De nombreuses femmes sont atteintes de fibromes utérins (et on ignore pourquoi)

Ces tumeurs bénignes, qui peuvent faire la taille d'une pastèque, peuvent avoir des effets dramatiques sur la qualité de vie et la fertilité des femmes. Un diagnostic qui concernerait 70 % des femmes blanches et plus de 80 % des femmes noires.

De Meryl Davids Landau
Publication 1 juil. 2024, 16:21 CEST
Uterine Fibroid X-ray

Une radio pelvienne en couleur révèle un fibrome calcifié (en bleu au centre) dans l'utérus d'une femme de soixante-cinq ans. Un fibrome est une tumeur bénigne de tissus musculaires et fibreux. Bien que la majorité des fibromes ne nécessitent pas de traitement, ils peuvent être la cause de saignements, de douleurs et d'autres troubles gynécologiques.

PHOTOGRAPHIE DE Science Source

Des médecins romains remarquèrent en l'an 200 avant J.-C. que les femmes étaient souvent atteintes de tumeurs bénignes qui se formaient sur les parois de leur utérus. Aujourd'hui, les experts estiment qu'avant l'âge de cinquante ans, environ 70 % des femmes blanches et plus de 80 % des femmes noires sont atteintes de fibromes utérins. Les scientifiques ont encore beaucoup de questions à ce sujet, y compris des questions basiques comme le fait de comprendre pourquoi ils se développent et ce qui les fait grandir.

Les fibromes, techniquement appelés léiomyomes, sont des masses solides de cellules musculaires et de tissus conjonctifs qui grandissent contre la paroi utérine. Ces croissances peuvent sérieusement impacter la qualité de vie et la fertilité d'une femme et sont la raison la plus fréquente des hystérectomies. Une étude des médicaments utilisés pour traiter les fibromes, publiée ce mois-ci dans le Medical Science Monitor, a mis en évidence un « besoin important de recherches supplémentaires. »

« Les recherches sur les fibromes sont encore à la phase embryonnaire. On commence à peine à gratter la surface », déclare Erica Marsh, cheffe du service d'endocrinologie de la reproduction et de la fertilité à la University of Michigan Medical School, qui a parlé des fibromes lors d'une réunion à l'Académie nationale de médecine sur la santé des femmes au printemps dernier.

Les scientifiques ne comprennent pas encore comment les fibromes se forment, pourquoi certains grandissent pour atteindre la taille d'une pastèque tandis que d'autres restent petits, comment ils peuvent être évités ou encore comment la fertilité est impactée par certains traitements.

En raison du faible niveau de financement, les fibromes se classent parmi les maladies les moins étudiées. Les scientifiques n'ont même pas créé un modèle pour étudier la maladie en laboratoire, explique Marsh.

Néanmoins, il y a eu quelques progrès durant les dernières années, y compris l'introduction d'une procédure qui réduit les fibromes en utilisant l'énergie des radiofréquences et l'identification de certains modes de vie qui semblent minimiser la récurrence.

 

UN LONG PARCOURS DIAGNOSTIQUE

En moyenne, une femme doit attendre quatre ans après le début des symptômes pour qu'un diagnostic soit posé. Plusieurs années passent souvent avant qu'un traitement ne soit initié.

Tanika Gray Valbrun, une femme noire d'Atlanta, avait vingt-cinq ans lorsqu'elle s'est fait diagnostiquer pour la première fois, après qu'une échographie a révélé la raison pour laquelle elle devait périodiquement recevoir des transfusions sanguines en raison d'un faible taux de globules rouges. Ceci s'est passé une décennie après que Tanika, qui a aujourd'hui quarante-six ans, ne fasse l'expérience de symptômes qui lui paraissent aujourd'hui évidents : de fortes douleurs de règles, des problèmes urinaires fréquents et des saignements menstruels si abondants qu'ils causaient des anémies qui la forçaient généralement à rester chez elle. Avec le temps, son utérus s'était détendu pour atteindre la taille d'un utérus de femme enceinte de quatre mois.

Tanika explique qu'elle a souvent entendu les médecins dire : « S'ils ne vous dérangent pas, n'y touchez pas ». « Avec le recul, ils me dérangeaient », déclare-t-elle, « mais je ne le savais pas. »

Tanika pensait qu'avoir des saignements menstruels abondants et des douleurs était normal puisque cela a commencé quelques années après ses premières règles. Même si sa mère avait souffert de fibromes, personne autour d'elle ne parlait des menstruations.

