Ces progrès médicaux ont suscité l’espoir en 2023
De la thérapie génique au traitement contre la maladie d’Alzheimer et de la prédiction du cancer du pancréas à des méthodes pionnières de reproduction, de nombreuses découvertes prometteuses en 2023 pourraient changer l'avenir de la médecine.
Des chercheurs ont dressé pour la première fois une carte complète du connectome cérébral d'un insecte. Cette illustration montre la morphologie des neurones différenciés dans le système nerveux central d'une larve de mouche à fruits.
En 2023, la Covid-19 a causé la mort de plus de 160 000 personnes en France, faisant grimper le bilan mondial des décès à presque sept millions. La pandémie a également entraîné des Covid longs. Tout pour autant n'était pas sombre en 2023.
Le 5 mai dernier, l’Organisation mondiale de la santé a annoncé qu’étant donné l’augmentation de l’immunité de la population, la Covid-19 ne constituait plus une urgence de santé publique de santé internationale. Les doses de rappel des vaccins existants ont permis de réduire le nombre de cas, d’hospitalisations et de décès. En outre, un nouveau vaccin de la société Novavax a été approuvé cette année.
D’autres découvertes intéressantes voire révolutionnaires ont été faites ou annoncées cette année. Certaines pourraient changer à jamais la médecine moderne.
1. L'AUTORISATION DE LA PREMIÈRE THÉRAPIE GÉNIQUE BASÉE SUR LA TECHNOLOGIE CRISPR AU MONDE
La première thérapie génique au monde basée sur CRISPR (en français : « Courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées ») a été approuvée par les autorités de réglementation des médicaments au Royaume-Uni le 16 novembre et aux États-Unis le 8 décembre. Elle est encore en cours d’analyse auprès de l’Agence européenne des médicaments. Cette thérapie concerne la drépanocytose et la bêta-thalassémie, des maladies génétiques qui affectent les globules rouges. L'hémoglobine, présente dans les globules rouges, transporte l'oxygène dans le corps. Les erreurs génétiques dans l'hémoglobine créent des globules rouges fragiles qui entraînent un manque d'oxygène dans le corps, une anomalie appelée anémie. Les patients atteints de drépanocytose souffrent également d'infections et de douleurs intenses lorsque les cellules malades forment des caillots et entravent la circulation sanguine. Ceux qui souffrent de bêta-thalassémie doivent recevoir une transfusion sanguine toutes les trois à quatre semaines.
La thérapie génique récemment approuvée porte le nom de CASGEVY et corrige les gènes défectueux de l'hémoglobine dans les cellules souches de la moelle osseuse d'un patient afin qu'elles puissent produire de l'hémoglobine fonctionnelle. On prélève les cellules souches du patient dans sa moelle osseuse, elles sont ensuite modifiées en laboratoire, puis réinjectées au patient. Un seul traitement peut potentiellement guérir certains patients à vie.
Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, qui ont mis au point CRISPR pour en faire un outil précis d'édition génétique, ont reçu le prix Nobel de chimie il y a tout juste trois ans, en 2020.
Il s’agit seulement du premier traitement sur les dizaines de traitements potentiels en cours de développement pour traiter d'autres maladies génétiques, le cancer ou même l'infertilité.
2. L’APPROBATION DU PREMIER MÉDICAMENT QUI RALENTIT L’ÉVOLUTION DE LA MALADIE D’ALZHEIMER
La Food and Drug Administration des États-Unis a approuvé le premier médicament contre la maladie d'Alzheimer, qui cible l'une des causes sous-jacentes de la maladie. Bien que le médicament, le Leqembi, ne permette pas de guérir ou d'améliorer les symptômes à un stade avancé de la maladie, il ralentit, après 18 mois de traitement, le déclin de la mémoire et de la pensée d'environ 30 % si le médicament est administré à un stade précoce de la maladie.
Le Leqembi est un anticorps monoclonal qui agit en ciblant les plaques amyloïdes, dans le cerveau, l’une des caractéristiques principales de la maladie d'Alzheimer. Lorsque des niveaux anormaux d'une protéine naturelle, appelée bêta-amyloïde, s'agglutinent et forment des plaques collantes dans le cerveau, elles déclenchent une inflammation et endommagent les connexions neuronales. L'accumulation de plaques amyloïdes entraîne la perte de la mémoire et de la pensée, ce qui est à l'origine de la maladie d'Alzheimer.
Des essais cliniques indiquent que le Leqembi élimine les plaques amyloïdes du cerveau, et ralentit ainsi la progression de la maladie. Il pourrait bientôt être autorisé en France.
3. LA NAISSANCE DE DEUX SOURICEAUX À PARTIR DE DEUX PÈRES, SANS INTERVENTION D'UNE FEMELLE
Vous avez bien lu. Lors d’une conférence scientifique, des chercheurs japonais ont démontré qu'il était possible de concevoir des souris fertiles et en bonne santé sans utiliser l'ovule d'une souris femelle.
Des ovules ont d’abord été fabriqués à partir de cellules souches dérivées des cellules de la peau d'une souris mâle. Ces ovules ont été fécondés avec le sperme d'un autre mâle, puis l'ovule fécondé a été transféré dans une souris femelle où il s'est développé et a atteint sa maturité.
Bien que seulement 7 des 600 embryons implantés se soient développés jusqu’au stade de souriceau, ceux-ci ont grandi normalement et sont devenus des adultes fertiles.
On ne sait pas encore s’ils se développeront exactement comme les individus issus de la reproduction classique. Ces résultats n'ont pas encore été publiés dans une revue à comité de lecture et des étapes préliminaires similaires ont déjà vu le jour avant d’échouer chez l’humain.
