que beaucoup de monde préférerait penser que ce virus s'est échappé d'un laboratoire, mais je trouve les théories du complot de ce genre extrêmement difficiles à croire. »

 

ZONES D’OMBRE

Toutefois, le rapport fait déjà l'objet de toutes les attentions. Bien qu'il soit le fruit de la collaboration entre l'OMS et les autorités chinoises, les enquêteurs dépêchés par l'OMS se sont vus refuser l'accès au marché de Wuhan et la collecte d'autres données dans les premières phases de l'enquête, ce qui amène certains experts à penser que l'OMS en a cédé la responsabilité à la Chine, second contributeur de l'organisation après les États-Unis.

La Chine a également fait de la rétention d'informations sur l'épidémie initiale à Wuhan, ce qui a eu pour effet de retarder l'enquête de l'OMS.

Dans un communiqué conjoint publié ce jour, les gouvernements de 14 pays - dont la France ne fait pas partie - ont émis des réserves quant la transparence des futures recherches sur les origines du SARS-CoV-2.

« Il est crucial pour des experts indépendants de disposer d'un accès total à l'ensemble des données humaines, animales et environnementales pertinentes, ainsi qu'aux recherches et à la liste du personnel impliqué dans les premiers stades de l'épidémie afin de déterminer la façon dont cette pandémie a émergé, » peut-on lire dans le communiqué.

Malgré ces défauts, Robert Garry, de l'université Tulane, reste convaincu de la crédibilité du rapport de l'OMS. « C'est un rapport riche en détails, ce n'est pas le genre de données que l'on peut inventer, » assure-t-il.

Lipkin le rejoint sur ce point : « Le rapport est minutieux, exhaustif et bien écrit, » ajoute-t-il. « Il est conforme à nos prévisions. Loin de moi l'idée qu'il n'était pas important de le faire, mais il n'y a pas matière à s'exclamer : "Ah, je ne pensais pas que ce serait le cas." »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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