Un « bébé dragon » retrouvé dans un œuf de dinosaure
L’espèce récemment baptisée s’est fait connaître en 1996, en paraissant en couverture du magazine National Geographic.
Plus de 20 années après avoir été présenté comme « Baby Louie » en couverture du magazine National Geographic, un petit dinosaure retrouvé recroquevillé à l'intérieur d'un œuf a été rebaptisé : il s'appelle désormais « bébé dragon ».
L'espèce nouvellement identifiée était un dinosaure géant doté de caractéristiques rappelant celles des oiseaux qui pondait des œufs de plus de 60 centimètres dans des nids pouvant atteindre la taille d'un pneu de monster truck. Selon une étude publiée le 9 mai dans la revue Nature Communications, les scientifiques qui ont étudié de manière approfondie le fossile âgé de 90 millions d'années l'ont nommé Beibeilong sinensis, ou « bébé dragon de Chine ».
« Je pense qu'ils ressemblaient beaucoup aux oiseaux, » affirme Darla Zelenitsky, auteure de l’étude et paléontologue à l'Université de Calgary - comme un grand casoar, un parent de l’autruche. Toutefois, Beibeilong aurait dominé une autruche ; il est possible que les adultes aient atteint une taille avoisinant les 6 ou 7 mètres de long et aient pesé plus de trois tonnes.
Le dinosaure appartenait à un groupe d'oiseaux connu sous le nom d’oviraptosaures, dont la plupart étaient assez petits. Seuls trois squelettes d'oviraptosaures géants ont été retrouvés, y compris Baby Louie, « mais leurs œufs sont très répandus, » explique Zelenitsky. (Pour plus d’informations sur les dinosaures à plumes, lire « Découverte d’une queue de dinosaure avec des plumes »)
Les énormes œufs ont été trouvés en Chine, en Corée, en Mongolie et aux États-Unis, mais pendant bien des années, un grand mystère entourait ces œufs, que l'on ne pouvait associer à aucun genre de dinosaures.
Maintenant que nous savons qui a pondu ces œufs étranges, les chercheurs peuvent en apprendre davantage sur la façon dont ces animaux se sont reproduis et ont élevé leur progéniture, déclare le paléontologue David Varricchio de l'Université d'État du Montana, qui n’a pas participé à la nouvelle étude.
De plus, la découverte suggère que ces grands oviraptosaures arborant une anatomie proche de celle de l'oiseau auraient autrefois habité les régions où les œufs géants ont été trouvés. « Les œufs indiquent que ces dinosaures étaient probablement beaucoup plus répandus que ce que leurs os nous révèlent dans la chronique de fossiles, » dit Zelenitsky.
LA NAISSANCE DE « BABY LOUIE »
Lorsque l'œuf fossilisé a été retrouvé dans la province chinoise de Henan, vers le début de l'année 1993, son espèce était alors encore inconnue, si bien que comme pour d'autres œufs géants mystérieux retrouvés, il a été baptisé du nom scientifique de Macroelongatollithus. Bien conservé, le dinosaure a attiré l'attention du magazine National Geographic qui a nommé l'embryon fossilisé « Baby Louie » en hommage au photographe qui a illustré l'article, Louis Psihoyas.
Le magazine a donné pour mission à Brian Cooley de réaliser un modèle 3D puis a présenté une photo de la sculpture sur sa couverture.
Dans l'article de 1996, Baby Louie était décrit comme une espèce appartenant aux thérizinosaures, un groupe de dinosaures reconnaissables à leurs grandes mains dotées de griffes. En effet, il était l'un des rares candidats assez grands pour pondre des œufs. Certains pensaient qu'il s'agissait d'œufs de tyrannosaures.
Mais peu après la publication de l'article, les chercheurs ont commencé à penser qu'il ressemblait plutôt à un oviraptor. « Le seul problème était que les œufs était beaucoup trop gros – environ huit fois à dix fois plus grands que n'importe que les œufs d'oviraptor connus à ce jour ! » indique Zelenitsky.
Ce n'est qu'en 2007 que le tout premier squelette d'oviraptosaure géant a été découvert en Chine, une bête à plumes de 1360 kg connue sous le nom de Gigantoraptor. « Au final, tout a pris son sens. Nous avions une espèce géante dont les prédispositions naturelles lui permettait de pondre des œufs d'une taille aussi imposante, » explique Zelenitsky. Désormais, le beibeilong est la deuxième espèce d'oviraptosaure géant à avoir été découverte.
À ce stade des recherches, les scientifiques ont rencontré un autre problème : la Chine souhaitait récupérer Louie. Il avait été introduit aux États-Unis par des trafiquants de fossiles, et après de longues négociations, Baby Louie est retourné en Chine en 2013, où les scientifiques ont pu l'étudier de nouveau.
En menant une étude plus détaillée du fossile et en le comparant à d'autres espèces de dinosaures, l'équipe internationale de scientifiques peut désormais conclure que Baby Louie est non seulement une nouvelle espèce pour la science mais aussi qu'il appartient à l'une des plus grandes espèces de dinosaures qui couvait ses œufs et qui prenait soin de ses petits.
LOUIE : UN MYSTÈRE QUI PERDURE
« Il était formidable d'arriver à de telles conclusions avec Baby Louie, » indique Phillip Currie, auteur de l'article de 1996 dans le magazine National Geographic et maintenant paléontologue à l'Université d'Alberta.
À l'époque, il ne se doutait pas qu'il faudrait 20 années pour définir la nature du fossile. Mais entre-temps, Currie a pu retrouver le fermier qui, à l'origine, avait trouvé Baby Louie et est retourné à l'emplacement exact afin de trouver d'autres coquilles d'œuf issues du même nid que celui de Louie.
Un autre membre de l'équipe, Ken Carpenter de l'Université d'État de l'Utah, s'était montré sceptique, et ce depuis le début, à l'égard de la conclusion affirmant que Louie appartenait à la famille des thérizinosaures : « Les faits m'ont donné raison, » dit-il, mais il ajoute qu' il reste aujourd'hui un plus grand mystère à élucider à propos des dinosaures.
L'équipe de Carpenter a fait la découverte de plusieurs œufs en Utah, dans des gisements datant de 100 millions d'années. Ces œufs américains pourraient-ils contenir un ancêtre de Baby Louie qui aurait migré en Asie par la suite ? Cela serait possible, dit-il.
Le petit Louie a montré que les bébés dinosaures possédaient de larges têtes, et des yeux avec des museaux courts, des caractéristiques retrouvées chez les jeunes oiseaux ou chez les chiots, indique Carpenter, mais il nous reste encore beaucoup à apprendre. Par exemple, pouvons-nous être sûrs que « Louis n'était pas une Louise ? » Malheureusement, regarder sous la queue ne nous apportera pas davantage d'indices.
De plus, nous ne connaissons pas la cause de la mort de Louie, mais nous comprenons pourquoi il enflamme notre imaginaire depuis plus de deux décennies.
« Louie éveille l'intérêt des gens car les bébés dinosaures sont supers, » explique Carpenter. « Plutôt que de pousser des grognements féroces, il a pu s'agir de gazouillis provenant du nid. »