Il a fallu encore neuf ans avant que Tanika ne subisse une première opération, après qu'un nouveau médecin lui a appris que son utérus détendu pourrait l'empêcher de mener une grossesse à terme. Elle est actuellement dans un parcours PMA.

Les fibromes constituent la seule cause d'infertilité pour environ 3 % des femmes, mais il est probable qu'ils contribuent aux fausses couches dont beaucoup d'autres femmes font l'expérience. C'est particulièrement le cas pour les fibromes se trouvant dans la paroi musculaire, appelés fibromes intra-muros, ou ceux qui gonflent dans la cavité vaginale, appelés fibromes sous-muqueux.

Au cours de la première opération de Tanika, vingt-sept fibromes, dont l'un ayant la taille d'un pamplemousse, ont été retirés. « Je me rappelle m'être dit, waouh, ces tumeurs bénignes ont vraiment changé le cours de ma vie », déclare-t-elle en réalisant que cela avait même affecté ses choix de vêtements. Depuis, elle a fondé une association visant à sensibiliser et défendre des personnes souffrant de fibromes utérins, White Dress Project.

L'expérience de Tanika est symptomatique aussi parce que les femmes noires ont souvent deux fois plus de fibromes et plus de symptômes sévères que les femmes blanches. Et les fibromes des femmes noires ont tendance à se développer bien plus tôt.

 

CHAQUE FIBROME EST UNIQUE

Il y a environ dix ans, les scientifiques ont découvert une mutation clé dans le gène de la sous-unité 12 du complexe médiateur, ou MED12, qui existe dans plus de 70 % des cas de fibromes.

Les cellules contenant cette mutation, et d'autres, peuvent se transformer en fibromes des années plus tard, après une exposition à des œstrogènes et de la progestérone pendant la puberté. Le contact avec des produits chimiques et autres perturbateurs endocriniens pourraient aussi être en cause. La plupart des fibromes augmentent en taille et en nombre jusqu'à la ménopause.

Les symptômes des fibromes se divisent généralement en quatre catégories : des saignements menstruels excessifs ; une pression pelvienne, des problèmes urinaires fréquents, et/ou des problèmes de constipation dus à la taille ou à la grosseur de l'utérus, symptômes connus sous le nom de douleurs pelviennes ; des crampes intenses ou des douleurs pelviennes pendant les menstruations ou les rapports sexuels ; et l'infertilité.

« Les fibromes sont uniques, comme des flocons de neige », déclare Linda Bradley, professeure de gynécologie obstétrique et de biologie de la reproduction à la clinique de Cleveland à Ohio. Cela signifie que les traitements doivent être propres à chaque personne et à chaque fibrome.

Le traitement commence souvent par des médicaments prescrits par un médecin généraliste ou un gynécologue pour réduire les saignements menstruels. Cela peut inclure des pilules contraceptives ou d'autres médicaments, ou un dispositif intra-utérin, plus communément appelé stérilet. Les médicaments à base de gonadolibérine (GnRH) peuvent être utilisés afin de faire rétrécir les fibromes, mais puisqu'ils déclenchent des effets secondaires semblables à ceux de la ménopause et réduisent la densité minérale osseuse, il est recommandé de limiter leur utilisation à deux ans maximum.

Un autre traitement fréquent consiste à priver les fibromes de leur apport sanguin par une embolisation des fibromes utérins (EFU, également appelée UAE), une procédure réalisée par un radiologue d'intervention. Bien que les recherches soient peu concluantes, l'UFE n'est généralement pas recommandée pour les personnes souhaitant préserver leur fertilité.

« Il existe une inquiétude sous-jacente selon laquelle l'embolisation de la vascularisation de l'utérus pourrait affecter la vascularisation des ovaires chez certaines femmes », explique Sarah Allen, directrice du Fibroid Treatment Center à UPMC Mcgee-Womens Hospita et chirurgienne gynécologique mini-invasif (MIGS), spécialisée dans les affections gynécologiques non cancéreuses telles que les fibromes et l'endométriose.

 

UNE AUTRE TECHNIQUE NON CHIRURGICALE

Il existe un mode d'intervention plus récent, appelé ablation par radio-fréquences, souvent effectuée par des chirurgiens MIGS, qui utilisent la chaleur pour faire étrécir les fibromes. Une étude menée auprès de vingt-six femmes dans un cabinet clinique a révélé une réduction significative des saignements menstruels trois mois après l'intervention. 

