Variétés de cannabis récréatif de plus en plus fortes : attention danger

« Personne ne meurt d'une overdose de cannabis. Mais la substance peut avoir beaucoup d'autres conséquences sur la santé physique et mentale. »

De Meryl Davids Landau
Publication 26 mars 2024, 15:50 CET
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Un client fume en faisant la queue devant la boutique Housing Works Cannabis Co. le jour de la légalisation de l'usage récréatif du cannabis à New York, aux États-Unis.

PHOTOGRAPHIE DE Jeenah Moon, Bloomberg, Getty Images

Aux États-Unis, vingt-trois États ainsi que le District de Columbia ont déjà légalisé l'usage récréatif du cannabis ces dernières années et d'autres, comme la Floride, voteront sur cette question en novembre. Cette évolution du cadre législatif a entraîné une augmentation spectaculaire de la consommation : en 2023, 62 millions de personnes consommaient du cannabis aux États-Unis. Cependant, la légalisation du cannabis ne signifie pas que sa consommation régulière ne présente aucun danger.

D'après la recherche, les problèmes de santé liés à la consommation de cannabis ne se limiteraient pas à la sécheresse buccale ou à la fatigue, mais incluraient également des maladies physiques et mentales. Une étude récente établit même un lien entre la substance et les maladies cardiaques.

« Le cannabis est souvent associé à Bob Marley. Pour beaucoup, c'est un produit naturel, issu de mère Nature, et inoffensif », déclare Marco Solmi, psychiatre à l'université d'Ottawa. Pourtant, son analyse de la substance publiée dans la revue BMJ fait état d'un grand nombre de problèmes potentiels.

Le cannabis n'est pas dangereux comme le sont les opioïdes, indique Deborah Hasin, épidémiologiste à l'université Columbia, qui a mené des recherches sur l'usage et l'abus du cannabis. « Personne ne meurt d'une overdose de cannabis », ajoute-t-elle. « Mais la substance peut avoir beaucoup d'autres conséquences sur la santé physique et psychologique. »

 

DES VARIÉTÉS TOUJOURS PLUS PUISSANTES

Certains de ces problèmes peuvent être attribués à la puissance accrue des variétés disponibles de nos jours. Les produits actuels, « ce n'est plus l'herbe de nos grands-mères », déclarait Maria Rahmandar, directrice médicale du programme de prévention et d'usage du cannabis au Lurie Children’s Hospital de Chicago, lors d'un débat récent sur le cannabis aux Académies nationales des sciences, d'ingénierie et de médecine.

« Ces produits sont bien plus puissants et se présentent sous un si grand nombre de formulations qu'ils n'ont plus rien à voir avec les produits des années 1960 ou 1970 », indique Rahmandar.

La façon dont la population consomme du cannabis de nos jours augmente la quantité de substance active ingérée. Le vapotage et les produits comestibles délivrent généralement une plus grande quantité de tétrahydrocannabinol (THC) que les cigarettes roulées et fumées, indique Rahmandar.

 

DÉTRESSE PSYCHOLOGIQUE, UN PROBLÈME MAJEUR

L'un des risques moins connus, quoique préoccupants, de l'usage régulier du cannabis est la psychose induite par une substance, dans laquelle le consommateur fait face à des idées délirantes ou à une paranoïa, entend des voix et perd temporairement le contact avec la réalité. La psychose disparaît généralement après quelques jours, mais nécessite dans certains cas une hospitalisation.

Ce trouble peut se produire avec n'importe quelle substance psychoactive, mais le risque pour le cannabis est important, supérieur à celui de la cocaïne, indique Solmi.

« Vous avez plus de risques de développer une psychose induite par une substance si vous consommez du cannabis tous les jours, mais je ne peux pas vous donner de quantité sûre qui pourrait empêcher ce problème », ajoute-t-il. Les jeunes adultes de sexe masculin sont les plus vulnérables.

Autre constat particulièrement préoccupant, près d'un tiers des personnes qui subissent une psychose induite par une substance finissent par développer le trouble plus permanent de schizophrénie, indique Solmi.

Des études observationnelles associent également d'autres troubles psychologiques à un usage fréquent du cannabis. Dans sa revue de la littérature scientifique, Solmi constate une augmentation de la dépression ainsi qu'une recrudescence de la violence chez les couples. En outre, puisque le cannabis provoque une déficience cognitive, ainsi qu'une déficience visuelle, les accidents de voiture ont augmenté chez les utilisateurs qui conduisent sous l'influence de la substance.

