Un sous-variant d’Omicron se propage et inquiète les experts
Ce variant « discret », le BA.2, a un potentiel de contagiosité encore plus important et est peut-être plus à même d’échapper au système immunitaire qu’Omicron.
Sur ce cliché pris en janvier 2022, un professionnel de santé effectue un test sur un homme alors que la pandémie fait rage à Mexico.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) ne considère pas encore le sous-variant BA.2 comme un « variant préoccupant » mais continue d’en surveiller la propagation. Le BA.2 est en train de remplacer la souche Omicron dans de nombreux pays. C’est désormais le variant dominant au Danemark, qui a enregistré plus de 50 000 nouvelles infections en une seule journée la semaine dernière. Il semble que le BA.2 soit aussi le principal sous-lignage d’Omicron dans certaines régions de l’Inde et des Philippines. On lui doit déjà environ 250 cas aux États-Unis et il est présent dans la moitié des États.
Selon Cornelius Römer, bio-informaticien du Biozentrum de l’Université de Bâle, il est vraisemblable que le sous-variant BA.2 provienne du même ancêtre commun qu’Omicron (dont on appelle la souche principale BA.1), et qu’il soit apparu à la même période.
« Je dirais qu’en toute hypothèse le BA.1 a dominé le premier simplement parce qu’il a commencé à se propager plus tôt, et qu’aujourd’hui le BA.2 rattrape son retard », commente Jesse Bloom, spécialiste en évolution virologique du Centre de recherche sur le cancer Fred-Hutchinson et chercheur à l’Institut médical Howard-Hughes.
On dit parfois du BA.2 que c’est un variant discret, car sa protéine spike est dépourvue de certaines mutations qui nous permettraient de le distinguer des autres variants lors d’un test PCR (notamment Delta). Cette différence pourrait expliquer pourquoi ce sous-variant a échappé aux radars jusqu’ici.
Il est intéressant de noter qu’il y a davantage de différences évolutives entre ces deux sous-lignages d’Omicron qu’entre le virus original et le variant Alpha (le tout premier variant dit « préoccupant »). « Le BA.2 a plus de 30 mutations en commun avec le BA.1, mais il comporte aussi 28 mutations qui lui sont propres », précise Shay Fleishon, spécialiste en génétique de l’évolution et conseiller au Laboratoire central de virologie en Israël.
Cela voudrait dire que l’ancêtre commun des deux variants d’Omicron a eu l’occasion de se propager pendant un certain temps et d’évoluer en deux sous-variants distincts avant qu’on ne dépiste le BA.1 grâce à un coup du sort : une paire de mutations a inhibé deux acides aminés de sa protéine spike et l’a rendu plus facile à distinguer du variant Delta dans les tests rapides.
Pourtant, le sous-variant BA.2 est « tout aussi détectable par test PCR que n’importe quel autre variant », affirme Cornelius Römer en faisant référence à cet « étalon-or » du dépistage qui est une technique certes chronophage mais extrêmement précise d’un point de vue génétique.
CE QUI CHANGE AVEC LE BA.2
La différence entre le BA.2 et le BA.1 repose en grande partie sur la protéine spike du virus dont celui-ci se sert pour s’ancrer sur les cellules humaines et les infecter. Le BA.2 porte également un grand nombre de mutations sur d’autres parties de sa séquence virale que l’on comprend toutefois moins bien.
D’après les premières estimations de l’Institut danois de sérologie, le sous-variant BA.2 est environ 50 % plus contagieux que la souche BA.1. Cette étude danoise, qui n’a pas encore été inter-évaluée, s’est intéressée à la propagation du Covid-19 dans 8 541 foyers entre fin décembre et début janvier. Environ un quart des cas étaient dus au BA.2. Les données montrent par ailleurs que les personnes au schéma vaccinal complet sont elles aussi plus susceptibles d’attraper le BA.2 que le BA.1.