L'ablation par radio-fréquences est la meilleure intervention possible pour les femmes atteintes de plus de cinq fibromes intra-muros de taille moyenne causant des douleurs pelviennes et/ou des saignements abondants. Il s'agit d'une intervention qui fonctionne bien pour les femmes noires souffrant de symptômes sévères, d'après Linda Bradley. L'étude, qu'elle a menée sur soixante-quatorze femmes d'origines ethniques différentes ayant subi l'intervention, a révélé que si, avant le traitement, les femmes noires présentaient plus de fibromes que les femmes blanches, trois ans plus tard, les deux groupes constataient une amélioration similaire en termes de taille et de réduction de saignements.

Les médecins peuvent également retirer les fibromes au moyen d'une chirurgie, une procédure connue sous le nom de myomectomie. Alors que les gynécologues sont bien entraînés pour effectuer ce genre d'intervention chirurgicale, les femmes souffrant de fibromes plus gros devraient s'adresser à des médecins MIGS. « Les gynécologues pratiquent souvent une chirurgie abdominale ouverte pour les gros fibromes, alors que nous sommes spécialisés dans le traitement peu invasif des cas complexes », explique Allen.

Cette inquiétude à été partagée par plusieurs chirurgiens MIGS provenant d'universités de premier plan. Elles ont été publiées dans le journal Health Equity l'an dernier. Ils ont remarqué que 90 % des myomectomies pourraient être effectuées par cœlioscopie, même si beaucoup de gynécologues ne le font pas. Les chirurgiens MIGS reprochent aux médecins de ne pas présenter toutes les options (qu'elles soient médicales, radiologiques et/ou chirurgicales) à leurs patientes, en raison d'incitations financières ou d'un manque de formation, ainsi que ceux qui pratiquent des interventions ayant un impact sur la fertilité chez des femmes souhaitant encore avoir des enfants.

Dans les années suivant chacun de ces traitements, il n'est pas rare que les fibromes reviennent. Les personnes qui sont plus jeunes, qui ont des masses multiples ou un utérus hypertrophié, ou qui souffrent d'autres maladies pelviennes sont les plus exposées au risque de récidive.

Le seul traitement définitif est l'hystérectomie, qui retire les fibromes et l'utérus qui les héberge. L'absence d'autres traitements permanents est probablement la raison pour laquelle 8 % des femmes ayant subi un myomectomie et 18 % ayant subi une EFU au cours des six dernière années ont finalement dû subir une hystérectomie, selon une étude de Kaiser Permanente.

« Les fibromes ne sont jamais une urgence », explique Linda Bradley. Elle conseille aux patientes d'envisager un traitement par étape en essayant un médicament ou un stérilet avant de passer à une procédure plus invasive. Les centres de traitement des fibromes situés dans des établissement médicaux universitaires, qui emploient des experts dans toutes les méthodes de traitement qui collaborent les uns avec les autres, sont une bonne option pour les cas les plus complexes.

 

CHANGER DE MODE DE VIE PEUT AIDER

Une nouvelle ligne de recherche à un stade précoce examine comment les changements de mode de vie pourrait empêcher, ou du moins retarder, la réapparition des fibromes après le traitement. La vitamine D est particulièrement prometteuse, car des études préliminaires établissent une corrélation entre des taux faibles et la prévalence des fibromes utérins. Un autre complément intéressant est le polyphénol gallate d'épigallocatéchine, ou EGCG, que l'on trouve dans le thé vert et qui, dans les cultures de laboratoire et les études animales, inhibe la croissance des cellules fibroïdiennes.

D'autres facteurs de mode de vie sont aussi susceptibles d'affecter le développement d'un fibrome, explique Somayeh Vafaei, un chercheur en Iran qui, depuis l'université de Chicago, a aidé à développer un programme complet de lutte contre les fibromes. Il s'agit notamment de suivre un régime alimentaire à base de légumes, de réduire la consommation d'alcool, de faire de l'exercice physique intense au moins quatre heures par semaine et de minimiser l'exposition aux phtalates chimiques que l'on trouve notamment dans les emballages alimentaires certains produits cosmétiques et les produits en plastique souple.

Des études plus larges sont nécessaires pour confirmer les bénéfices de la prévention des fibromes, explique Vafaei, mais elle note que ces changements de mode de vie « sont également bénéfiques pour les maladies cardiovasculaires et autres. »

Marsh espère qu'un jour la recherche sur les fibromes bénéficiera d'un financement proportionnel aux inconvénients qu'ils représentent pour les patientes. Elle souhaite que des recherches supplémentaires soient menées sur la manière dont les fibromes se développent et sur d'autres moyens de les traiter. Elle souhaite également que les scientifiques comprennent mieux l'effet dévastateur de cette maladie sur la vie des femmes.

« Ce sont d'importantes questions qui ont besoin de réponses », souligne Erica Marsh.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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