Les experts s'inquiètent particulièrement des impacts sur la santé mentale des adolescents. Aux États-Unis, environ 17 % des adolescents âgés de quinze-seize ans indiquent consommer du cannabis alors qu'aucun État n'a légalisé le cannabis en dessous de vingt et un ans.

Le risque de subir une dépression à l'entrée dans l'âge adulte est supérieur de 37 % chez les adolescents qui consomment régulièrement du cannabis par rapport aux non-consommateurs. Les taux de suicide sont également plus élevés.

« À l'adolescence, le cerveau traverse une phase de maturation et de développement. Ainsi, lorsque des substances entrent en jeu, elles ont plus d'impact que sur les cerveaux adultes », résume Rahmandar.

 

LA SANTÉ CARDIAQUE EN JEU

La consommation régulière de cannabis peut également entraîner des problèmes physiques majeurs.

Les consommateurs réguliers présentent un risque plus élevé de crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral et d'autres pathologies cardiaques, selon une vaste étude de population publiée dans le Journal of the American Heart Association en février. Les chercheurs ont ainsi constaté une augmentation de la fréquence des crises cardiaques de 25 % dans ce groupe et de 42 % pour les accidents vasculaires cérébraux.

Cela se produit probablement parce que le THC affecte le flux sanguin dans les artères et parce que les récepteurs de cannabinoïdes sont présents dans l'ensemble du système cardiovasculaire, indiquent les auteurs. Les personnes fumant du cannabis augmentent également leur risque de maladie cardiaque à cause des particules inhalées en plus du THC.

D'autres études associent le cannabis à une réduction des nausées et des vomissements après la chimiothérapie, mais la revue publiée dans BMJ indique que les consommateurs réguliers peuvent en fait souffrir d'une pathologie qui accentue les vomissements, connue sous le nom d'hyperémèse. « C'est rare, mais plus il y a de consommateurs, plus le nombre de cas augmente », indique Hasin.

Les femmes enceintes qui consomment régulièrement du cannabis courent un risque supérieur d'accoucher prématurément et d'avoir un bébé dangereusement petit. De plus amples recherches seront nécessaires pour déterminer si ce phénomène provient de la substance en elle-même ou d'autres facteurs liés au mode de vie des femmes qui choisissent de consommer du cannabis pendant leur grossesse, indique Solmi.

 

ADDICTION AU CANNABIS

Beaucoup pensent que le cannabis est moins dangereux que l'alcool, mais un consommateur de cannabis sur cinq développe une addiction à la substance. Les symptômes du trouble de consommation du cannabis sont similaires aux autres substances.

« Si la personne ressent un besoin irrépressible de consommer du cannabis, si elle ressent le besoin d'en consommer toujours plus pour ressentir les mêmes effets, si elle a déjà essayé d'arrêter ou de ralentir sans succès » ou présente l'un des nombreux autres symptômes, « c'est un signal d'alerte », indique Hasin.

Comme avec l'alcool, l'addiction au cannabis peut mener à des problèmes personnels, financiers, juridiques et sanitaires.

Certains groupes sont particulièrement exposés à ce risque d'addiction. Chez les vétérans, les taux ont augmenté substantiellement depuis 2005, comme le constate Hasin dans son étude. Elle attribue ce phénomène à une combinaison de différents facteurs : la puissance accrue des produits et la tolérance de la loi vis-à-vis de la substance, ainsi que le recours probable au cannabis comme automédication contre la douleur chronique et les troubles psychiatriques. Le département des Anciens combattants des États-Unis est parvenu à réduire la prescription d'opioïdes non nécessaires aux vétérans, donc certains d'entre eux se tournent peut-être vers le cannabis », suggère-t-elle.

Chez les plus jeunes également, le risque de développer ce trouble est important. Les personnes qui commencent à consommer du cannabis à un jeune âge ou qui présentent des antécédents familiaux d'addiction augmentent sensiblement leur probabilité de développer des troubles.

« Les personnes âgées de moins de 25 ans devraient totalement éviter le cannabis », propose Solmi. « Ils n'ont aucune idée de leurs futures réactions. Ils jouent avec leur cerveau et avec leur santé. »

Pour tous les autres, la modération est essentielle.

« Ce n'est pas une substance banale qui ne présente aucun risque », souligne Rahmandar. « Pour la plupart des consommateurs, tout ira bien, mais personne ne peut prédire qui développera des problèmes. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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