Les produits cosmétiques contenant de la bave d’escargot sont-ils vraiment efficaces ?

Des essais cliniques de grande envergure doivent être mis en place pour prouver les effets prétendus de la bave d’escargot et pour une meilleure compréhension de ses principes actifs, aux vertus reconnues.

De Olivia Ferrari
Publication 10 janv. 2024, 11:37 CET
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Un escargot petit-gris (Helix aspersa) vu de dessous, glisse sur une vitre. La trainée de bave que cette espèce laisse derrière elle est un ingrédient très populaire de produits de soins de la peau. 

PHOTOGRAPHIE DE Georgette Douwma, Nature Picture Library

Les produits cosmétiques contenant du mucus d’escargot sont achetés par des consommateurs venant du monde entier. En 2022, le marché mondial de cette industrie valait plus de 555 millions de dollars, soit 500 millions d’euros

Après avoir explosé en Corée du Sud, les produits de soins pour la peau contenant du mucus d’escargot, qu’on appelle également mucine d’escargot ou sécrétion, ont gagné en popularité sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, l’Amérique du Nord constitue le marché le plus dynamique pour ces produits. Pourtant, l’utilisation de mucus d’escargot pour améliorer l’état de la peau et de la santé est bien antérieure à l’ère des réseaux sociaux. 

Les Grecs anciens utilisaient par exemple la bave d’escargot comme soin topique contre les inflammations. Dans les années 1980, des héliciculteurs chiliens ont constaté, après avoir manipulé des escargots à destination du marché agro-alimentaire français, que leurs mains étaient plus douces et que leurs égratignures guérissaient plus rapidement, ce qui a donné à la bave d’escargot sa popularité en Amérique du Sud. 

Ce mucus si populaire fonctionne-t-il vraiment ? On vous explique comment la bave d’escargot guérit bien plus que les peaux sèches.

 

QU’APPORTE LE MUCUS D’ESCARGOT À VOTRE PEAU ?

Selon Joshua Zeichner, dermatologue à l’hôpital Mon Sinaï de New-York, l’escargot petit-gris (Helix aspersa), l’espèce la plus étudiée pour les produits de soins pour la peau, sécrète de la bave dont on dit qu’elle a des propriétés hydratantes, antioxydantes et qu’elle peut stimuler la production de nouveau collagène, ce qui permet de réduire les signes de vieillesse. 

Les consommateurs se procurent du mucus d’escargot afin de réparer leur peau abîmée et de piéger l’hydratation, explique Elizabeth Bahar Houshmand, dermatologue et membre de l’American Academy of Dermatology. Le mucus contient de la vitamine A et E, des antioxydants pouvant limiter les inflammations et les signes de vieillesse, ainsi que des peptides qui boostent la production de collagène, ajoute Houshmand. Cependant, elle précise que des essais cliniques de grande envergure doivent être mis en place pour prouver les effets prétendus de la bave d’escargot et pour une meilleure compréhension de ses principes actifs.

Il a été prouvé que l'extrait de mucus d'escargot crée une barrière protectrice entre la peau et la pollution atmosphérique. Une étude a, en effet, utilisé un modèle de peau en trois dimensions pour l’exposer à l'ozone. La « peau » non protégée par l'extrait de mucus s'est enflammée et a montré des signes de vieillissement dus au stress oxydatif, qui provoque des rides et des irrégularités du tein, tandis que la « peau » protégée par l'extrait de mucus présentait moins d'inflammation.

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Un technicien récupère la mucine d’un escargot dans un élevage en Thaïlande. Ces animaux sécrètent du mucus en réponse au stress, mais il en existe des versions synthétiques qui peuvent être une alternative pour les clients soucieux du bien-être animal.

PHOTOGRAPHIE DE Lillian Suwanrumpha, AFP, Getty Images

Des scientifiques explorent également les effets des sécrétions d'escargot pour des utilisations autres que les soins de la peau. Des éléments démontrent que le mucus d'escargot peut aider à la cicatrisation des plaies et au traitement des brûlures. Il possède également des propriétés antibactériennes et antifongiques.

Une autre étude a testé sa capacité à éliminer les bactéries dans les plaies, et certains mucus d'escargot ont donné de meilleurs résultats que des antibiotiques commerciaux comme l'amoxicilline et la streptomycine. Les premières recherches suggèrent que le mucus pourrait également avoir des propriétés anticancéreuses : le mucus d'escargot petit-gris est parvenu, en laboratoire, à inhiber la croissance de cellules cancéreuses de la peau.

