Ces champignons sont utilisés pour fabriquer les robots du futur

Les « robots biohybrides », qui sont à moitié champignons et à moitié ordinateurs, convertissent les signaux électriques des champignons en commandes numériques, ce qui constitue une avancée prometteuse dans la construction de robots plus durables.

De Olivia Ferrari
Publication 30 août 2024, 17:43 CEST
Le mycélium de ces fonges couramment consommées, les pleurotes du panicaut, a été utilisé pour alimenter ...

Le mycélium de ces fonges couramment consommées, les pleurotes du panicaut, a été utilisé pour alimenter deux robots. A l'avenir, les scientifiques espèrent utiliser ce genre de robots pour les productions agricoles et les explorations spatiales.

PHOTOGRAPHIE DE Christina Dutkowski, Shutterstock

Un robot ressemblant à une étoile de mer contracte ses cinq pattes pour avancer sur un plancher en bois. Il n'est pas alimenté par des piles ou branché sur une prise de courant, mais contrôlé par des signaux émis par des champignons.

Le nouveau robot, ainsi qu'un autre robot à roues contrôlé par des champignons, a été mis au point par des chercheurs de l'université de Cornell afin de créer des robots inspirés de la nature.

La « robotique biohybride » est un domaine relativement nouveau qui associe des cellules végétales, animales et fongiques à des matériaux synthétiques pour créer des robots. De minuscules robots biohybrides fabriqués à partir de neurones de souris peuvent marcher et nager. Des robots nageurs destinés à l'exploration des océans ont été créés à partir de cellules de méduses. Un robot marchant et pivotant a été fabriqué à partir de cellules musculaires de rats.

Mais l'utilisation de cellules animales dans les biorobots est coûteuse et compliquée d'un point de vue éthique, tandis que les cellules végétales ont tendance à réagir plus lentement aux stimuli. Une nouvelle étude publiée dans Science Robotics montre comment les champignons pourraient constituer une pièce maîtresse du puzzle biohybride.

 

COMMENT CELA FONCTIONNE-T-IL ? 

Les chercheurs ont commencé par cultiver du mycélium de pleurotes du panicaut. Le mycélium est le réseau de tiges qui relie les champignons sous terre et leur permet de communiquer.

Les pleurotes du panicaut sont faciles à faire pousser et à entretenir, ce qui les rend idéales pour les utiliser dans les robots. Les chercheurs ont cultivé ces champignons et ont guidé leur mycélium pour qu'il se développe sur un échafaudage imprimé en 3D et rempli d'électrodes.

Les champignons, champions du recyclage dans la jungle

Les mycéliums interconnectés émettent des impulsions électriques en réponse aux changements de l'environnement, à l'instar des impulsions que les neurones de notre cerveau émettent pour communiquer entre eux. Le réseau mycélien étant relié à des électrodes, ses impulsions électriques pouvaient communiquer avec une interface électrique. L'ordinateur convertit ensuite ces impulsions électriques en commandes digitales, qui sont envoyées aux valves et aux moteurs des robots, leur indiquant par exemple de se déplacer vers l'avant. La conversion informatique des impulsions électriques en commandes s'inspire du fonctionnement des neurones animaux, qui convertissent les impulsions électriques de notre cerveau en fonction motrices, comme le mouvement des membres.

L'interface champignon-ordinateur permet la communication entre les mycéliums et le robot. Ainsi, lorsque les chercheurs éclairent les mycéliums, ceux-ci répondent par des impulsions électriques qui font bouger les robots.

« Les champignons n'aiment pas la lumière, ils poussent dans les zones sombres », explique Robert Shepherd, ingénieur à l'université de Cornell et l'un des auteurs de l'étude, « comme ils n'aiment vraiment pas la lumière, cela a constitué un signal fort ». En projetant davantage de lumière ultraviolette sur l'interface champignon-ordinateur, les signaux électriques des champignons sont devenus plus forts, ce qui a permis aux robots de se déplacer plus rapidement.

 

COMMENT CES ROBOTS BIOHYBRIDES SERONT-ILS UTILISÉS ?

Cette nouvelle technologie pourrait être utilisée dans l'agriculture : les fonges sont extrêmement sensibles à leur environnement et les robots de ce genre pourraient détecter des substances chimiques, des poisons ou des bactéries dans les champs mieux que les robots synthétiques.

Les fonges peuvent supporter des conditions extrêmes, d'après Anand Mishra, ingénieure à l'université de Cornell et co-autrice de l'étude. Les cellules fongiques peuvent survivre dans des eaux très salées ou dans un froid intense, ce qui pourrait rendre les robots biohybrides à base de champignons plus résistants que les robots biohybrides dérivés d'animaux ou de plantes dans des environnements extrêmes. Les champignons peuvent aussi survivre aux radiations mieux que beaucoup d'autres organismes et pourraient donc aider à détecter les radiations sur les sites dangereux.

Selon Vickie Webster-Wood, ingénieure à l'université Carnegie Mellon, qui n'a pas participé à l'étude, cette nouvelle recherche constitue une avancée passionnante dans le domaine de la robotique biohybride. Un avantage majeur des robots biohybrides est leur durabilité. « Si vous essayez de construire un essaim de robots pour surveiller un récif corallien, et que vous les construisez avec de l'électronique contenant des métaux lourds et des plastiques, et que vous n'êtes pas en mesure de les collecter tous, cela représente beaucoup de déchets introduits dans l'environnement », explique-t-elle.

La construction biologique permet aux ingénieurs d'utiliser des matériaux originaires de l'environnement dans lequel le robot évoluera. Un robot biohybride fabriqué à partir de cellules végétales peut contribuer à la reforestation, par exemple, ou un robot médical construit à partir des cellules d'une personne peut être utilisé à l'intérieur de son corps. À la fin des missions de ces robots, il y a moins de nettoyage à faire et le risque de laisser des polluants nocifs derrière soi est plus faible.

Les champignons sont omniprésents et la création de ce type de robots pourrait être plus facile dans les régions disposant de moins de ressources, explique Webster-Wood. « Cela signifie que l'on pourrait potentiellement envoyer une très petite quantité de mycélium vers une destination très éloignée, où l'on ferait pousser le mycélium et où l'on pourrait construire des robots.

L'accessibilité et l'endurance de ces nouveaux robots contrôlés par des champignons sont également prometteuses pour des utilisations à plus long terme. « Les conditions nécessaires pour maintenir le mycélium en vie semblent plus faciles à réunir dans un robot que les systèmes dont nous avons besoin pour maintenir les muscles de souris en vie, par exemple », explique Webster-Wood, « il y a donc là un certain potentiel pour des missions environnementales à plus long terme. »

les plus populaires

    voir plus

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

    les plus populaires

      voir plus
      loading

      Découvrez National Geographic

      • Animaux
      • Environnement
      • Histoire
      • Sciences
      • Voyage® & Adventure
      • Photographie
      • Espace
      • Vidéos

      À propos de National Geographic

      S'Abonner

      • Magazines
      • Livres
      • Disney+

      Nous suivre

      Copyright © 1996-2015 National Geographic Society. Copyright © 2015-2024 National Geographic Partners, LLC. Tous droits réservés.