L’Agence britannique de la Santé (UKHSA) avance elle aussi que la contagiosité du sous-variant BA.2 est plus élevée (d’environ 30 %) que celle du BA.1.
D’après Jesse Bloom, qui a combiné protocoles computationnels et expérimentaux pour étudier l’évolution du SARS-CoV-2 et comprendre l’influence de certaines mutations sur la contagiosité, on est encore dans l’incapacité d’expliquer le fondement génétique à l’origine de la contagiosité accrue du BA.2.
Mais il y a une bonne nouvelle. Les spécialistes pensent qu’il est improbable qu’on assiste à un pic de contaminations graves dû au sous-variant BA.2.
D’après une autre étude, qui n’a elle non plus pas encore été inter-évaluée, le BA.1 entraîne des formes moins graves de la maladie que les précédents variants, notamment par rapport au variant Delta ; 0,5 % seulement des 52 287 infections à Omicron recensées en dans le sud de la Californie ont donné lieu à une hospitalisation. La situation est similaire au Royaume-Uni où la majorité des hospitalisations en soins intensifs étaient provoquées par le variant Delta au 19 janvier 2022, date à laquelle ont été publiées les dernières données disponibles.
Bien que le sous-variant BA.2 diffère sensiblement d’Omicron, aucun indice ne montre pour le moment qu’il soit plus dangereux. Ni les données danoises, ni les données britanniques ne montrent de différences en matière d’hospitalisation entre les variants BA.1 et BA.2. En outre, les rapports de l’OMS indiquent que le nombre d’hospitalisations n’augmente pas plus rapidement que ce à quoi on s’attendait dans les autres pays où le BA.2 se propage.
« Nous nous attendons à ce que les anticorps créés par le BA.1 neutralisent plutôt bien le BA.2, car les [mécanismes de fixation] de ces virus se ressemblent assez », rassure Jesse Bloom. Pour cette raison, il pense improbable la survenue de vagues massives de BA.2 dans les régions durement frappées par Omicron.
UN SOUS-VARIANT RÉSISTANT AUX VACCINS ?
Cependant, les conclusions de ces études préliminaires varient quant à la capacité d’immunisation des vaccins actuels contre le BA.2 par rapport au BA.1. Les spécialistes craignent un échappement vaccinal supérieur. Pour remettre les choses en contexte, le variant BA.1 arrive déjà très bien à se jouer de l’immunité procurée par une précédente infection. Il réduit également l’efficacité d’une double dose de vaccin Pfizer ; quoique une troisième dose la rétablisse partiellement.
L’UKHSA estime que les vaccins actuels préviennent aussi bien les cas symptomatiques avec BA.2 qu’avec BA.1, bien que ses données soient fondées sur un nombre relativement restreint d’infections. Les données britanniques montrent qu’une dose de rappel administrée deux semaines après la seconde injection a une efficacité de 63 % dans la prévention des formes symptomatiques du variant BA.1 et de 70 % pour le BA.2.
Des études préliminaires ayant mobilisé des versions synthétisées en laboratoire du coronavirus indiquent que les anticorps prélevés dans le sang de personnes vaccinées bloquent aussi bien le BA.1 que le BA.2. En outre, Jesse Bloom et d’autres chercheurs ont réalisé une modélisation s’appuyant sur les mutations propres à ce sous-variant et prédisent que le BA.2 ne sera pas aussi doué pour échapper aux anticorps procurés par les vaccins que le BA.1.
En revanche, l’étude danoise (qui prend en compte un échantillon d’infections plus vaste) suggère que le sous-variant BA.2 est plus apte à échapper à la protection immunitaire fournie par les vaccins que son ancêtre.
Pour le moment, il est difficile d’affirmer quoi que ce soit avec certitude jusqu’à ce que des données plus tangibles soient publiées. « À l’évidence, il n’existe pas encore de mesure expérimentale directe du BA.2, fait observer Jesse Bloom. Nous en saurons plus bientôt. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.