 

LES SECRETS DU MUCUS PEU À PEU DÉVOILÉS

Pour mieux comprendre la bave d'escargot, Antonio Cerullo, biochimiste à l’université de la ville de New York, a emprunté des escargots à un élevage pour analyser leurs trois types de bave : le mucus protecteur sur le dos, le mucus adhésif et le mucus lubrifiant, tous deux sur la sole. 

Chaque type a des propriétés distinctes, comme la rigidité et l'adhésivité, et des compositions biochimiques différentes.

À l’état naturel, ces différents types de mucus remplissent des fonctions différentes, explique Cerullo. Le mucus principalement utilisé pour la lubrification contient davantage de collagène, ce qui le rend plus rigide, et celui qui sert à l'adhésion contient plus de calcium et est donc plus collant. Ces propriétés aident l'escargot à se déplacer et à tenir sur différentes surfaces.

Isoler les molécules spécifiques qui créent ces propriétés et les synthétiser en vue d'une utilisation commerciale est une tâche difficile. Si le mucus protecteur des escargots contient des protéines antimicrobiennes, par exemple, il est possible que différentes molécules du mucus interagissent pour créer l'effet antimicrobien sur la peau humaine, explique Cerullo.

Roberta Rizzo, microbiologiste, et Claudio Trapella, chimiste à l’université de Ferrare en Italie ont analysé plus de 100 produits à base de mucus et ont constaté une différence de qualité. De l’alimentation et des pratiques d’élevages dans les fermes à la façon dont est récolté le mucus, toute différence a un effet sur le produit final, expliquent Rizzo et Trapella. 

Le potentiel de la bave d’escargot va néanmoins au-delà des soins pour la peau, dit Adam Braunschweig, chimiste organique à l’université de la ville de New York. 

Elle peut être utilisée en tant qu’adhésif pour la cicatrisation de plaies pour traiter les ulcères et les infections internes, et comme adhésif naturel en bio-ingénierie. Le mucus d'escargot fonctionne également très bien comme substance pour l'administration de médicaments, explique Braunschweig, ce qui signifie qu’il aide les muqueuses du corps à absorber le traitement.

Rizzo et Trapelli travaillent également sur l'utilisation du mucus d'escargot naturel de manière non conventionnelle. Leur extrait de mucus d'escargot a été utilisé pour produire des gouttes ophtalmiques dans lesquelles la lubrification naturelle des escargots sert à traiter la sécheresse oculaire.

 

LES ESCARGOTS SOUFFRENT-ILS DURANT CES PROCESSUS ? 

Les scientifiques n’ont pas encore isolé les composants spécifiques du mucus d’escargot qui renferment ses propriétés cicatrisantes, mais il existe des versions synthétiques de ce mucus, alternatives qui réduisent le besoin d’élevage d’escargots. 

Les méthodes de récolte du mucus d'escargot varient d'un élevage à l'autre. Alors que certaines consistent à faire ramper les escargots sur des filets pour que le mucus s'égoutte dans des bacs situés en dessous, d'autres induisent les sécrétions de l'escargot à l’aide d’un système de brumisation. Toutefois la substance est excrétée lorsque l'escargot est soumis au stress.

La synthèse de mucus bio-inspiré permet également une augmentation de la production. Il faut beaucoup d'escargots pour répondre à la demande actuelle et récolter suffisamment de mucus d'escargot est coûteux. Le produit peut également varier d'un jour à l'autre en fonction de l'alimentation des escargots, de sorte que leur mucus n'est pas toujours homogène.

Utiliser du mucus synthétique permet également aux chimistes de modifier plus facilement leur produit. Avec le mucus naturel, « nous sommes contraints d'utiliser ce que l'animal nous donne », explique Braunschweig, « mais que faire si l'on veut modifier les ingrédients ou les propriétés ? »

Son équipe espère produire des synthétiques pour un coût plus faible et les rendre adaptables, par exemple pour qu'ils soient plus adhésifs ou plus lubrifiants, en fonction de l'application.

« Le mucus a des propriétés tellement impressionnantes », déclare Cerullo. « Grâce à nos travaux, nous espérons ouvrir une voie qui nous permettra d'en apprendre beaucoup plus à ce sujet au cours de la prochaine décennie que pendant les 2 000 dernières années. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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