4. LA CRÉATION D’UNE CARTE D'UN CERVEAU D’INSECTE
Des scientifiques ont réalisé le premier diagramme complet du cerveau d'un insecte. Cette nouvelle peut ne pas sembler impressionnante quand on ne sait pas que le cerveau, même celui d'une mouche à fruits, contient un réseau très vaste de neurones interconnectés, appelé connectome.
Jusqu'à présent, seuls les cerveaux d'un ascaris, d'un tunicier et d'un ver marin avaient été entièrement cartographiés, chacun d'entre eux ne contenant que quelques centaines de connexions.
Une carte complète du connectome d'une larve de mouche à fruits révèle que celui-ci contient plus de 3 000 neurones et plus d'un demi-million de connexions entre eux. L’équipe internationale de scientifiques à l’origine de cette carte a travaillé dessus plus de cinq ans. Bien que le cerveau de la mouche à fruits soit beaucoup plus simple que celui de l’humain, les techniques mises au point permettront à l'avenir de cartographier des cerveaux plus complexes.
Les circuits neuronaux du cerveau de la mouche à fruits ressemblent aux réseaux neuronaux utilisés dans l'apprentissage automatique. En comprenant les similitudes et les complexités du connectome du cerveau de la mouche, il est plus facile de déchiffrer le fonctionnement du cerveau humain et le développement des maladies neurologiques. Cela peut également conduire au développement de nouvelles méthodes d'apprentissage automatique et de systèmes d'intelligence artificielle plus efficaces.
5. LES CELLULES PIGMENTAIRES À L’ORIGINE DES CHEVEUX BLANCS
Des scientifiques ont démontré que lorsque des cellules pigmentaires appelées mélanocytes se retrouvent coincées à un stade immature, elles ne parviennent pas à produire la couleur blonde, brune, rousse ou noire des cheveux. Cet état arrêté est à l’origine de cheveux grisonnants. Les nouveaux cheveux poussent à partir de follicules, situés dans la peau, où résident également les mélanocytes.
Une équipe de scientifiques de l'université de New York ont observé des cellules souches mélanocytaires individuelles migrer vers le haut et le bas du follicule pileux d’une souris sur une période de deux ans. À leur grande surprise, ils ont découvert qu’en montant et descendant dans le cheveu tout au long du cycle de sa vie, les cellules souches mélanocytaires peuvent passer du stade de cellules souches immatures blanches à celui de cellules colorées matures. Toutefois, lorsque le cheveu vieillit, les cellules souches mélanocytaires s'essoufflent après plusieurs cycles et se retrouvent piégées à la base du cheveu sous forme de mélanocytes immatures. En l'absence de production de pigment, le cheveu devient blanc.
6. DES BACTÉRIES FAVORISENT LA PROPAGATION DE CELLULES CANCÉREUSES
Des scientifiques ont découvert que certaines bactéries, souvent présentes dans de nombreuses tumeurs du tractus gastro-intestinal, aident directement les cellules cancéreuses à échapper à la réponse immunitaire de l'organisme.
Non seulement ces bactéries coopèrent avec les cellules tumorales pour favoriser la progression du cancer, mais elles les aident aussi à se propager plus rapidement en décomposant les médicaments anticancéreux, empêchant ainsi le traitement de fonctionner.
Cette recherche suggère que certains médicaments anticancéreux sont efficaces parce qu'ils tuent également les bactéries hôtes de la tumeur. Comprendre comment le microenvironnement de la tumeur affecte sa survie et sa progression peut ouvrir de nouvelles portes dans le traitement du cancer.
7. L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE PERMET D’IDENTIFIER LES PERSONNES LES PLUS À RISQUE D’UN CANCER DU PANCRÉAS
Un nouvel outil d'intelligence artificielle (IA) peut prédire le cancer du pancréas jusqu'à trois ans avant un véritable diagnostic en identifiant des schémas spécifiques de symptômes survenus dans les dossiers médicaux des patients.
Le cancer du pancréas est rare, mais il constitue la troisième cause de mortalité liée au cancer. S'il est si mortel, c'est parce qu'il est généralement détecté à un stade avancé, lorsque la maladie s'est déjà propagée à d'autres parties du corps.
Les symptômes du cancer du pancréas à un stade précoce sont souvent associés à d'autres maux, mais de nombreux patients pourraient vivre plus longtemps si leur cancer était détecté plus tôt. C'est pourquoi les scientifiques ont conçu un algorithme d’intelligence artificielle sur les dossiers médicaux de six millions de Danois sur une période de quarante-et-un ans afin de détecter les schémas cachés dans les dossiers de 24 000 patients ayant développé un cancer du pancréas par la suite.
Chaque maladie apparaissant dans un dossier médical est accompagnée d’un code. Le modèle d’intelligence artificielle analyse la combinaison de ces maladies et le moment où chacune est apparue. En comparant des séquences spécifiques d’affections ayant précédé un diagnostique de cancer du pancréas, l’IA a appris à identifier les personnes étant les plus à risque.
Des chercheurs ont ensuite testé cet outil d’IA en analysant le dossier médical de près de trois millions de vétérans américains en l’espace de vingt-et-un jours. L’algorithme a correctement identifié 4 000 individus atteints de cancer du pancréas près de trois ans avant qu’ils ne soient réellement diagnostiqués. Cette étude est la preuve que les modèles d’IA peuvent être aussi précis que des tests génétiques dans la prédiction d’un risque de cancer du pancréas. Ce cancer étant très rare, le dépistage génétique n’est actuellement recommandé que pour les personnes présentant un risque élevé ou dont des membres de la famille ont été atteints par cette maladie.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.