Contraception masculine : la vasectomie est de plus en plus populaire en France
Interdite jusqu’en 2001, la vasectomie se popularise dans l’hexagone, au point de dépasser les techniques de stérilisation féminine depuis 2021.
En France, le nombre de vasectomies est passé de 1 940 en 2010 à 30 288 en 2022 selon le groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE, soit une multiplication par quinze en douze ans.
Avec le préservatif pour les moins de vingt-six ans, la vasectomie est l’une des deux seules méthodes de contraception masculine remboursées par l’Assurance Maladie en France.
L’Association Française d’Urologie (AFU) la définit comme « une méthode définitive de contraception masculine. » Il s'agit d'une opération chirurgicale qui consiste à ligaturer les deux canaux déférents pour empêcher les spermatozoïdes de se mélanger au liquide spermatique.
Si la vasectomie est une méthode de contraception définitive, elle n’est « pas irréversible » selon le docteur Antoine Faix, Chirurgien urologue et andrologue, et vice-président de l’Association Française d’Urologie. Ainsi, en cas de regrets, le patient peut se tourner vers la vasovasostomie, une opération de microchirurgie consistant à relier les canaux sectionnés lors d'une vasectomie. Le docteur Antoine Faix prévient néanmoins que les taux de succès, c’est-à-dire que l’on retrouve des spermatozoïdes dans le sperme, ne sont pas de 100 %. Cela dépend d'après lui du délai entre la date de la vasectomie et de la demande de vasovasostomie. « Si cela fait plus de huit à dix ans, les chances sont plus faibles, si ça fait moins de huit ans, a fortiori moins de trois ans à de cinq ans, les chances de recaractérisation sont en général supérieures à 90 %. »
En outre, la vasovasostomie est une opération plus complexe et plus longue que la vasectomie. « Pour une vasectomie, cela prend cinq à dix minutes maximum, cela se fait par anesthésie locale, il y a besoin de quatre instruments, et c’est assez simple pour un urologue qui en a l’habitude. Alors que pour faire une vasovasostomie, cela prend une heure et demie à deux heures et demie, il faut porter des lunettes grossissantes, voire utiliser un microscope, cela demande de l’expérience et très peu de chirurgiens en France savent le faire. »
UNE HAUSSE LIÉE À « LA CONJONCTION DE PLUSIEURS FACTEURS »
Depuis 2021, le nombre de vasectomies a dépassé le nombre de stérilisations féminines, d’après une étude du groupement d’intérêt scientifique en épidémiologie des produits de santé ANSM-Cnam, EPI-PHARE. Celle-ci dresse un état des lieux du recours à la vasectomie en France entre 2010 et 2022, estime que son taux annuel a été multiplié par quinze en douze ans. Dans le même temps, elle évalue que le nombre de stérilisations féminines a été divisé par deux entre 2013 et 2022.
La France accuse pourtant un temps de retard par rapport à plusieurs pays occidentaux et notamment aux pays anglo-saxons tels que les États-Unis, le Royaume-Uni ou l’Australie, où le taux de recours oscille entre 10 % et 14 %. Cela s’explique par le fait que celle-ci n’est devenue légale qu’en 2001, interdite jusqu’alors par la première loi de bioéthique de 1994, qui la considérait comme une « mutilation corporelle ». À l’époque, « le chirurgien n’était pas couvert en cas de complications, ou alors, il fallait qu’il prouve que la vasectomie thérapeutique était indispensable », explique Antoine Faix.
Cette hausse exponentielle du recours à la vasectomie, le chirurgien l’explique par « la conjonction de plusieurs facteurs. » D’abord, le rejet croissant de la contraception hormonale chez les femmes, particulièrement à partir de la « crise de la pilule » des années 2012 à 2013. Ensuite, il y a « une notion sociétale, globale de partage et d’équité dans le couple, de ce qui fait un couple, et notamment la sexualité, la contraception », associée à la « prise de conscience des hommes eux-mêmes », qui peuvent vouloir soulager leur partenaire de la charge contraceptive. Ce fut par exemple le choix de Samuel Clot, créateur de contenu et papa au foyer. Après avoir eu un petit garçon à l’âge de vingt-et-un ans, Samuel et sa compagne ont décidé d’acter le fait qu’ils ne souhaitaient plus avoir d’enfant. Rapidement, après avoir analysé les bénéfices et coûts des différents moyens de contraception, la vasectomie s’est imposée comme un choix « logique et évident » pour lui. « C'est très peu invasif, définitif théoriquement donc pas besoin d'y repenser ou de faire quoi que ce soit une fois que c'est fait, peu de risques, peu d'effets secondaires (en fait pas du tout), aucune modification physique, hormonale... bref, le choix m'a semblé complètement logique. »
Il explique : « faire un enfant, c'est un choix qu'on doit assumer, choisir de ne plus en avoir en est un autre qui a tout autant de sens et de valeur à mes yeux ».
Depuis quelques années, le docteur Antoine Faix note aussi un nouveau type de patientèle composée d’« hommes seuls, divorcés ou jeunes » qui souhaitent maîtriser eux-mêmes leur contraception, prenant ainsi une « décision purement personnelle et pas forcément une décision de couple. » Pour lui, « c’est quelque chose qui est vraiment très nouveau, par ce qu’avant, ce n’était jamais une décision de l’homme, il était "incité" par sa femme ou par le gynécologue. » L’andrologue note aussi l’effet coryphée des réseaux sociaux et des médias, qui ont participé à démocratiser cette méthode de contraception définitive.
EFFICACE À 99%
Deux mois après l'opération, la vasectomie serait efficace à 99%. Aujourd’hui, pour subir une vasectomie en France, il faut avoir plus de 18 ans. Un premier rendez-vous est fixé avec l’urologue, qui peut refuser de pratiquer l’intervention. Si ce n’est pas le cas, le patient à un délai de réflexion de quatre mois obligatoires, avant un second rendez-vous en vue de l’opération. « C’est la législation la plus rigide du monde », déplore Antoine Faix.
Samuel a lui trouvé son chirurgien plutôt aisément. « J'étais ravi parce que rétrospectivement, j'ai beaucoup de témoignages sur les réseaux d'hommes jeunes, avec ou sans enfants, qui ont beaucoup de mal à trouver un professionnel de santé qui accepte de faire l'opération », souligne-t-il.
Comme 6,8 % des hommes opérés, Samuel a fait le choix de conserver des gamètes dans un CECOS. Cette option est systématiquement proposée avant l’intervention, même s’il n’y a pas de caractère obligatoire.
En ce qui concerne les risques sanitaires, ils sont « de l’ordre de l’ultra-exceptionnel » selon le Dr Antoine Faix. D’après lui, « le moins exceptionnel, c’est d’avoir des couleurs résiduelles qui peuvent durer quelques semaines à quelques mois, mais ça reste quand même très rare. » Samuel relate quant à lui son expérience en ces termes : « l'opération était en anesthésie générale, donc sur le coup zéro douleur, mais ensuite, il y a une douleur, ou plutôt une gêne, au niveau de l'appareil génital et du bas ventre qui dure quarante-huit heures environ. Pour moi c'était largement supportable, quarante-huit heures plus tard, tout retrouve le volume normal, les points partent quelques jours plus tard et ensuite plus aucun souci. »
Selon le chirurgien, « le risque de la vasectomie, c’est surtout de changer d’avis. » D'après une étude de Human Reproduction publiée en juillet 2018, 7,4 % d’hommes ayant décidé d’effectuer une vasectomie avaient eu des regrets et demandé une vasovasostomie. La tendance reste donc minoritaire.
Quant à Samuel, son entourage a très bien accueilli la nouvelle, « ils ont très bien compris ma démarche donc de ce côté-là pas de soucis. » En revanche, ce fut plus mitigé sur les réseaux sociaux. Il explique avoir reçu « des réactions très positives de la part de beaucoup, mais aussi une grosse vague de haine et même de harcèlement en ligne menée par des figures masculinistes des réseaux sociaux s'est abattue sur [lui] pour avoir osé simplement illustrer un autre chemin. [Il] [s]'y attendai[t] bien sûr mais le niveau de violence [l]'a quand même surpris sur un sujet pareil. » Cela illustre que les prises de positions sont encore loin d’être unanimes sur le sujet.
« Nous avons un immense travail de pédagogie et d'information à faire en France, notamment envers les hommes, sur les questions de sexualité et de contraception ou encore de charge contraceptive », conclut-il.